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La visée de la formation est un savoir social disponible pour une participation effective à la communauté : cela inclut à la fois des procédures de diagnostic et d’interprétation pour résoudre les problèmes et des compétences interactionnelles qui sont de communiquer, d’argumenter et d’adapter un comportement approprié grâce à une bonne évaluation des faits et des circonstances. L’analyse de l’expérience est un outil de professionnalisation : la réflexivité dans l’alternance entre terrain et formation et la réflexion sur l’action participent au positionnement spécifique de l’animateur au sein de son environnement, pour qu’il puisse préciser les gestes de son métier, saisir les contours et les évolutions des activités de l’animation, construire son identité professionnelle en précisant quelle image il a de sa place. Elle est un entraînement praxéologique pour savoir dire ce que l’on pense, affiner son point de vue socialement situé, mais aussi pour définir le sens de son rôle dans l’espace social, prendre conscience du processus de son action, s’expliciter ce qui fonde l’intervention sociale, faire une analyse critique des situations, et ressourcer sa légitimité. L’analyse expérientielle sert à tirer un enseignement de l’action, pour construire des savoirs par induction, formaliser les compétences implicites produites dans l’action, les mettre en mots, et les transformer en savoirs transmissibles et transposables dans l’action, ainsi que validés socialement en sachant évaluer les acquis.

Les stagiaires DEFA ont trois unités à effectuer en formation générale de base : en pédagogie et relations humaines, en gestion et administration, en sociologie sur l’environnement de l’animation. La formation à la pédagogie du projet est axée sur la résolution des problèmes rencontrés dans les situations professionnelles, et sur la mutualisation des savoirs. La réflexion du stagiaire sur son action lui permet d’analyser les actes passés pour qu’ils prennent de nouveau sens par une relecture de son expérience : ses bonnes intentions, le projet qui l’anime, les objectifs qu’il croit se donner ou qui lui sont imposés, les stratégies qu’il entend privilégier, les outils qu’il veut utiliser, les modalités de relation qu’il pense établir avec ses partenaires.

De plus, ils ont quatre écrits pour construire et formaliser leur réflexion personnelle. Ces documents sont contextualisés à partir des situations d’animation en cours d’action, ils permettent une réflexion anticipative pour l’action, des renforcements ou des changements de démarches, de stratégies et d’attitudes professionnelles, tout en se dégageant de l’expérience concrète pour l’articuler à une lecture théorique. Cet apprentissage de l’écrit réflexif peut s’échelonner entre deux à quatre ans selon le parcours de formation continue ou discontinue, au choix du stagiaire

ou selon ses contraintes d’emploi.

Les mêmes aptitudes visées sont entraînées tout au long des unités de formation. 1) Une compétence diagnostique pour expliciter l’état du développement social local et projeter sa transformation : territoire vécu, ethnométhodes des populations qui y vivent, politiques d’aménagement, politiques d’intervention sociale. 2) Un rôle pédagogique maïeutique d’être un acteur créatif, accoucheur, initiateur, dans l’écoute des logiques d’actions et de la demande sociale des groupes, et leur stimulation vers des projets collectifs. 3) L’opérationnalisation des projets en ayant une expertise sur leur administration et leur gestion, et sur l’organisation et l’encadrement. 4) Être un bon communiquant pour les réseaux d’échanges réciproques, la coordination et la mobilisation d’actions partenariales, le montage des interventions auprès divers publics en ayant une représentation politique des effets de son action.

La formation en méthodologie de projet est transdisciplinaire, sans démarcation en disciplines : ainsi je peux faire des arrêts sur image pour introduire un complément d'information théorique pertinent, ou pour encourager un changement conceptuel et élargir des visions égocentriques. La mise en scène pédagogique cherche à structurer les interactions entre professionnels, par le croisement de leurs expériences, l’étude attentive d’une situation vécue, le croisement des savoirs pratiques et des connaissances théoriques, et la réflexion individuelle et collective. Pour construire les transactions pédagogiques qui permettent de mettre en commun, de communiquer, et qui entraînent une posture de questionnement, je pioche dans l’héritage des méthodes actives, coopératives, non-directives, et des pédagogies de projet et de recherche-action. Les outils de travail, que je réélabore à ma propre main, sont empruntés ou affiliés aux pédagogues suivants : le groupe coopératif de Freinet, l’éducabilité cognitive de Feuerstein, les biographies ou histoires de vie de Pineau, l’entraînement mental de Dumazedier, la non-directivité de Rogers, l’autogestion institutionnelle de Oury, la socioanalyse de Lapassade, la dynamique des groupes de Lewin, la communauté d’apprentissage ou atelier praxéologique de Payette et Champagne, la conscientisation de Freire.

