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La situation des prisonniers de guerre français en Allemagne : Des Franzosen au sein du Reich

Chapitre 1- Présentation des acteurs : des ennemis sous le IIIème Reich ?

1.2 La situation des prisonniers de guerre français en Allemagne : Des Franzosen au sein du Reich

a) Le statut des prisonniers selon l’administration allemande

Les Français sont présents en masse en Allemagne dans au moins quatre cadres : en tant que prisonniers de guerre, puis à partir de 1943, en tant que prisonniers « transformés », en tant que volontaires partis au début de la guerre, ou encore requis du Service du Travail Obligatoire (S.T.O)205. La présente étude se concentre sur les 1 845 000 prisonniers de guerre et prisonniers transformés français qui sont capturés en 1940. Parmi eux, environ 1 600 000 aurait connu la captivité et 1 000 000 pendant toute la durée de la guerre, si l’on déduit les évadés et les rapatriés des effectifs de départs206. Les débuts de la captivité sont souvent relatés comme difficiles. Les soldats sont parqués dans des Durchgangsläger207, camps provisoires dans lesquels les prisonniers ont été envoyés avant d’être répartis dans des Stammlager ou Stalag pour les soldats, dans des Oflag pour les officiers. A leur arrivée dans un camp, les prisonniers de guerre se voient remettre leur numéro de matricule qui fera office d’identification pendant toute la période de captivité. Les affectations sont disséminées sur tout le territoire du Reich et dépendent des Wehrkreise, les prisonniers de guerre étant sous la tutelle de la Wehrmacht. Les prisonniers, rattachés à un Stalag, sont ensuite répartis dans des détachements de travail (Arbeitskommandos). Comme on l’a souligné en introduction, les délimitations des Wehrkreise de l’époque correspondent plus ou moins aux Länder actuels. S’y ajoutent les régions du « Grand Reich ». Ainsi des prisonniers peuvent tout autant être affectés dans un Stalag en Lorraine qu’en Silésie polonaise, ou encore en Autriche208.

b) Une gestion partagée ? Le suivi des prisonniers par la France

Ces camps sont régis par la Convention de Genève de 1929, traité du droit international humanitaire qui permet de réglementer, en théorie du moins, le traitement infligé aux 205 Estimations de Patrice Arnaud : Travailleurs volontaires : 60 à 80 000 ; requis du STO : 430 à 460 000 dans P.

Arnaud, Les STO, Ed. 2010, op. cit. p. 23.

206 Estimations de Yves Durand dans Y. Durand, La vie quotidienne, op. cit. p. 302. Voir annexe n°4.

207 Annette Schäfer, « « Durchgangs- und Krankensammellager im Zweiten Weltkrieg : Schnittstellen zwischen

“Arbeit” und “Vernichtung” beim Zwangsarbeitseinsatz » » dans Medizin und Zwangsarbeit im

Nationalsozialismus: Einsatz und Behandlung von « Ausländern » im Gesundheitswesen, Francfort-sur-le-

Main, Campus-Verlag, 2004, p. 207-212.

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prisonniers de guerre, entre autres209. Cette convention garantit notamment des visites régulières du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) chargé de vérifier l’état des camps de prisonniers qui doivent être salubres. Elle permet aussi de réglementer le travail des prisonniers : les officiers ne sont soumis au travail que s’ils le désirent, et le principe est admis que les « travaux fournis par les prisonniers de guerre n’auront aucun rapport direct avec les opérations de la guerre210 ». Les prisonniers se voient remettre des colis dont des denrées, notamment du chocolat, qui se révèleront des monnaies d’échange précieuses211. Enfin, cette convention assure un suivi et un soutien juridique pour les prisonniers confrontés à la justice en Allemagne212. Le régime de Vichy a souhaité néanmoins pouvoir négocier directement avec les Allemands pour ce qui relève du sort des prisonniers de guerre. Le maréchal Pétain nomme donc Georges Scapini, chef du Service diplomatique des prisonniers de guerre (SDPG). Dans une lettre du 31 juillet 1940, Pétain lui attribue comme fonction :

« de « prêter [son] concours au Service des Prisonniers de Guerre qui vient d'être constitué. [Sa] mission consistera à intervenir, chaque fois que cela sera nécessaire auprès des autorités d'occupation et du Gouvernement du Reich pour aplanir les difficultés éventuelles qui pourraient affecter le sort [des] prisonniers [français]213 ».

