• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 – Enfreindre la norme, des pratiques risquées

3.5 Après le procès : Sanctions et détention

Les sanctions vont déterminer le type de détention. Une partie importante des sources concernant les femmes provient des dossiers personnels des Zuchthäuser Waldheim en Saxe et Cottbus dans le Brandebourg, qui nous donnent des indications plus ou moins complètes sur le déroulé du séjour, l’arrivée, ou éventuellement les interruptions dans la détention565. De façon générale, on dispose de peu d’informations concernant la vie en détention. Du côté des prisonniers de guerre, une dizaine de dossiers personnels ont été exhumés par hasard au Staatsarchiv de Leipzig566. Ces archives restent néanmoins marginales, et aucun témoignage ou donnée plus précise n’ont pu être trouvés.

562 K. Theis, Wehrmachtjustiz an der « Heimatfront ». Die Militärgerichte des Ersatzheeres im Zweiten Weltkrieg, op. cit. p. 67.

563 AN Pierrefitte F/9/2500, dossier de Paul B. n° 9233. Voir annexe n°11. 564 AN Pierrefitte F/9/2799, 3ème liasse.

565 Fonds 29 Zuchthaus Cottbus au BLHA, et fonds 20036 Zuchthaus Waldheim au Staatsarchiv Leipzig. 566 SächsStA-L, dans le fonds 20036 Zuchthaus Waldheim : n° 13524, 14763, 15274, 15392, 15911, 15936 et fonds

184 a) Sanctions infligées aux femmes allemandes

Total Acquittement Amende Prison Zuchthaus

Prison pour mineures Données inconnues 1940-1945 1785 12 54 758 574 17 370 1940 17 0 0 14 1 0 2 1941 189 0 1 84 73 1 30 1942 526 3 12 196 239 3 73 1943 415 5 19 206 122 4 59 1944 394 3 14 200 103 6 68 1945 70 1 3 27 21 2 16

Tableau statistique des types de peines concernant les dossiers des femmes allemandes pour Verbotener Umgang correspondant aux Wehrkreise III, IV et V567

Même si cela reste assez rare (12 cas avérés), il est possible toutefois d’identifier des situations où l’accusée allemande est acquittée. C’est le cas par exemple de la jeune Berta, inculpée en 1944 à Berlin après avoir eu une relation avec un prisonnier de guerre transformé. Elle est acquittée malgré une relation longue, qui a duré près d’un an et demi, qui s’est soldée par la naissance d’un enfant568. De même, Ingeborg, citée précédemment pour avoir été victime de délation, a été acquittée car les juges se sont accordés sur le fait que les accusations du témoin n’étaient pas crédibles569.

Pour les cas les moins graves, la sanction oscille entre une amende et une peine de prison légère (moins d’1 mois)570. Selon l’âge de l’accusée, il est possible qu’elle reçoive une peine de détention pour mineurs (Jugendarrest). C’est une peine faible adaptée aux moins de 21 ans. Néanmoins, selon la gravité de l’acte et si la « moralité » de la jeune fille est, selon les juges,

567 Basé sur les dossiers consultés dans le cadre de notre étude.

568 LAB A Rep 358-02 2078/4662, procès de Berta M., le 23/10/1944, Amtsgericht de Berlin.

569 BLHA Rep. 12C Sg Frankfurt/Oder 1670, procès de Ingeborg Z., en 1943, Sondergericht de Francfort-sur-

l’Oder.

570 Principalement les cas de discussion, échange de denrées alimentaires (à petite échelle), voire jusqu’à une

marque visible d’affectation (étreinte, baiser). A titre d’exemple, une jeune femme est condamnée à une amende de 100RM en 1943 pour avoir échangé des lettres avec un prisonnier de guerre (SächsStA-L 20114/3563, Ursula B.), une autre à un mois de prison pour avoir embrassé un prisonnier dans l’entreprise Prototyp à Zell en 1942 (StAF A 43/1/579, Helen G.)

