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2. La contribution au DD comme contrepartie de l’extension du champ de la RS aux organisations

L’adhésion à la Norme ISO 26000 par les parties prenantes du monde industriel a été moins franche et beaucoup plus difficile à négocier car il s’agissait de définir le périmètre de responsabilité des entreprises en matière sociale puis sociétale, en pleine crise économique mondiale, sur la demande, non pas des Etats, mais des consommateurs, partie prenante forte pour bon nombre d’entreprises.

Avant de se transformer en RSO, la RSE a d’abord vu son « E » disparaître : les entreprises tentaient de se faire oublier au milieu de tous les présumés responsables potentiels. Les scandales financiers, environnementaux entraînaient une stigmatisation des entreprises irresponsables et les entreprises craignaient avec une norme sur la RSE une véritable contagion. Les Chinois ont essayé, en vain, de renvoyer les responsabilités uniquement sur les grandes entreprises, autrement dit les donneurs d’ordre occidentaux, cherchant à exclure les PMI-PME qui constituent l’essentiel de leur tissu économique.

Certains auteurs, utopistes du développement durable (Ducroux, 2002), lui substituaient même le « E » de « Environnement », la RSE devenant la responsabilité sociale et

environnementale (Laville, 2009) pour tous. L’entreprise n’était plus responsable que de

manière subliminale…

Mais cette omission que l’on retrouve d’ailleurs dans le titre même de la Norme « Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale » sans « E » et sans « O » est révélatrice de l’ambiguïté et de la volonté de diluer le concept, autrement dit le sujet : c’était un calcul stratégique. Or, il ne s’agit pas seulement du niveau de contrainte (Ruwet, 2009, p.115). Si l’auteur n’est pas déterminé, en droit, il ne peut exister de responsabilité, sinon collective parfois.

En revanche, l’enjeu du sigle, qui n’était, certes, pas que terminologique, a eu pour effet de déplacer le débat sur le terrain du développement durable et de permettre de trancher entre la conception européenne et américaine de la RS en incluant une contribution au développement durable dans la finalité de la RS : ce lien entre développement durable et RS n’était pas formalisé en 2009 (le schéma de la Norme ne le présentait pas à l’origine). Or, le développement durable avait déjà ses lettres de noblesses et s’inscrivait dans le système normatif comme un principe général du droit. Supprimer la référence au développement durable aurait été alors perçu, en France notamment, comme une tendance régressive, dans une norme aussi ambitieuse que les lignes directrices de l’ISO 26000, qui, de plus, faisaient suite au guide de la performance globale SD 21000 dont l’obligation positive de contribution

au développement durable était l’objet. L’équilibre s’est ainsi établi, par un glissement sémantique au départ, en élargissant le périmètre de la responsabilité sociale à la responsabilité sociétale et environnementale. A défaut de clarifier le concept, une réflexion sur le « S » s’est engagée, consacrant le volet social de la responsabilité (Ballet et alii, 2011). Les entreprises industrielles, premières destinataires de la norme, ne s’y sont pas trompées et ont demandé de limiter encore leur responsabilité en la matière : il ne s’agit plus que « d’optimiser » la contribution au développement durable à travers la RS. Les premiers utilisateurs de la Norme déjà aguerris pour certains aux normes de management des systèmes environnementaux de la série ISO 14001 ont été surpris par la nature de cette nouvelle norme plus développée en matière sociale qu’en matière environnementale : ils ont logiquement demandé des développements futurs de la Norme ISO 26000 sur cette question centrale qu’ils ont trouvé atrophiée par rapport aux précédentes (V. Annexe 1). Mais la Norme ISO 26000, très généraliste par définition, n’a jamais eu la vocation de les remplacer. Elle s’est alors davantage positionnée comme une norme de gouvernance organisationnelle (V. Partie 2) plus qu’une norme de management classique.

Par ce couplage avec le DD, Le consensus, a, en définitive, plus institutionnalisé la RS, que les organisations (O) en elles-mêmes. Faut-il le rappeler, la RS (et par conséquent la Norme ISO 26000) n’était pas destinée à toute forme d’organisation, a fortiori aux Etats et à ses démembrements : « La responsabilité sociale de l’entreprise peut ainsi être considérée comme l’expression de la sphère privée économique à destination de la société civile non économique et plus accessoirement à la société politique » (Pesqueux, 2010)87.

Le DD est toutefois bien présent comme fil rouge définitivement inscrit dans la Norme : toutes les organisations ont l’obligation morale d’y contribuer pour être responsables sociétalement... qu’il s’agisse de diminuer leur impact social ou environnemental ou par leur objet même.

Section 2. La crise de la responsabilité

Il y a quelques années, l’entreprise était pointée du doigt. Les grandes entreprises notamment étaient associées à l’idée de risque. Il convenait de surveiller ses agissements et d’encadrer juridiquement son activité et de développer des responsabilités corrélatives (assurances, dommages-intérêts pour compenser les préjudices causés par ses externalités négatives).

Quelques années plus tard, c’est l’inverse : la société demande à l’entreprise de la prendre en charge ses attentes sous peine de voir son « droit de cité » remis en cause (Laufer, 1996, p.18). Comment expliquer ce changement de posture ? Que s’est-il passé ? La RSE est-elle une réponse à un appel sociétal ? « Jusqu’où l’entreprise peut-elle être responsable ? » (Daudigeos et Valiorgue, 2010, p.78). L’entreprise n’est plus seulement tenue de prévenir les