Le CICR n’intervient donc pas dans un premier temps et les mesures mises en place vont à l’encontre de la Convention de Genève, mettant face à face directement le SDPG et les autorités allemandes. Cette situation d’exception se retrouve dans la France occupée où les visites du CICR ne peuvent avoir lieu, à la demande du Führer, dans les Frontstalag qui réunissent les prisonniers de guerre issus des colonies françaises214. Néanmoins Georges Scapini sollicite le CICR de plus en plus pour vérifier notamment la mise en application correcte de la Convention de Genève215. Lors d’une entrevue avec le général Reinecke, général de l’infanterie de la Wehrmacht en charge des prisonniers de guerre, Georges Scapini déclare ainsi : « qu'il est bien entendu que [la] mission de Nation Protectrice s'exercera en collaboration étroite avec le Comité International de la Croix Rouge dont le rôle est essentiel216 ». Il ajoute à

209 https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/INTRO/305?OpenDocument, consulté le 09/01/2019. 210 Texte officiel Convention de Genève, article 31.

211 Texte officiel Convention de Genève, article 37. 212 Texte officiel, Convention de Genève, article 60 à 67.

213 Georges Scapini, Mission sans gloire, Paris, Morgan, 1960. Ici p. 21.

214 Bernard Delpal, « La visite du camp : missions sanitaires du CICR auprès des prisonniers de guerre français

détenus en Allemagne » dans « Morts d’inanition » : Famine et exclusions en France sous l’Occupation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 213‑228.

215 Ibid.

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la suite d’une visite au CICR de Genève qu’il est « convenu qu’[il] se mettr[a] en rapport avec leur mission à Berlin, de telle sorte que [leurs efforts] soient parfaitement coordonnées et surtout se complètent217 ».

La mission Scapini aura également permis de suivre les prisonniers de guerre français arrêtés et de tenter de les protéger, ou du moins, de les encadrer. En effet, en constituant le SDPG, le gouvernement de Vichy se voit offrir la possibilité de gérer lui-même ses propres prisonniers de guerre sans passer par une puissance protectrice, qui était en l’occurrence les Etats-Unis. Le 16 novembre 1940, ce protocole est signé à Berlin218. Dans les archives politiques de l’Auswärtiges Amt à Berlin (PA AA) concernant les affaires judiciaires des prisonniers de guerre, on voit clairement les correspondances transiter par la « puissance protectrice », le bureau des Affaires étrangères (Auswärtiges Amt) et le gouvernement français, jusqu’au moment où les affaires sont directement traitées par la délégation à Berlin du SDPG219. Ainsi les affaires judiciaires remontent directement aux services de l’Etat. Cette situation a deux conséquences : d’une part, l’Etat est donc au courant du type d’affaires en question, d’autre part le SDPG agit en mettant en place des stratégies d’action. En octobre 1943 naît à Berlin le « Service Juridique de la Délégation Française à Berlin » dirigé par le capitaine Chaperon. Le but de ce service est d’établir des contacts étroits entre le SDPG et les services juridiques de l’OKW ainsi que les Affaires étrangères afin de faire respecter au mieux la Convention de Genève et d’informer les prisonniers de guerre des moyens de défenses dont ils disposent220. Georges Scapini s’est d’ailleurs intéressé de près à la question des relations entre femmes allemandes et prisonniers de guerre français, car ces types de délits constituaient plus de 77% des affaires qu’il traitait, comme il l’écrit dans ses mémoires221. Raffael Scheck rappelle que Georges Scapini a signalé à l’époque aux Affaires Etrangères ce qui lui semblait une anomalie : que des prisonniers de guerre français soient condamnés pour de tels actes quand les soldats allemands ne l’étaient pas quand ils entretenaient des rapports avec des Françaises. Les prisonniers de guerre, gérés par la Wehrmacht, auraient donc dû être traités, selon lui, de la même manière que les soldats allemands. Au nom de ce principe de réciprocité, il remet ainsi en cause à la fois l’argument du sabotage et de la protection de la race car les relations avec les travailleurs civils ne sont pas passibles, elles, de peine de prison222. Le CICR et le SDPG ont

217 Ibid. p. 43.

218 B. Delpal, « La visite du camp : missions sanitaires du CICR », art cit. 219 PAAA, R 40860 à R 40914.

220 G. Scapini, Mission sans gloire, op. cit. p. 206. 221 Ibid. p. 212.

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donc laissé de nombreuses archives qui nous permettent aujourd’hui de comprendre le fonctionnement de cette administration internationale mise en place dans l’urgence223.