185

déjà compromise, elle peut être condamnée à une peine plus sévère. Les jeunes Edith et Margot, âgées de 15 ans, sont condamnées respectivement à un mois de prison et huit mois de prison pour mineures. Dans le cas de la première, la Cour pour mineurs de l’Amtsgericht de Berlin la condamne d’abord à deux semaines de prison. La peine est cependant jugée trop légère sachant qu’elle a eu des relations intimes avec un prisonnier de guerre menant à une grossesse. Elle est donc jugée à nouveau par le Landgericht de Freiberg et est finalement condamnée à un mois de prison pour mineure571. La seconde est condamnée à 8 mois de prison pour mineurs. Elle aurait eu des rapports sexuels avec des prisonniers de guerre alors qu’elle était en train de fuguer avec une amie. Toutes deux ont eu des rapports intimes avec un prisonnier, ce qui justifierait une sanction pour un « cas grave », pourtant Margot écope d’une peine beaucoup plus élevée. La justification de la Cour est simple : elle est dépeinte comme « asociale » ayant déjà une vie sexuelle active572. Au total, sur les 380 femmes de moins de 21 ans que comporte notre corpus, seules 17 d’entre elles ont été condamnées à de la prison pour mineurs573.

Les peines les plus courantes restent les peines de prison ou de Zuchthaus. Les résultats auxquels nous avons abouti sont les suivants : 758 femmes ont été condamnées à la prison, 574 à la Zuchthaus. En moyenne les peines de prison sont de 7,5 mois, mais peuvent aller de quelques semaines à cinq ans. Les peines de Zuchthaus sont en moyenne de 23 mois et peuvent aller d’un mois à huit ans. Dans le cas d’un rapport sexuel, les peines de Zuchthaus sont plus courantes (50%) ce qui reste conforme à la réglementation en vigueur selon laquelle les juges sont encouragés à donner ce type de peine pour chaque Verbotener Umgang qui impliquerait des rapports intimes. La transgression de l’interdit, même quand il est avéré, ne conduit cependant pas toujours à cette sévère sanction et beaucoup de femmes écopent seulement de peines de prison. Un des facteurs qui incite les juges à imposer des peines de Zuchthaus tient au fait que l’inculpée est mariée. Si son époux est mobilisé sur le front, cette donnée constitue une circonstance aggravante574. En revanche la naissance d’un enfant ne semble pas spécialement alourdir la peine575. Il est même déclaré dans le cas d’Agnes que sa grossesse est un fardeau suffisant et qu’une peine plus lourde n’est pas nécessaire en conséquence. Elle a en

571 LAB A Rep 358-02/3787/105726, procès de Edith E., le 05/06/1942, Jugendsgericht de Berlin.

572 SächsStA-L 20036/837, procès de Margot S., le 05/02/1945, 39. Strafkammer (Jugendkammer) de Leipzig. 573 Pour le reste, les peines sont très variables et vont d’amendes aux peines de Zuchthaus, en passant par des

peines de prisons, allant parfois jusqu’à plusieurs années. Le jeune âge n’atténue donc pas forcément la sanction.

574 Sur l’échantillon de 1785 cas, les femmes mariées ont écopé à 42% d’une peine de Zuchthaus, pour seulement

27% des femmes célibataires.

575 Sur les 141 femmes ayant eu un enfant né de la relation avec un prisonnier, 42% sont condamnées à de la prison

186

effet été condamnée à « seulement » 8 mois de prison. La Cour déclare qu’en mettant au monde l’enfant d’un prisonnier de guerre, elle porte déjà de manière visible les stigmates de cette relation interdite576. Rappelons en outre que parallèlement à la peine de prison, dans les cas les plus graves, les femmes perdent également leurs droits civiques577.

Dans le cadre de notre étude, les peines de Zuchthaus prennent le pas sur les peines de prison seulement pour l’année 1942, année regroupant le plus de procès. Pour le reste, les peines de prison dominent. En revanche, on observe une augmentation de la durée des peines de prison entre 1940 et 1945. Elles passent d’en moyenne 6,5 mois à 9,5 mois en 1945. Malgré le nombre de procès qui reste constant entre 1942 et 1944 (526, 415 puis 394), les peines de Zuchthaus, qui, rappelons-le, impliquent des conditions de détention beaucoup plus sévères, n’augmentent pas. La durée des peines de Zuchthaus passe d’en moyenne deux ans et deux mois en 1941 à un an et 6 mois en 1945.