Pour respecter les représentations construites tout en les mettant en mouvement pour les élargir, les questionner pour mieux les concevoir, pour dépasser le vécu avec moins de ressentiment et de stéréotypes dans la perception, j’utilise diverses formes de brainstormings en séances plénières (analogies, associations d'idées, défectuologie), et la construction de concepts en sous- groupe (circepts par schémas circulaires ou arborescence). Les jeux de créativité permettent de

casser, de concasser ses représentations, pour porter autrement le sens, apprendre à classer les attributs dans des nouvelles catégories de positionnement, apprendre à construire ses critères d’évaluation et leurs indicateurs. Les jeux d’association d’idées laissent de côté la raison, la logique formelle, et c’est un bon moyen de se décoller du réel pour changer de point de vue, pour travailler sur les conditionnements, les filtres de perception. L'objectif est d'acquérir les compétences langagières pour mettre le monde en mot, le nommer pour le distinguer.

L’utilisation des exercices d’application déductifs, après transmission de savoirs théoriques disciplinaires (sociologie, psychosociologie, pédagogie, droit, économie…), est réalisée avec précaution et parcimonie. Il est toujours difficile d’évaluer comment ces savoirs sont intégrés et assimilés pour devenir connaissances et capacités réinvesties dans les pratiques, ou comment le maniement d’informations et de concepts décale les représentations et ressource les manières de voir. La pratique a bien un statut de « théorie en action », la résolution des problèmes concrets est aussi valorisée que le savoir disciplinaire. La vision du monde est construite par les images mentales, on apprend dans leur zone proximale de développement, et s’il y a un trop grand conflit sociocognitif entre ce qui est su et ce qui est à apprendre, il y a résistance et risques de déni et rupture avec l’information nouvelle. En autoformation, il faut élucider les représentations avant d’entrer en relation avec de nouvelles connaissances et savoir-faire : reconstruire sa biographie d’apprenant et identifier ce qui est déjà su, ce qui a connotation négative ou positive, et ce qui met à l’aise ou non pour l’utiliser.

Le travail d’analyses de pratiques a deux objectifs. D’une part, la vie du groupe ici et maintenant permet de développer les comportements d’interaction, d'expression et de communication et les attitudes de coopération qui sont requises professionnellement : qualité de l'écoute mutuelle pour être tolérant à la pensée de l'autre, écoute intelligente, compréhensive pour s’entraîner à re-lier les informations, ne pas chercher le consensus mais valoriser la diversité des points de vue pour saisir la complexité du cas. Et d’autre part il s'agit de développer les compétences de diagnostic pour analyser ce qui fait interférence, distorsion, blocages dans les situations professionnelles, et ce qui fait apprentissage, sensibilité, dynamisme. Décrypter les références éducatives et pédagogiques, implicites et explicites, permet de se positionner et de les engranger.

L'analyse de la pratique professionnelle est une démarche organisée d'explicitation pour se regarder en miroir comme un autre en train de faire, et prendre conscience de ses compétences et de ses freins implicites. Porter un regard distancié pour sortir des évidences et des opacités, peut réinventer le sens et enclencher des changements de postures. L’interview collective

d'explicitation est une pratique du questionnement pour induire la réflexion à partir d’une action singulière et contextualisée. La mise en mot de l'expérience, la verbalisation d'une action réalisée aide la conscientisation de sa conduite et l'identification de ses apprentissages et de ses acquis. L’étude de cas est nourrie par l'ensemble des études de cas. L’élucidation est progressive par la rencontre personnelle avec d'autres points de vue qui font écho.

Il n’y a pas une modélisation de la résolution des problèmes parce qu’il s’agit de s’entraîner à poser des questions, à mettre en mots l’implicite plutôt qu’à donner des réponses comportementales. C’est la conscience de la nature du problème qui importe, les remédiations ne sont que la conséquence de la qualité du processus de problématisation. L’interprétation doit être pertinente pour le sujet, la résonance donne sens, l'explicitation rend les acquis plus transparents et les valorise. Les quatre semaines de stage où sont introduites les analyses de cas s'étalent sur quatre mois, à raison d'une semaine par mois. Il y a donc un temps de maturation pour continuer d'agir entre les regroupements, se regarder réaliser ses activités, construire ses discours, orienter ses actions et s’interroger sur les raisonnements, les représentations, et les connaissances mises en œuvre.

Dans la formation à la pédagogie et aux relations humaines, l’étude de cas pratique est réalisée avec des outils simples : un rituel d'organisation, une demi-journée par cas pour chacun des stagiaires, la dynamique du groupe de pairs (de 8 à 12 personnes), de l’écoute et de la confrontation, son imagination, ses savoirs, du papier-crayon, une prise de notes personnalisée, pas de cours formalisé. L’analyse de pratiques est mise en scène par un séquençage du travail, un cadre contraint par un protocole préalablement présenté aux stagiaires et garanti tout au long de la demi-journée par le formateur. Des règles de fonctionnement sont énoncées en préalable : pas d'échange sur ce travail dans les pauses, stricte confidentialité sur les pratiques analysées parce qu’elles n’appartiennent qu’au groupe, ici et maintenant.