Des situations variables

Malgré la mise en place de ce service qui tente de s’occuper au mieux des prisonniers de guerre, des situations très variables sont observables. Cette diversité concerne tout d’abord la nature des emplois auxquels les prisonniers sont affectés : une exploitation, une usine, une entreprise de petite taille, un commerce tel une boulangerie de quartier, etc... Selon un tableau effectué en février 1944 par le Gauleiter de Thuringe, Fritz Sauckel, l’emploi des prisonniers de guerre dans l’économie du Reich s’élèverait à 50.04% pour l’agriculture et 28,3% pour l’industrie224. L’éventail des conditions de travail est donc très large et cette pluralité de situations explique la multiplicité des expériences vécues. Si le travail est rude dans les fermes et le prisonnier isolé au sein des familles, il bénéficie cependant d’une situation plus enviable que ses homologues employés en ville dans la mesure où il est plus facile d’obtenir des denrées alimentaires à la campagne. A l’inverse, si le travail en usine est bien plus contraignant au sens où le prisonnier est placé sous une surveillance constante, il jouit cependant d’une plus grande liberté dans la mesure où il peut souvent le soir « filer en douce » en ville. Yves Durand cite ainsi le témoignage d’un prisonnier de guerre français du Stalag XI A qui mentionne que « nombreux sont ceux qui saut[ent] les barbelés pour rejoindre des femmes et ne rentrent que le matin. L’officier de contrôle est assez large225 ».

La diversité des conditions tient également aux modalités de logement, variables selon l’affectation des prisonniers. Majoritairement réunis dans des camps, de dimension plus ou moins grande, ils sont parfois mélangés à des travailleurs civils ou à des prisonniers d’autres nationalités. Toutefois, ils peuvent être amenés à vivre au milieu de la population même, en ville notamment, dans des immeubles ou des lieux publics. Dans les zones rurales, ils peuvent également être hébergés directement chez ceux qui les emploient, ce qui permet d’économiser le temps du trajet vers le lieu de travail. Le statut des prisonniers introduit enfin un paramètre qui ménage une évolution dans le temps. A partir de 1943 en effet, la possibilité est offerte de devenir prisonnier de guerre « transformé » et donc de se déplacer plus librement226.

223 Cf introduction, 4. Sources et méthodologie. 224 Y. Durand, La vie quotidienne, op. cit. p. 82. 225 Ibid. p. 241.

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Cette démarche fait suite à des tentatives d’accords entre la France et l’Allemagne pour attirer des travailleurs vers le Reich. Ces négociations, qui traduisent les besoins en main d’œuvre du régime, s’ouvrent très tôt avec la France particulièrement. La mise en place dès le 27 septembre 1940 d’un groupement de travailleurs étrangers, basé sur le volontariat et qui vise à faire venir des Français en Allemagne, s’est révélée cependant peu efficace227. Fritz Sauckel réclame 350 000 volontaires pour mai et juin 1942, mais les candidats sont rares228. La pression ainsi exercée est à l’origine du système de la « Relève » annoncé par Pierre Laval, alors chef du gouvernement de Vichy, dans son discours du 22 juin 1942. On en connaît les enjeux, relevant d’un véritable marché : en échange de travailleurs civils acceptant d’aller en Allemagne, des prisonniers de guerre seraient rapatriés. Pierre Laval souhaite que 50 000 prisonniers reviennent en France contre 150 000 ouvriers qualifiés, requête qui est validée par Hitler229. Mais « la Relève », qui met en jeu le principe du volontariat, n’obtient pas le succès attendu.