La peine la plus grave, abondamment relayée par la propagande578, est l’internement en camp de concentration. Parmi toutes les sources de notre corpus, seul un cas stipule clairement que l’inculpée a été déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Il s’agit de Maria F. qui a eu une relation avec un Polonais entraînant la naissance d’un enfant579. Ce qui est particulièrement intéressant dans son cas, c’est qu’elle n’est pas condamnée au titre du « Verbotener Umgang mit Kriegsgefangenen », mais se voit imposée un ordre d’arrestation préventive (Schutzhaftbefehl) pour « Unerlaubten Verkehr mit Polen », c’est-à-dire « contact non autorisé avec un Polonais ». Sa relation ne concerne pas en effet un prisonnier de guerre, mais un travailleur civil. Il ne s’ensuit donc pas de procès, mais seulement un ordre émanant directement de la Gestapo. Il est assez rare néanmoins de trouver ce type de situation, car ces mises en détention préventives ne sont pas forcément documentées. Le cas de Maria F. est en tout cas singulier par rapport à nos sources. La relégation en camp de concentration pour des femmes ayant eu des relations avec des prisonniers de guerre français n’est pas courante en revanche. Force est de constater que les appréciations des juges dans les procès sont moins stigmatisantes avec cette catégorie d’ennemis qu’avec les Polonais. Ils ont pu s’appuyer en cela sur les sources officielles qui revendiquent la création « d’une nouvelle Europe » qui inclut la

576 StAL E356 i/5223, procès d’Agnes D., le 29/12/1942, Landgericht de Ravensburg. 577 Voir note 371.

578 « Un morceau de pain – Un an de prison, un baiser – Deux ans de prison, un rapport sexuel – La guillotine ! ».

Voir note 415.

187 France580.

Pour autant, des exceptions à la règle sont à souligner et certaines femmes ont bien été envoyées à Ravensbrück au titre, entre autres, du Verbotener Umgang. Une plaque commémorative le rappelle, apposée en 2002 au camp de concentration de Sachsenhausen, à la demande de Peter Broghammer, fils de Rosa Broghammer et d’un travailleur civil français. Sa mère, internée dans ce camp à la suite de cette relation, y est décédée581. Par ailleurs on peut trouver à Ravensbrück une liste d’environ 120 femmes internées pour « Rapport avec des Français582 ». Cette source nous a posé problème de par son caractère lacunaire : ces listes de noms ne comportent en effet qu’un intitulé de la cause de l’internement très succinct, en l’occurrence « rapport avec un Français ». Dans quelques cas, il est précisé que le Français en question est prisonnier de guerre, mais dans la grande majorité, on ne connait pas son statut. Il peut s’agir donc d’un internement sanctionnant un rapport avec un travailleur civil, qui n’est en théorie pas passible de Verbotener Umgang. A l’inverse cette situation peut mettre en jeu une relation avec un prisonnier de guerre français qui comporte potentiellement un danger politique : aide à l’évasion, complicité pour sabotage, mise à disposition d’une radio pour l’écoute d’émissions étrangères, don de vêtements de civils, etc… Un seul cas parmi la liste trouvée à Ravensbrück a pu être identifié, et révèle des informations intéressantes pour notre étude. Irmgard Z. figure sur une liste de transfert vers Ravensbrück en date du 28 avril 1944 qui contient le commentaire suivant : « rapport avec un Français ». Or un dossier aux BLHA à Potsdam existe bien à son nom, mais traite d’une affaire de recel impliquant un groupe de personnes en 1940. Elle a été condamnée le 6 septembre 1940 à Berlin à 10 mois de prison, peine qu’elle a purgée dans l’établissement de Barnimstraße. A priori cette condamnation n’a aucun lien avec son transfert à Ravensbrück. Dans le même dossier datant de 1940 figurent d’autres documents postérieurs (1944) dont une demande manuscrite de son mari. Celui-ci s’adresse à la section criminelle de Berlin, expliquant que sa femme est depuis le 25 mai 1944 internée au camp de concentration de Ravensbrück, qu’il n’y a pas eu de procès et qu’il ne possède aucune information. Un autre document retrace les différents lieux où Irmgard a été officiellement recensée : elle est retournée chez elle fin 1943, après avoir purgé sa première peine de prison ; son internement est donc postérieur à cette date. Un courrier du 12 juillet 1944 de la police confirme qu’elle n’est pas passée devant un tribunal. Il établit que si elle a été

580 Cf chapitre 8, 8.3, b).

581 Cité dans l’intervention d’Insa Eschebach (Directrice du mémorial national de Ravensbrück), « Verkehr mit

Fremdvölkischen ». Die Haftgruppe der wegen « verbotenen Umgangs » im KZ Ravensbrück inhaftierten Frauen. », colloque « Verkehr mit Fremdvölkischen », du 13 au 15 octobre 2016, mémorial Ravensbrück.

