• Aucun résultat trouvé

II. ARCHITECTURE DES FORTIFICATIONS

II.1. Techniques de construction

II.1.1. Les fondations

II.1.1.4. Les murs fondés sur des constructions antérieures

A l’âge du fer, il était assez courant d’implanter les ouvrages défensifs directement sur des constructions antérieures. Cette méthode économique en moyens matériels était aussi très fiable puisqu’elle permettait un ancrage solide sur des bâtiments déjà dotés de fondations. Une des solutions les plus favorisées consistait à reprendre le tracé de l’ancien système de défense du site. Cette reprise n’était jamais totale car les ouvrages du début du premier millénaire étaient souvent de dimensions plus réduites que ceux de l’âge du bronze.

Une telle configuration a été déterminée sur plusieurs sites d’Anatolie centrale et notamment à Boğazköy où les bâtiments de l’âge du bronze servirent en partie de base pour

l’érection des fortifications à l’âge du fer.417 Cela est remarquable sur le Südburg ou la partie nord du mur « phrygien » est construite sur un grand bâtiment d’époque hittite. De même, à l’est, le mur escaladait un ancien tombeau hittite (fig. 82).

Les fortifications « phrygiennes » du Büyükkale ont largement tiré profit des ruines de l’époque hittite418. Cela est particulièrement clair sur la partie sud où le rempart de l’âge du fer reprenait en partie le tracé de son prédécesseur (fig. 67, 75)419. Les constructeurs ne paraissent pas avoir cherché à creuser dans la masse du mur hittite pour implanter leur ouvrage solidement comme les Perses l’ont fait à Sardes.

Les fortifications bâties à l’âge du fer ancien sur le Zeyve Höyük à Porsuk ont été aménagées sur le même principe que celles plus tardives du Büyükkale à Boğazköy420. A l’ouest, les nouveaux occupants du site se sont contentés d’ajouter une superstructure en briques crues au socle en pierre hittite qui avait subsisté. Le mur du premier millénaire reprenait donc le tracé de son prédécesseur. Au sud-est, en revanche, le tracé a été modifié et

416 Neve, 1989, fig. 26. 417 Neve, 1989, 302 et suiv. 418 Neve, 1982, 148. 419 Ibid., pl. 47. 420 Pelon, 1991, 17-18, 1992, 315-347.

- 95 -

l’ouvrage se trouvait en retrait par rapport à l’ancien. La technique employée pour ses fondations est inconnue.

Une importante succession de constructions défensives a été mise en lumière à Alişar

où la citadelle fut fortifiée à plusieurs reprises à partir du Chalcolithique421. Dans les niveaux de l’âge du fer (4a-cM), les murs ont été successivement rebâtis sur les précédents suivant des techniques très similaires. Cette superposition des défenses et des bâtiments à l’intérieur de la citadelle a engendré une importante élévation du niveau de l’établissement. Comme sur les deux sites précédemment décrits, les constructeurs ont simplement dû niveler les murs avant d’ériger la nouvelle construction. A part quelques légères modifications, le tracé est resté le même.

A Sardes, après la prise de la ville au milieu du VIe s., les Perses ont relevé les défenses. Dans le secteur MMS, les fouilles ont mis au jour un mur de fortification dont les fondations furent creusées dans la masse en briques crues du mur lydien (fig. 150)422. La tranchée de fondation de ce nouveau mur, dont la base était en pierre, était remplie de débris provenant de la superstructure de la construction précédente. Cela suggère que son édification a probablement dû intervenir peu de temps après la destruction de la première fortification423.

Les Grecs aussi avaient recours à de telles méthodes pour l’installation de leurs défenses. A Milet, au pied de la colline de Kalabaktepe, une partie de la muraille était fondée sur des maisons de l’époque géométrique (fig. 207-208)424. Mais l’étude de ce mur de fortification montre encore une fois combien les méthodes de fondation étaient variées sur un même site et parfois sur une même section puisque dans le secteur de la porte, comme nous l’avons vu, les soubassements du mur étaient enfouis directement dans la terre.

A Clazomènes, les rares publications disponibles ne décrivent pas précisément les soubassements de la fortification découverte dans le secteur de Liman Tepe. Or le secteur était densément occupé à l’âge du bronze425 puis à l’époque géométrique. Il est donc possible de penser qu’une partie de la muraille de l’époque archaïque s’appuyait au moins en partie sur

421 Bittel, 1937, 287-326. Voir en particulier la coupe fig. 312. 422

Greenewalt et al., 1983, 6-8, fig. 6-7; 1986, 8; Cahill et Kroll, 2005, 597.

423 Ibid. n.8.

424 Cela se voit assez clairement sur le plan des défenses qui superpose les deux périodes d’occupation. Voir

entre autre Senff, 2000, 31 fig. 5.

425

- 96 -

des constructions antérieures. L’imposante construction défensive de l’âge du bronze aurait fourni une bonne base pour l’installation d’une fortification mais aucune découverte n’a été faite qui irait dans le sens d’une telle hypothèse.

REMARQUES SUR LES FONDATIONS

La plupart des murs fondés directement sur le rocher naturel sont ceux qui protégeaient des établissements de hauteur (acropole, citadelle) et dont les contours suivaient généralement les lignes de crêtes d’une colline ou d’un promontoire (Kaletepe, Çatallar Tepe, Iasos, Sardes, Lamponia, Assos, Néandria, etc.). Il n’était pas rare, quand les conditions topographiques le permettaient, que de grandes enceintes urbaines fussent au moins partiellement ancrées dans le roc (Phocée, Sardes et probablement Samos). Pour les enceintes longues de plusieurs kilomètres et partiellement établie en plaine, où le substrat rocheux était inatteignable, il était nécessaire de creuser des tranchées de fondation suffisamment profondes pour atteindre les couches stériles et compactes (Pergame, Milet III, Smyrne, Samos, Kerkenes, Sardes). Dans le centre de l’Anatolie une technique héritée de l’âge du bronze et reprise à l’âge du fer, consistait à installer les murs de fortifications sur des lits compacts de pierres brutes (Gordion, Gâvurkalesi, Boğazköy-Südburg, Sardes ?) dont la cohésion était

parfois renforcée par l’insertion de poutres soigneusement noyées dans la masse (Gordion). Cette technique est peut-être parvenue aux Phrygiens depuis le sud-est anatolien puisqu’elle était systématiquement utilisée à Zincirli. Enfin, la dernière technique de fondation, qui se rencontre aussi bien sur les sites grecs que sur les sites anatoliens, consistait à installer les ouvrages défensifs sur des constructions antérieures (Milet I, Clazomènes ?, Boğazköy-

Südburg et Büyükkale) en reprenant, quand cela était possible, le tracé d’un rempart antérieur (mur perse de Sardes, Alişar, Porsuk). Ce procédé permettait d’offrir aux constructions

défensives une solidité et une stabilité très importantes à moindre frais.

Il apparaît très clairement qu’un même ouvrage pouvait être fondé selon plusieurs techniques différentes. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les grandes enceintes urbaines qui pouvaient escalader les parois rocheuses de collines mais aussi s’étirer dans la plaine ou sur la côte (Samos, Phocée). Les constructeurs étaient toujours tributaires de la topographie de sorte qu’il n’était pas toujours possible d’atteindre le rocher comme Philon de Byzance et Vitruve le préconisaient426.

426

- 97 -