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Chapitre 2 – Contrôler : quelles normes raciales et juridiques pour la

2.2 Des acteurs au cœur des mécanismes d’inclusion/exclusion

La Volksgemeinschaft fonctionne comme une sphère fermée dont il faut protéger les membres. Le Verbotener Umgang en est une traduction concrète, illustrant les mécanismes d’inclusion/exclusion sur lesquels elle repose. Les catégories concernées par le décret occupent pourtant une position ambivalente aux frontières de la communauté, au sens où elles sont nettement en-dehors, mais côtoient ses membres. En tant qu’étrangers, les prisonniers de guerre sont ainsi rejetés au-delà des limites de la Volksgemeinschaft qui départagent les Allemands des autres ; en outre, ils sont également exclus de la société civile par leur statut qui les rattache à l’ordre militaire. Pourtant parallèlement, les prisonniers sont malgré tout inclus dans la société,

347« Entsprechend habe « Eine spezifische Mischung aus Zwang und Zustimmung die Besonderheit

nationalistischer Herrschaft aus[gemacht], deren zentrale Legitimationsbasis die « Volksgemeinschaft » war. » cité dans : Forschungsstelle für Zeitgeschichte in Hamburg, Hamburg im Dritten Reich, Göttingen, Wallstein, 2005. p. 78.

348 « Volk wird jetzt beim Reden und Schreiben so oft verwandt wie Salz beim Essen, an alles gibt man eine Prise

Volk :Volksfest, Volksgenosse, Volksgemeinschaft, volksnah, volksremd, volksentstammt… » cité dans : N. Götz, Ungleiche Geschwister, op. cit. p. 111.

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car intégrés au territoire du Reich. Ils sont donc particulièrement concernés par ces mécanismes d’inclusion/exclusion.

« Le renvoi à "la dialectique fondamentale de l’inclusion et de l’exclusion" est resté jusque dans les débats actuels en grande partie un argument sociologique abstrait, qui est théoriquement bien fondé, mais à peine abordé de manière plus précise à travers une analyse des sources historiques350 ».

En écho à ce constat de Janosch Steuwer, qui souligne que ce processus a été surtout analysé du point de vue théorique, notre recherche constitue une étude empirique visant à éclairer la mise en œuvre de la dynamique exclusion/inclusion sur le terrain, en la saisissant par le bas, à partir des pratiques351. Ce type de travail est essentiel pour comprendre la signification de ces phénomènes au quotidien, et pour mieux en appréhender les différents mécanismes. C’est dans cette perspective (contribuer à combler une lacune) que notre projet de recherche a été pensé. En ce sens, les relations entre prisonniers de guerre français et femmes allemandes constituent non seulement un cadre d’analyse pertinent pour illustrer les mécanismes sociaux de l’inclusion/exclusion, mais aussi pour explorer les processus de transgression de la norme. La catégorie d’acteurs au cœur de ces relations renforce l’intérêt de l’étude : faisant partie intégrante de la Volksgemeinschaft, les femmes allemandes occupent en même temps une position subalterne dans la société, dominées qu’elles sont par les hommes. Leurs rapports avec des « étrangers » sont donc placés sous le signe de multiples ruptures : vis-à-vis de la Volksgemeinschaft, dont elles transgressent les valeurs ; vis-à-vis d’une société en guerre qu’elles trahissent en se rapprochant de l’ennemi ; vis-à-vis aussi des hommes allemands, en particulier pour celles d’entre elles qui sont mariées, en rompant le lien conjugal.

Le cadre de la rencontre et l’expérience transgressive qui en résulte constituent notre poste d’observation principal. Du point de vue méthodologique, notre démarche est double. Il s’agit de donner du sens à ces expériences, dont les sources révèlent la diversité. Comme on l’a dit en introduction, mobiliser la notion d’agentivité pour questionner l’attitude de ces femmes transgressant les normes nous a paru pertinent. Toutefois dans la série d’interrogations appliquées à notre objet, la question du « Pourquoi » semble ne pas devoir masquer celle du

350 « Der Verweis auf die grundlegende « Dialektik von Inklusion und Exklusion » ist damit in der bisherigen

Debatte in starkem Maße ein soziologisch-abstraktes Argument geblieben, das theoretisch gut begründet, aber kaum durch historische Quellenanalyse genauer konturiert worden ist » cité dans : J. Steuwer, « Was meint und nützt das Sprechen », art cit. p. 521.