188

envoyée en camp de concentration, c’est que son comportement l’y a menée. Aucune explication sur la raison de son internement n’est donc donnée. Un document succinct du 8 septembre 1944 émanant de la Gestapo de Francfort-sur-l’Oder nous livre un peu plus d’informations. On y apprend qu’Irmgard se trouve en camp de concentration depuis le 29 mars 1944 car elle a eu une relation avec un prisonnier de guerre transformé et qu’un procès n’a effectivement pas eu lieu. Il est prévu qu’elle soit libérée après 6 mois d’internement, si son comportement est correct. Il est précisé qu’un recours gracieux n’est pas possible dans son cas et qu’aucune information à son sujet pendant le temps de l’internement ne peut être communiquée583. Le dossier prend fin avec ce document et il n’est pas possible de connaître l’issue de la trajectoire d’Irmgard. Ce cas n’en illustre pas moins un aspect du système judiciaire et concentrationnaire nazi auquel notre sujet nous confronte : le parcours d’Irmgard échappe à la voie de la justice, témoignant qu’une partie des sanctions appliquées aux femmes qui trahissent les valeurs de la Volksgemeinschaft relèvent directement de la police, particulièrement de la Gestapo. Notre hypothèse concernant ce cas est que les actes commis par Irmgard préalablement à sa relation avec un Français ont constitué une circonstance aggravante, qui ont pu la placer dans la catégorie des « asociaux » et entraîné une peine beaucoup plus sévère. Les sources restent trop lacunaires pour aller plus loin dans l’analyse, mais la vertu de ce dossier est de montrer la multiplicité des chemins qui conduisent les femmes à payer le prix de leur infidélité. Certains de ces chemins relèvent entièrement de l’arbitraire d’un régime policier. Au-delà de la violence institutionnelle, exercée par le haut, depuis l’appareil d’Etat, nous aurons l’occasion d’observer les formes de répression spontanées émanant de la société dont ces femmes ont pu être victimes. Bien qu’interdites par Hitler lui-même le 31 octobre 1941584, ces pratiques ont bien eu lieu, comme l’attestent des sources, des photos et même des films sur lesquels nous reviendrons 585.

b) Sanctions infligées aux prisonniers de guerre français

Concernant les prisonniers de guerre, le registre des affaires qui les concernent, conservé aux Archives Nationales à Pierrefitte, donne un aperçu extrêmement clair des peines qui leur sont infligées.

583 BLHA Rep. 12C Berlin 19160-19162, procès de Irmgard Z., le 06/09/1940, Sondergericht de Berlin.

584 BArch R 58/272, document du chef de la Police de sécurité allemande (Sicherheitspolizei) au sujet des contacts

avec les prisonniers de guerre, à Berlin, le 31 octobre 1941.

189

Total Acquittement Arrêt de rigueur586 Prison militaire Zuchthaus Données inconnues 1941-1945587 3394 168 104 2099 66 957 1941 189 9 6 131 2 15 1942 862 44 43 739 4 32 1943 1052 61 33 735 4 219 1944 992 42 16 393 40 501 1945 311 12 4 97 16 182

Tableau statistique des types de peines concernant les dossiers des prisonniers de guerre français pour « relation interdite avec une femme allemande » correspondant aux Wehrkreise III, IV et V588

De même que pour les femmes allemandes, quelques cas se soldent par un acquittement589. C’est le cas par exemple de Cyrille W. condamné en novembre 1941 au Feldskriegsgericht der Kommandatur de Berlin590. Ce dernier aurait glissé une lettre d’amour à une collègue de travail dans l’usine où il était en poste. La copie du jugement révèle que le prisonnier de guerre a été acquitté, car la Cour n’a pas pu prouver qu’il était au courant de l’interdiction de Verbotener Umgang. Le dossier de sa comparse allemande n’a malheureusement pas pu être retrouvé. En effet, l’issue du procès est étonnante. Le prisonnier de guerre français (ou son avocat) a pu convaincre les juges qu’il n’était pas au courant de l’interdiction, ce qui semble peu vraisemblable. D’autre part, il est troublant que les juges donnent du crédit à la parole d’un ennemi. Toutefois, il faut remarquer que si « contact interdit » il y a eu, la gravité de l’acte est toute relative : il s’agissait seulement d’une lettre d’amour transmise à l’intéressée.