Le rituel de la mise en scène pédagogique rassure, diminue l’angoisse de l’interlocution. Il s’agit de réguler la maturité affective de la dynamique du groupe pour que la résonance agisse pour chacun, et assurer la sécurité en permettant de s’engager à parité dans les niveaux de prises de parole. Être vigilant à créer la bonne distance pour ne pas être un objet instrumentalisé par l’autre, préserver l'espace de l'altérité qui est créateur. Le regard de l’autre est recevable quand il y a de la parité, quand la relation ne touche pas trop fort à l’intimité, à tout ce qui envahit : le contrôle, la séduction, ou la projection, font oppression. Les remarques sont entendues quand elles permettent une réponse, et non quand elles sont des opinions ou des jugements qui appellent une

justification. Être attentif à créer l’empathie, l’écoute centrée sur un alter ego et sur la compréhension d’un cas, donc décentré de soi.

Le contexte appartient au quotidien du stagiaire, il est donc toujours différent, singulier, il ne s’agit pas de jeux de rôles sur des cas en extériorité. La première séquence de l’analyse de pratiques consiste à l’énonciation d’une situation-problème vécue personnellement, un fragment d’expérience où des doutes subsistent sur son déroulement d’échec ou de réussite. Il s’agit de trouver une vraie question, qui représente un enjeu pour lui, où la solitude professionnelle a été éprouvée, peu importe que le contexte soit riche ou non, petit ou global. Il ne faut pas reprendre la prescription impersonnelle de la fiche de poste, la tâche prescrite séparée de la pratique réelle, les compétences génériques et répétitives, mais il faut retrouver les doutes, les incertitudes, les compétences singulières mis en œuvre à ce moment donné.

Le porteur de cas s’entraîne à la description et à l’explicitation de la situation, il expose au groupe les détails du déroulement des faits en les inscrivant dans un contexte géographique, institutionnel, temporel, qui concrétisent la question à résoudre. Il évoque les interactions, les pressions internes et externes, les contraintes et les libertés, les jeux à la marge et les styles d'adhésion, les handicaps et les défis, comment il a été réactif aux opportunités, aux rencontres, aux ressources, aux résistances. Il lui faut le temps de retrouver la situation passée vécue : "qu'est-ce qui te revient de cette situation", l'évocation ralentit le débit, c’est un indicateur de la qualité d'évocation, le signe d’une reconstruction non généralisante et stéréotypée. A la fin de cette séquence, le porteur de cas formule la problématique qu'il pose au groupe.

Mettre en mots le contexte est un exercice d’équilibre, les exposés de situation peuvent balancer entre deux extrêmes : une abondance de détails qui soûlent l’auditeur ou le sidèrent et le rendent compatissant, ou bien un repli sur une description très en extériorité qui ennuie ou ne fait pas adhérer l’auditeur à l’écoute du cas. Si la contextualisation est faible, l'information est floue et sans enracinement, elle ne pourra pas contribuer à une émergence d’analyse ; quand elle est excessive, elle enferme l’auditoire dans le détail superflu, elle ne permet pas de prendre de la distance et de se représenter symboliquement une réalité. La formulation à haute voix est une prise de risques, la médiation du formateur doit dédramatiser et réconforter. S’il ne se passe rien, si la formulation reste un déclaratif plat, une justification de l’action, il faut que le porteur reprécise ce qu’il demande au groupe, sinon il le met en échec d’interactions, le risque est de ne pas être touché, de ne pas pouvoir extraire des signes dans les informations données. Si

l’évocation est trop forte, le formateur rappelle le droit à l’émotion dans ce lieu sécurisé, trouver les nœuds d’incompréhension est un travail rarement possible dans le quotidien professionnel. Il faut s’autoriser à ce que les domaines de la verbalisation rendent compte des émotions, de l'imaginaire, de la visée, des valeurs et identités sociales, des croyances aussi bien que des savoirs pratiqués, de savoirs constitués, des actions réalisées.

La perception est toujours juste mais toujours partielle, voire partiale, il faut donc l’élargir. Dans la deuxième séquence, le groupe est intervieweur, il aide à compléter la lecture de la situation, par des demandes d'informations complémentaires sur les faits observés et les problèmes posés. La reformulation permet d’accompagner l’élucidation du cas. La stratégie de questionnement est de repérer les points à préciser ou à compléter, mettre en évidence les informations absentes, reformuler pour mieux faire détailler. Les questions, naïves ou expérimentées, obligent à expliciter les pratiques et à reconstruire l’activité. L’intervieweur doit faire attention au modèle implicite en référence à ses propres normes quand il omet de questionner les descriptions qui lui paraissent évidentes. L'interviewé peut se demander pourquoi il a shunté des informations, pourquoi l’évidence ne fait plus signe, pourquoi il n’argumente plus ce à quoi il croit, quand les convictions deviennent des à priori, et pourquoi le travail touche de trop prêt et qu’il affecte autant.