Les procédures évoluent donc vers un recrutement forcé. Une première loi du 4 septembre 1942 prévoit ainsi que tous les hommes de 18 à 50 ans et les femmes de 21 à 35 ans qui sont aptes au travail « pourraient être « assujettis pour effectuer des travaux que le gouvernement jugera utile dans l’intérêt supérieur de la Nation230 ». A ce stade et en principe, la démarche reste toujours basée sur le volontariat. Elle se révèle être plus efficace, mais fin 1942, ces « requis » de la Relève sont seulement 134 976 au lieu de 150 000 demandés231. Cette loi a donc préparé le terrain pour le Service du Travail Obligatoire mis en place le 16 février 1943232. Tous les hommes des classes d’âge de 1920, 1921 et 1922, puis 1919 et 1923 et 1924 plus tard, sont désormais obligés d’aller travailler en Allemagne. Au total, Patrice Arnaud comptabilise entre 685 à 705 000 travailleurs français qui ont franchi la frontière233. Le S.T.O fonctionne aux côtés de la Relève toujours en vigueur et parallèlement intervient la possibilité de devenir un « prisonnier transformé » à partir de l’été 1943. Ce faisant, ceux qui optent pour ce statut ne dépendent plus de l’armée et peuvent être légalement employés dans des usines d’armement234. Helga Bories-Sawala avance le nombre de 197 000 prisonniers de guerre transformés235.

227 P. Arnaud, Les STO, Ed. 2010, op. cit. p. 2. 228 Ibid. p. 5. 229 Ibid. p. 8. 230 Ibid. p. 9. 231 Ibid. p. 10. 232 Ibid. p. 13. 233 Ibid. p. 23.

234 H. Bories-Sawala, Dans la gueule du loup, op. cit. p. 129. 235 Ibid. Document annexe 1.1, tableau XXIII.

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Offrant, a priori de nombreux avantages, cette transformation est censée être volontaire, mais certains groupes de prisonniers s’y sont soumis sous la pression. Yves Durand cite ainsi des exemples de transformations collectives « plus ou moins forcées »236. Cette mesure est tout à l’avantage de l’Allemagne. Elle se traduit par un meilleur rendement de la main d’œuvre et une économie de gardiens. Toutefois, l’historiographie a mis en lumière les conflits engendrés par la juxtaposition de ces statuts. Helga Bories-Sawala montre ainsi les tensions qui surgissent entre les prisonniers de guerre et les « transformés » qui aux yeux des premiers ne sont rien de moins que des « collaborateurs »237. Il est vrai que ce statut issu des anciens prisonniers de guerre reste peu clair, comme nous le verrons au chapitre 8. Il pose des problèmes au niveau juridique, car, bien que détachés de la tutelle de la Wehrmacht, ces hommes sont malgré tout en théorie soumis au Verbotener Umgang mit Kriegsgefangenen, qui ne s’applique en revanche pas aux travailleurs civils volontaires ou forcés.

Un statut hybride ?

Le statut de prisonnier de guerre est en fait hybride, ces hommes étant réduits à la captivité mais jouissant aussi d’une certaine liberté. En premier lieu en effet, ces prisonniers sont des soldats humiliés par la défaite, leur captivité ayant clos le chapitre de la « drôle de guerre »238. Selon Michael Kelly, l’effondrement de la France a non seulement correspondu à une humiliation pour les soldats atteints dans « leur domaine de prédilection » mais aussi en alimentant en eux le sentiment qu’ils ont « failli dans leur tâche de protection du pays » en étant absents239. Se retrouver loin de leur famille, de leur culture, de leur pays nourrit l’idée qu’ils sont en situation d'infériorité240. Yves Durand parle à leur égard de la « grande misère » des prisonniers de guerre, évoquant le temps long de la séparation avec la famille, qui se confond pour beaucoup avec la durée du conflit, mais aussi les situations d’anomie liées à la guerre, telle l’expérience de « la mort en exil ». De façon plus ordinaire, la captivité est source de monotonie au quotidien, les jours s’égrenant sans autre espoir que l’attente de la libération241. C’est surtout une forme de mémoire qui fait des prisonniers de guerre, pendant le conflit du moins, des victimes à prendre en exemple, sur le modèle du « bon prisonnier ». Durand parle de 236 Y. Durand, La vie quotidienne, op. cit. p. 202.

