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II. ARCHITECTURE DES FORTIFICATIONS

II.1. Techniques de construction

II.1.2. Les socles

II.1.2.2. Les socles à compartiments

Les socles à compartiments sont rares en Anatolie à l’âge du fer. Cette rareté est telle qu’il est possible de se demander si les constructions réalisées selon cette technique n’ont simplement pas été mal datées. Ce doute est en outre alimenté par le fait que sur tous les sites où de telles constructions ont été mises au jour, il existe des fortifications de l’âge du bronze, époque à laquelle ce dispositif était très largement sinon systématiquement utilisé. Cette

432 Summers, 1992, fig. 4.

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technique de construction semble être très largement absente dans les fortifications de la côte égéenne.

Un des exemples les plus évidents est celui d’Alişar Höyük434. Son enceinte extérieure, construite pour défendre la zone à l’ouest de la citadelle, est constituée de trois sections principales de conception assez variable. La partie nord-est du mur était composée de deux murs en briques reposant sur une mince semelle de pierres brutes. L’espace entre le mur intérieur et le mur extérieur était comblé par de la terre (fig. 87). Pour renforcer l’édifice, des murs transversaux ont été construits à intervalles réguliers créant ainsi des caissons435. La base du mur extérieur était enfin protégée par un petit muret en pierre (fig. 298). Cette construction massive atteignait 8 m d’épaisseur à cet endroit et agissait comme un puissant mur de terrasse puisque il retenait la terre de la pente du höyük préalablement creusée à la verticale. Des techniques différentes semblent avoir été utilisées dans les autres sections où l’on ne retrouve pas vraiment ce système de caissons. Le mur ouest était, selon les fouilleurs, composé d’un parement unique adossé à la colline. Le mur de pierre qui soutenait la superstructure était composé de pierre bien taillées et bien assisées436. La section sud est techniquement proche de la précédente à ceci près que le mur ne présentait vraisemblablement pas de fruit prononcé. Le socle en pierre était fait de blocs de taille hétérogène et irrégulièrement assisés.

Un exemple de mur à compartiments se rencontre à Gâvurkalesi où il est toutefois difficile de faire la différence entre les vestiges appartenant à l’époque hittite et ceux appartenant à l’époque phrygienne437. La plus forte période d’occupation, à en juger par la quantité de céramique ramassée sur le site, semble toutefois remonter à l’âge du fer. Les fortifications peuvent avoir été construites par les Hittites puis réutilisées par les Phrygiens. Le plan montre une construction assez semblable à celle d’Alişar Höyük mais il est

impossible de déterminer s’il s’agit de caissons ou de casemates puisqu’aucune fouille n’a été réalisée dans cette partie du site.

A Porsuk, la muraille de l’âge du bronze faisait un large usage des casemates. A l’époque suivante, cette méthode de construction semble avoir été à nouveau employée, au

434 Bittel, in: von der Osten, 1937, 326-330. 435 Ibid., 328-329 et fig. 365-366.

436 Bittel, loc.cit., 331. 437

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moins dans la partie orientale du site438. Puisque la continuité entre les deux systèmes de défense a été établie à plusieurs endroits, il est possible de penser que les constructeurs de l’âge du fer ancien se soient inspirés du travail de leurs prédécesseurs. Il n’existe pas de plan d’ensemble des vestiges défensifs de cette époque.

Dans l’ouest anatolien, les exemples sont quasi inexistants. Une rare exception se rencontre à Larisa sur l’Hermos (fig. 285). Une série de compartiments a été révélée dans la partie sud-ouest de la citadelle entre les tours I et VIII. La courtine était composée de deux parements espacés de 6,5 m reliés par des murs transversaux. Trois espaces (kammern) de taille similaire (4 x 4,6 m) étaient ainsi créés. Il semblerait que ceux-ci furent comblés à l’aide blocaille et de terre. Aucune interprétation n’a été proposée quant à leur fonction et l’on ne sait pas si leur remplissage a été effectué en même temps que la construction de la fortification ou s’il est postérieur. Quoi qu’il en soit, il apparaît que les bâtisseurs ont eu la volonté de renforcer l’angle sud-ouest de la citadelle ce qui pourrait expliquer la présence dans ce secteur de deux tours rapprochées et celle des casemates ou des caissons.

Comme l’a justement rappelé C. Balandier, il plane un flou important sur la définition des termes de « caisson » et de « casemate » qui sont souvent utilisés indifféremment dans la littérature archéologique pour désigner deux techniques pourtant différentes439. Il s’agit dans les deux cas d’une compartimentation du corps du mur à l’aide de muret transversaux rejoignant les deux parements. Les casemates étaient des espaces vides qui servaient au stockage des armes ou des vivres. L’emploi de caissons est généralement expliqué dans la littérature archéologique comme étant un procédé économique par lequel on épargnait des matériaux et de la main d’œuvre440. L’explication selon laquelle ce type de construction résistait mieux aux coups de béliers nous semble être la plus appropriée441. Il est certain que la blocaille noyée dans la terre compactée devait offrir une meilleure résistance contre les chocs.

438 Pelon, 1994, 158-159.

439 Balandier, 2008, 101-112. 440

Naumann, 1971, 251 ; Pelon, 1992, 328, Balandier, 2008, 112 ; Ivanova, 2008, 111-112.

441 Un mur à caisson comprend deux parements, plusieurs murs transversaux et une importante quantité de terre

et/ou de blocaille pour combler l’espace entre ces derniers. Il nous semble un peu étrange de penser qu’un tel édifice était économe en matériaux et en main d’œuvre quand un mur « simple » était dispensé de murs transversaux.

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Qu’ils soient à caissons ou a casemates, les murs à compartiments semblent avoir été relativement rares en Anatolie centrale à l’âge du fer. Cette technique de construction était très répandue à l’âge du bronze sur les sites hittites (Boğazköy, Alişar)442.

La compartimentation ne semble toutefois pas avoir été totalement absente de l’architecture militaire grecque à l’âge du fer micrasiatique. A Smyrne, le remplissage de la tour du premier mur était essentiellement composé de terre mais divisé par des alignements de petits blocs informes formant des sortes de caissons (fig. 261)443.