Chaque membre du groupe prend à tour de rôle la posture d’interviewer. Il doit s’entraîner à ne pas donner son point de vue, ni débattre, ni induire les réponses, comme il doit s’empêcher les connivences, le langage de la tribu, de l’entre soi. Dans cette confrontation d’expériences, les interlocuteurs transmettent leurs doutes par des silences, des impatiences, des étonnements, des excitations à propos de l'activité commentée. Pour lutter contre l’incompréhension de la situation par ses interlocuteurs, le porteur du cas doit mieux organiser sa description. Le groupe a une fonction de miroir, c’est-à-dire qu’il réfléchit, il renvoie de la lumière. L’interview de groupe fonctionne s’il y a une écoute active qui discrimine et qui différencie pour caractériser la situation, spécifier la réalité et décoder les évènements, voir ce qui fait résonance, connotation, sens, il faut penser en unités de sens et non en masse indifférenciée en mélangeant les causes et les effets. Puis il faut comparer et classer les éléments qui sont essentiels et ceux qui sont secondaires, pour distinguer ce qui fait symptôme et dévoiler ce qui est caché.

Dans la troisième séquence, le porteur de cas est silencieux et à l’écoute, le groupe de stagiaires renvoie un feed-back, une rétroaction. Ils confrontent leurs analyses, leurs compréhensions des logiques d’acteurs, des contradictions et paradoxes qui posent problème, en balayant tous les

aspects de la situation complexe : le niveau interpersonnel, les dynamiques de groupe, le fonctionnement organisationnel, le système institutionnel de valeurs. En repérant les systèmes de représentations, en comparant à des situations vécues ailleurs par eux et qui font résonance, ils confortent ou infirment les hypothèses énoncées dans l’explicitation par le porteur de cas. Chaque membre doit faire attention à sa projection, soit trop en sympathie au porteur de cas, soit en antipathie, soit en apathie. Le groupe ne sera pas en posture de production interprétative s’il est un groupe fusionnel, parce que la réflexion se réalise en se désynchronisant, en se distanciant. Le formateur fait partie du groupe, il ne tait pas sa propre compréhension et interprétation, à lui de choisir le bon moment et le bon style pour ne pas envahir le groupe de sa technicité et de son expertise, de son rôle attendu de "supposé sachant". La trop grande expertise oblitère le questionnement du sujet sur sa propre activité, et la rend plus implicite encore, il vaut mieux se laisser aller aux improvisations que de toujours sortir du chapeau l’analyse pertinente.

Cette étape est une opération réflexive pour en tirer un enseignement, pour en abstraire une explication, pour s’entraîner à l’analyse de contenu et à la compréhension des pratiques. La réflectivité du miroir est éclairante parce qu'elle déforme, elle peut remettre en cause les évidences, permettre l’interprétation de l'implicite rendu explicite, et la conscientisation des savoirs pratiques issus des expériences. La compréhension est la reconstruction à posteriori du fonctionnement des pratiques, la causalité n'est pas observable, mais elle doit être conçue à l’aide de concepts qui s’y rapportent, mettre en relation les éléments de la situation, les mettre en ordre, les situer dans un réseau de sens, et en interpréter les interactions. Il restera aussi à en déduire les remédiations éventuelles, des propositions de résolution de problème qui pourront être essayées dans de nouvelles situations. Le travail en groupe n’est passionnant que si l’on est capable d’abstraire dans ce que dit l’autre ce qui sera transposable dans sa propre situation.

Dans la quatrième séquence, c’est le groupe qui est à l’écoute de la rétroaction du porteur de cas qui dit ce qu’il a entendu, ce qu’il retient, ce qu’il a appris, ce qui l’a bousculé. Il dit comment sa question initiale a évolué, si c’est encore un enjeu d’actualité, ou ce qui reste pesant, à régler, parce que la page n’est pas encore tournée.

Dans la dernière séquence, le groupe dit s’il a l’impression d’avoir été entendu, il fait un retour réflexif sur l’étude de cas, en quoi la question posée initialement posait problème, quels recentrages ont été complémentaires. Il s’agit de méta communiquer sur la séquence de formation en cours, voir le degré de liberté d’expression que s’accordent les interlocuteurs, voir les richesses ou les pauvretés d’interactions et d’échanges, interpréter les relations de pouvoir dans

les distributions de parole. Il analyse s’il est un groupe fusionnel peu critique, au risque d’une