237 H. Bories-Sawala, Dans la gueule du loup, op. cit. p. 442. Témoignage du requis du STO Edmond. 238 Voir : R. Dalisson, Les soldats de 1940. Une génération sacrifiée., op. cit.

239 Citer dans F. Virgili, La France virile, op. cit. p. 301.

240 Sur le sentiment d’infériorité, voir les différents témoignages relatés dans H. Bories-Sawala, Dans la gueule du loup, op. cit. p. 331-342. Voir aussi : Y. Durand, La vie quotidienne, op. cit. Chapitre 8 : La grande misère

des PGs.

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« rédemption par la souffrance », expression qui s’applique aux camps de prisonniers242. Qu’elle soit issue des représentations de l’après-guerre ou corresponde à un sentiment réel contemporain des événements, la souffrance est mise en exergue dans les témoignages des prisonniers243.

A rebours, ces anciens soldats ne sont pourtant pas au front et disposent dans les faits d'une certaine liberté. Dès 1941 un assouplissement de la surveillance (« Auflockerung der Bewachung ») permet officiellement à tous les prisonniers de guerre français de se déplacer librement pour se rendre sur leur lieu de travail244. En théorie, cette disposition prévoit que la surveillance militaire allemande laisse place à la surveillance d’un sous-officier français ou d’un prisonnier français à qui incombe le rôle de « surveillant ». Afin de soulager également le dirigeant du Kommando (Kommando-Führer), un « Doyen du Kommando » (französischer Kommando-Ältester) est désigné. L’OKW a conscience du danger potentiel que représente une telle liberté, mais assume le risque de ce système de Kommando-Führer couplé au Kommando- Älteste, comptant sur des sanctions sévères qui seraient appliquées en cas de tentatives de fuite. Notons enfin que ce document stipule clairement que « cet assouplissement ne s’étend en aucun cas aux prisonniers de guerre d’autres nationalités245 ».

L’ambiguïté est donc de mise pour ce qui est de ce dispositif : d’un côté cet assouplissement déroge à la règle commune, de l’autre, malgré cette liberté relative, les captifs sont considérés comme les ennemis du peuple allemand et sont à traiter comme tels. Dès leur arrivée en Allemagne, il est stipulé en effet qu’il leur est interdit de se rendre dans des lieux publics, de détente et de fréquenter la population. Parallèlement cette dernière est informée du comportement à afficher envers les prisonniers de guerre. Un livret imprimé dès 1939 édicte les règles de conduite à tenir. On peut par exemple y lire :

« En rapport avec [les prisonniers de guerre] il faut tenir compte du fait que : L’ennemi reste toujours l’ennemi, même s’il se montre docile et en apparence fiable : Un prétexte sous couvert duquel le prisonnier veut d’abord seulement s’arroger votre confiance. Restez constamment sur vos gardes envers chaque prisonnier246 ».

242 Ibid. p. 189. 243 Cf chapitre 9, 9.1.

244 BArch R 58/272 : Notice du chef de l’Oberkommando der Wehrmacht du 3/10/1941. Notice qui s’applique à

tous les Wehrkreise à l’exception des « linksrheinischen Gebiete », c’est-à-dire les régions frontalières avec la France, probablement pour éviter les tentatives de fuite.

245« Die den Franzosen zu gewährenden Erleichterungen sind in keinem Fall auf KR.Gef. anderer Nationalitäten

auszudehnen » cité dans : Ibid.

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Entre la norme et la pratique, l’écart est grand toutefois et les sources le révèlent : les prisonniers et la population outrepassaient ces interdictions247. L’objet de cette étude témoigne de la réalité des relations nouées entre les prisonniers de guerre français et les femmes allemandes. Dans les faits, les prisonniers de guerre ont pu sortir des lieux qui leur étaient assignés, ont pu communiquer avec la population au-delà du cadre du travail, ont donc échangé avec « l’ennemi ». L’étude des procès qui font suite aux infractions au Verbotener Umgang fournit nombre d’indices quant au quotidien de ces acteurs. On découvre que les relations se déroulent souvent le soir, à l’extérieur, hors des camps ou des logements des prisonniers. Des rencontres se tissent même dans des lieux de détente, dans des bistrots (Gastwirtschaften). Bien que soumis à des règlements stricts, certains prisonniers de guerre français ont donc pu échapper