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L’Économie Sociale a longtemps revendiqué d'avoir un compte satellite dans la Comptabilité Publique pour connaître la part économique du secteur dans le Produit Intérieur Brut car "ce qui ne se compte pas ne compte pas". En 2003, l'Insee construit un compte satellite, à partir des déclarations fiscales des employeurs des seules Institutions sans but lucratif (ISBL) selon une recommandation internationale des Nations-Unies, mais qui ne prend pas en compte les mutuelles et les coopératives.

Ce n’est qu’à partir de 2001, pour le centenaire de la loi de s’associer, que la connaissance statistique de la vie associative fait l'objet d’enquêtes régulières par le CNRS et l’équipe Matisse avec le Centre d'Economie de la Sorbonne. L'enrichissement de la base de données est affiché comme mesure gouvernementale prioritaire en janvier 2005, en passant commande à l'INSEE et en créant un répertoire national des associations sur le Web62.

L’enquête 2005-2006 du CNRS (Tchernonog, 2007, p. 163-170) dénombre un million cent associations, qui sont catégorisées selon trois logiques :

1) associations dont le projet est articulé à l’action publique : 15% (165 000)

2) associations de membres orientées vers la pratique d’une activité : 56 % (616 000) 3) associations dont le projet présente un fort contenu militant : 29 % ( 319 000)

Re . 1) La première catégorie gère un service qui pourrait être public ou entrepreneurial : action sanitaire et sociale et aide aux chômeurs (17%),

62 Le système WALDEC du Ministère de l’Intérieur est déployé depuis 2005. Il est devenu Répertoire National des

Associations en octobre 2009. Le logiciel permet aux nouvelles associations de se déclarer, et de se catégoriser dans 29 thèmes et 250 rubriques depuis avril 2007 .

éducation privée, recherche, formation professionnelle (9%), défense d’intérêts économiques et services aux entreprises (7%).

Les collectivités locales ou l’État exercent une tutelle de droit ou de fait sur les organismes de gestion sanitaire et sociale pour contrôler leur mission déléguée de service public. Les associations ont une dépendance totale aux subventions publiques, elles ne sont donc pas libres d’adopter n’importe quel statut ou règlement intérieur ou de choisir la convention collective de référence. La grande professionnalisation du secteur ne laisse au bénévolat que la présidence des instances administratives. Les associations « faux-nez » de l’administration utilisent aussi cette formule juridique pour contourner les rigidités administratives de la comptabilité publique, pour avoir une facilité pour collecter des fonds ou pour mobiliser des acteurs extérieurs : ainsi elles risquent une requalification en gestion de fait. Quant aux associations qui produisent des biens et des services marchands analogues aux entreprises, elles peuvent faire l’objet de dénonciations et scandales : avantages en nature, détournement de fonds, dirigeant de fait, clientélisme d’administrateurs cooptés, absence de démocratie interne, faillite des instances de contrôle.

Re. 2) La deuxième catégorie classe les associations d’intégration, d’épanouissement personnel et de projets locaux : sport (36%), culture (28%), loisirs et vie sociale (29%).

La recherche d’une expression et d’un développement individuel se réalise à travers une activité collective, sportive ou culturelle, où l’on se reconnaît des intérêts communs. Signer sa carte d’adhérent ou sa licence sportive est un premier contrat qui dit des horaires et des règles de vie collective. C’est un lieu d’échanges pour compenser le vécu d’une dévalorisation des liens sociaux, l’appétit d’affectivité non pris en compte sur les lieux contraints du travail ou de l’école, le contre-point des seuls échanges marchands et monétaires.

Re. 3) Les collectifs de mobilisation défendent des causes et des droits ou révèlent les dysfonctionnements des services publics : défense des consommateurs, associations d’habitants et cadre de vie, défense de l'environnement, action humanitaire et caritative.

Avec peu ou pas de salariés, ils permettent une intégration sociale diffuse en défendant des idées, en réparant des injustices. Il est légitime ici de parler d’un contre-pouvoir parce que l’association révèle le dysfonctionnement ou l’absence d’un service, et les citoyens peuvent se saisir eux- mêmes de certaines responsabilités, révéler de nouveaux besoins, et démultiplier les actions des collectivités publiques.

Dans les revendications contre la planification urbaine devenue instable ou inefficace, une multitude de groupes aux intérêts spécifiques et de pression ont appris à s’organiser, à participer aux débats publics, à être porte-parole, à exercer une action politique leur permettant de se faire entendre des instances législatives et judiciaires. La recherche de formation et de savoirs partagés pour se défendre sur des intérêts communs, pour faire face aux transformations de son milieu de vie permet d’assurer cette défense au sein des circuits de décision publics, sans volonté d’investir les lieux de pouvoir politique. Les associations de défense du consommateur ou du cadre de vie ont appris à se défendre juridiquement contre les abus de pouvoir.

Dans les mobilisations pour les « sans droits », la compétence des dirigeants assure le passage d’un élan de solidarité, de sympathie vis-à-vis de personnes éprouvant les mêmes difficultés, en une action publique organisée et complexe. Les associations de lutte plus radicale (droit au logement, sans papiers, Robin des bois, Education sans frontières…), en dénonçant la situation sociale et politique, ont appris à créer des évènements médiatiques de solidarité. L’association ATTAC (association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens) créée en 1999, se décline en deux cent cinquante comités locaux pour former ses trente mille adhérents aux démontages des rouages économiques et financiers. Elle se désigne comme mouvement d’éducation populaire dans son objet statutaire pour « reconquérir les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde ».

En 2004, l’INSEE dénombre vingt et un millions de personnes de plus de 15 ans qui sont membres d’une association et qui participent à leur action en leur donnant de l’argent, en leur achetant des services ou en se joignant à des manifestations ponctuelles. (À comparer avec la syndicalisation : quatre millions en 1945 et deux millions en 2000, respectivement 25% et 6% de la population active). C’est moins que dans d’autres pays industrialisés : les pays nordiques rajoutent le décompte des adhésions aux syndicats, les Anglo-Saxons rajoutent les associations religieuses et « charities ».

Quatorze millions de bénévoles animent ces associations, qui donnent une moyenne d’heures de travail annuel par association de 1399 heures (ibid.p.105-116). Le temps de bénévolat correspond à 935 400 d’emplois équivalent temps plein, à comparer aux 1 045 800 emplois salariés équivalents temps plein. Plus de quatre associations sur cinq, soit 84,4% des associations, fonctionnent exclusivement avec des bénévoles. Les mouvements de jeunesse, les associations caritatives, les équipements sociaux, les services de voisinage ont un important bénévolat : ils se

rendent un service à eux-mêmes ou à leurs proches (familles des handicapés et personnes âgées), ou bien ils participent à une activité d’utilité sociale en faveur de personnes avec lesquelles ils n’ont aucun lien direct, ou bien ils s’engagent pour animer la vie locale. Le bénévolat décroît au fur et à mesure qu’une association se professionnalise.