L’énorme majorité des procès se solde pour les captifs par de la prison. Une analyse

586 Peine disciplinaire militaire n’excédant pas les six semaines d’arrêt.

587 Des procès ont sans aucun doute eu lieu dès l’automne 1940, néanmoins, le registre aux Archives Nationales

démarre seulement en 1941. Une supposition est qu’avant cette date, la coordination entre le SDPG et la Délégation de Berlin n’était pas encore en place.

588 Résultats basés sur le registre des affaires judiciaires concernant les prisonniers de guerre français. Voir note

51.

589 Dans les Wehrkreise III, IV et V, on dénombre 168 acquittements, soit presque 5% des sanctions. 590 AN Pierrefitte F/9/2398, Dossier N° 1799, procès de Cyrille W.

190

statistique des peines qui leur sont infligées dans les Wehrkreise de notre étude révèle que les sanctions sont progressivement plus élevées tout au long de la guerre. Le nombre de procès atteint son pic en 1943. Les peines de prison militaire passent d’un an et huit mois en moyenne en 1941 à deux ans et quatre mois en moyenne en 1945. Très peu de prisonniers sont en revanche condamnés à la Zuchthaus (dans les dossiers, cette expression est traduite par « travaux forcés »). En effet, les captifs dépendant de la Wehrmacht sont censés être internés dans des établissements militaires, et non dans des institutions civiles. Toutefois, les peines de Zuchthaus très faibles entre 1941 et 1943 (2 à 4 cas par an), explosent en 1944 et passent à 40 cas. L’avocat Stéphane Delattre confirme également qu’en 1944 il observe dans les procès une politique de « dissuasion par la terreur » (Abschreckungsgedanken)591. Ce durcissement correspond au moment où Himmler devient responsable de la captivité des soldats ennemis592.

Notons que les sources offrent très peu d’indications sur les lieux de détention. Quelques dossiers révèlent que certains ont été envoyés à la Zuchthaus de Waldheim, qui est une institution civile593. Un autre établissement pénitencier connu est la « forteresse de Graudenz », dont le seul nom terrifiait les prisonniers de guerre français. Un certain nombre de témoignages aborde ce lieu et le compare à un camp de concentration tant les conditions de vie y étaient difficiles594. Peu de travaux ont été réalisés à ce sujet, mais Fabrice Virgili mentionne que très souvent les prisonniers de guerre condamnés pour relations interdites avec des femmes allemandes finissent à Graudenz595. Deux documents conservés dans des dossiers aux Archives Nationales à Pierrefitte offrent un éclairage sur ce point. Ils concernent deux prisonniers transférés en ce lieu. On y apprend que la communication entre le SDPG et Graudenz ne fonctionne pas596. Dans un des cas, des parents inquiets expliquent ne pas avoir eu de nouvelles de leur fils depuis plus de trois mois ; dans l’autre, s’agissant d’un prisonnier de guerre transformé, le SDPG précise qu’il ne peut obtenir d’informations sur le jugement et la détention597.

Fabrice Virgili déclare également que les « Français échappèrent au sort réservé aux Soviétiques ou Polonais, parce qu’ils étaient slaves : la peine de mort ou l’envoi en camp de concentration598 ». Nos sources lacunaires en ce domaine ne nous permettent pas de l’affirmer. 591 S. Delattre, Ma guerre sans fusil, op. cit. p. 135.

592 Voir note 200. 593 Voir annexe n°12.

594 F. Virgili, Naître ennemi, Ed. 2009, op. cit. p. 99. 595 Ibid. p. 95-99.

596 AN Pierrefitte F/9/2364, dossier de Paul B. et F/9/2396, dossier de F/9/2396, dossier de Eugène T. 597 Cf chapitre 8, 8.1.

191

Un cas néanmoins fait mention d’un prisonnier de guerre envoyé en camp de concentration. Il s’agit du prisonnier de guerre transformé Charles F., captif au sein du Stalag VIII A Görlitz en Basse-Silésie, échappant ainsi au cadre de notre étude599. Il nous a semblé cependant pertinent de mentionner cet exemple ici. Un courrier du 16 septembre 1944 de Marcel Caron, Conseiller Juridique Français du Stalag VIII A, rédigé en français et envoyé au « Général Commandeur des Prisonniers de guerre du Wehrkreis VIII » décrit la situation de Charles F. Il est accusé d’avoir abordé une femme allemande, ce qui, selon Marcel Caron lui aurait dû lui valoir tout au