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II. 1.3.4.2 L’appareil rectangulaire régulier

II.2. Les dispositifs défensifs

II.2.2. Les portes

II.2.2.2. Les portes à cours

Sur les sites anatoliens, les portes pouvaient être lourdement fortifiées et répondre à des critères communs de monumentalisation. Les portes principales sont très souvent dotées de cours souvent traduites par gate courts, gates chambres ou torkammern dans la littérature archéologique.

Les portes de la citadelle de Gordion ont été construites et reconstruites selon des modèles très similaires. Dans la toute première phase des défenses (YHSS 6B), l’entrée semble s’être faite par deux entrées à moins de 40 m l’une de l’autre (fig. 2-4)718. La première se faisait via un couloir longitudinal flanqué de tours appelé Early Phrygian Building (EPB) qui aurait été détruit à l’occasion de la construction du mégaron 9719. Le couloir fut couvert à l’occasion d’un réaménagement comme l’indique la rangée de trous de poteaux découverts dans l’axe. Ce passage était large de 3,5 m et a été suivi sur 22 m. La seconde porte consistait en un bâtiment quadrangulaire, Polychrome House, aménagé dans le mur. Doté de deux ouvertures réduites pas des murs d’ante, le bâtiment agissait peut-être comme un filtre limitant l’accès au quartier palatial. Dans les périodes suivantes, l’accès à la citadelle se faisait

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Koşay, 1938 et 1941, pl. XXXV. Voir aussi le plan dans Lawrence, 1979, fig. 14.

718 De Vries, 1990, 372 et suiv., fig. 2 et 3 ; Sams, 1994 (c), 8-13, plan C et D. Voir Aussi Kealhofer (éd.), 2005,

fig. 3.6.

719 Un exemple similaire de couloir projeté vers l’extérieur se rencontre à Troie II porte FN. Voir Naumann,

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par une entrée monumentale qui soulignait l’importance du lieu. La porte construite après l’incendie de la fin du IXe s., appartenait à une muraille entièrement bâtie en pierre (YHSS 6A, fig. 6-7)720. Son passage se développe de manière oblique par rapport au tracé du rempart et se termine par une cour en tenaille. Les deux grandes constructions qui encadraient le couloir, bien qu’elles donnent l’impression d’être des tours, étaient de grandes salles de stockage sans fonction défensive apparente. Le couloir était long de 20,40 m et large de 8,90 m. A environ 9,50 m de l’entrée, deux petites plateformes symétriques de 2,50 m de long étaient aménagées dans le couloir. Leur fonction reste ambigüe. A l’extrémité intérieure du passage, des seuils en pierre disposés sur des poutres de bois ont été mis au jour. Enfin, le couloir aboutissait à une pièce quadrangulaire semblable à celle de l’état précédent (Polychrome House).

Dans la dernière phase des fortifications de la citadelle, la porte était construite sensiblement sur le même modèle que la précédente qui avait été totalement remblayée. La nouvelle construction avait un plan parfaitement symétrique721. L’entrée était encadrée de deux grands bâtiments quadrangulaires qui jouaient probablement le même rôle que les précédents et pour lesquels la fonction défensive n’est pas assurée. Le passage paraît avoir été doté de deux systèmes de fermeture. L’approche de cette porte ne se faisait pas frontalement. La rampe d’accès était aménagée sur la grande terrasse construite liée aux travaux d’aménagement de la citadelle. Ce système d’accès indirect a été comparé à celui de l’Apadana de Persépolis par les anciens fouilleurs qui pensaient alors que la porte datait de l’époque perse722. Pour rapprocher ces portes d’autres constructions il faudrait plutôt envisager leur forme. Dans les trois états, l’entrée de la citadelle était dotée d’une chambre rectangulaire construite entre deux sections du rempart. Un tel dispositif est connu à Zincirli sur la citadelle et sur l’enceinte extérieure (fig. 329)723. On rencontre également ce type d’aménagement à Carcémish724. Ce type de porte à cours était également courant à l’époque hittite puisqu’on le rencontre à Boğazköy et à Alişar725. Il s’agit donc d’une planification dans la tradition des grandes cités anatoliennes. Dans les deux dernières phases de la citadelle de Gordion (YHSS 6A et 6B), le couloir central était encadré par deux grands édifices que les fouilleurs n’ont jamais clairement identifié comme des tours. Il est toutefois possible que,

720Young, 1955, 12 et suiv.

721 Young, 1956, 252 et suiv. Rappelons que la porte était identifiée comme étant perse (Persian Gate) puis le

terme Archaic a remplacé le premier. La porte est maintenant datée du Phrygien moyen.

722 Ibid., 254.

723 Luschan, 1898, pl. 29. Pour de nouvelles fouilles de portes à Zincirli voir Schloen et Fink, 2009, 209 et suiv. 724 Orthmann, 1975, 414, fig. 129a.

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dans la seconde phase, une tour en saillie construite en avant de l’entrée gardait l’approche (fig. 7)726. Dans le deuxième état, les deux grandes constructions (cours nord et sud) étaient des lieux de stockage et n’avaient apparemment pas de fonction défensive. Dans le dernier état (YHSS 5), les murs des cours étaient beaucoup plus épais et pourraient avoir servi de base à une plateforme.

Les fortifications de l’âge du fer à Boğazköy ont également livré des exemples de

portes à cours techniquement proches de celles de Gordion. C’est le cas de deux des trois portes de Büyükkale (est et ouest, fig. 77)727. La cour de la porte orientale avait un plan en tenaille et faisait saillie vers l’intérieur de l’établissement. Elle est précédée par deux tours qui gardaient son approche. L’une d’entre elle se trouvait en dehors de la ligne du mur. L’approche était donc oblique comme à Gordion et à Alişar. Pour ce qui est de la porte ouest,

la chambre se trouve dans l’alignement du rempart. Elle était flanquée par deux tours à l’orientation divergente. Son plan est similaire à celui de la porte sud. Elle est également similaire aux portes de Pazarlı, de Zincirli, de Carcémish et de Karatepe. L’unique porte repérée sur le Südburg est également dotée d’une cour tournée vers l’intérieur728. Cette entrée, large d’environ 8 m était flanquée par deux bastions en saillie (9 et 10). Son plan, rappelle celui des portes est et ouest du Büyükkale.

D’autres sites dans l’ancien pays des Hatti présentent des portes à cours. C’est le cas de la citadelle d’Alişar Höyük (fig. 89)729. Cette entrée large de 5,5 m était accessible par une rampe formée par deux murs de soutènement. L’approche n’était pas axiale mais oblique. Comme dans les sites précédents, une cour en tenaille avait été aménagée juste à l’arrière du passage flanqué par deux bastions730. Ce plan rappelle clairement celui des portes de Büyükkale (est), de Kerkenes (porte de Cappadoce), de Zincirli (porte ouest de l’enceinte) et de Karatepe (portes nord et sud).

726 Pour ce qui est du deuxième état, les murs découverts devant la tour nord appartiendraient peut-être à une

tour (Young, 1956, 260 et fig. 25 ; 1962, 157 et suiv. pl. 41, fig. 9). Celle-ci aurait été construite a 18 m de l’entrée pour défendre son approche.

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Neve, 1982, 167.

728 Neve, 1990, fig. 1.

729 Bittel, in: von der Osten, 1937, 296 et suiv.

730 La construction de cette cour est un ajout du niveau 4bM, soit de l’âge du fer. Il n’y avait pas de cours aux

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Sept portes ont été comptabilisées sur le tracé du rempart sur le Kerkenes Dağ. La plus

monumentale et la seule à être dotée d’une cour était la porte de Cappadoce, située sur la partie est de la ville (fig. 109, 113)731. La porte était de type axial et possédait une chambre en tenaille située à l’intérieur de la ville. La défense de son passage était assurée par cinq tours. Le passage donnant vers l’extérieur, large de 6,20 m, était flanqué par la tour sud et la tour médiane. Vers l’intérieur de la cité, l’ouverture était large de 11 m. Deux idoles, une aniconique et une semi-iconique étaient placées dans la cour intérieure. La seconde était installée sur un piédestal (fig. 111)732. Il semblerait que les murs étaient enduits d’une préparation à base de boue dont les traces ont été conservées au pied du rempart. Dans l’ensemble, cette porte s’inscrit dans la tradition anatolienne et présente des affinités avec les portes de Gordion et des sites syro-hittites. Dans le dernier rapport consacré aux fouilles de Kerkenes, G.D. Summers a comparé la porte de Cappadoce à la porte de la citadelle de Gordion (YHSS 6A), datée du IXe s. et à celle de Sardes qui est à peu près contemporaine de celle de Kerkenes (fin VIIe s.). La comparaison se base notamment sur le fait que le couloir d’accès était oblique733. Le rapprochement avec les ouvrages occidentaux serait renforcé par le fait que le couloir en question n’était pas couvert734. La porte de Kerkenes reste toutefois un exemplaire unique dans la région mais son plan trahit également une permanence de l’architecture hittite.

Les portes à cours étaient fréquentes dans le monde anatolien dès l’âge du bronze. Elles étaient employées dans les fortifications hittites et syro-hittites. Dans la plupart des cas, la cour se trouvait du côté intérieur de la cité. En dehors de l’Anatolie centrale, les portes à cours sont plutôt rares à l’âge du fer.