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« Comment ». Dans cette optique, notre étude veut valoriser les conditions qui font advenir la rencontre. Elle s’intéresse donc à la matérialité des lieux, aux modalités qui rendent possible la mise en relation. Les prisonniers de guerre qui se trouvent « hors » de la communauté d’un point de vue idéologique et juridique sont pourtant bel et bien présents dans l’espace géographique où évoluent ses membres. Les prisonniers de guerre français, bien qu’ennemis et figures de l’altérité raciale, sont cependant placés en position de pouvoir franchir les barrières de la Volksgemeinschaft : en vivant et travaillant au quotidien parmi les Allemands, en étant au service de la collectivité. On peut considérer ainsi que le recours à la main d’œuvre présente dans le Reich, dont le travail est indispensable à l’effort de guerre, constitue une sorte de faille dans le dispositif lié au Verbotener Umgang. Cette faille est un point faible des « fortifications » protégeant la Volksgemeinschaft. Elle illustre non seulement la complexité qu’il y a à inclure et exclure des individus, mais constitue aussi une brèche permettant à des catégories d’acteurs de s’affirmer. Ces acteurs, auxquels le régime a assigné une place secondaire dans la société, trouvent cependant dans la configuration créée par la guerre, une occasion d’agir : appartenant à la catégorie des civils dans une société en conflit, femmes dans un régime façonné par des hommes, ces actrices entrent en action. Leur action donne l’occasion d’envisager autrement la Volksgemeinschaft : catégorie culturellement construite, reposant sur une armature idéologique et juridique, cet édifice n’aurait-il été qu’une forteresse de papier ? Faire appel aux « étrangers » dont la communauté a besoin pour pouvoir fonctionner, n’était-ce pas ouvrir une brèche en mesure d’ébranler l’édifice, tel un cheval de Troie ?

a) Des actions concrètes pour inclure les femmes dans la Volksgemeinschaft

L’idéologie national-socialiste revendique une inclusion extrême au sein de la Volksgemeinschaft dans le sens où celle-ci est pensée comme un tout, un corps à part entière. Cette inclusion passe par une propagande propre aux Etats totalitaires, mais aussi par des actions sociales visant à intégrer la population, à l’encadrer. On ne décide pas d’entrer dans la Volksgemeinschaft : soit on y est inclus d’office, car l’on correspond aux critères raciaux, moraux et politiques qui la définissent, soit on est en-dehors d’elle. En revanche, lorsque l’on est placé à l’intérieur de la communauté, il est possible d’en être exclu pour manquement aux critères moraux ou politiques qui la fondent. Encadrer cette population est donc une nécessité

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pour le régime352. L’enjeu n’est pas d’y inclure des personnes depuis l’extérieur, mais de les maintenir au sein des frontières du groupe. Les femmes sont une cible privilégiée de cette politique d’endoctrinement. On a rappelé dans le chapitre précédent le rôle qui leur est assigné : concevoir des enfants pour consolider la communauté et les éduquer en accord avec l’idéologie national-socialiste. Du point de vue de la Volksgemeinschaft, leur fonction biologique est donc essentielle car en transmettant la vie, elles contribuent à la survie du Volkskörper. Dans ce but, les femmes sont invitées à se marier, ce qui en soi représente déjà une participation à la diffusion de l’idéologie national-socialiste. Gardiennes des mœurs allemandes, les femmes sont donc l’incarnation des valeurs érigées en modèle par le régime.

Les femmes en tant que « réserve morale du parti »

Au regard de notre sujet, il est important de souligner que la morale, ancrée dans l’idéologie, est directement liée au corps des femmes. Kerstin Thieler, dans son étude sur les fonctionnaires du NSDAP, écrit ainsi que :

« Les membres du parti féminins doivent servir de modèle en tant que "réserve morale du Parti", non seulement dans la sphère domestique, mais aussi dans l’éducation des enfants et dans l’économie de guerre. Elles doivent également faire preuve du "calme et de la fermeté nécessaire" pendant les attaques aériennes sur le "front des femmes"353 ».

Les femmes en tant que « réserve morale du Parti » sont donc l’objet d’enjeux essentiels dans différents domaines, qui vont bien au-delà de l’espace privé. La morale, selon Silke Schneider, est liée à l’idéologie raciale du national-socialisme, et ce terme a de fait un poids important dans les débats juridiques en cours depuis 1933. Les mœurs sont valorisées car elles contribuent au maintien de la « pureté de la Race » (Reinhaltung der Rasse). Des termes relevant de cette sphère comme la « fidélité » (Treue), l’« honneur » (Ehre), le « respect » (Achtung), valeurs directement reprises de la tradition du droit « germano-grec », font partie intégrante de la nouvelle doctrine juridique 354. Dans les sources que nous avons analysées, lors des condamnations, le champ lexical utilisé est significativement toujours celui de la morale et

352 N. Kramer, Volksgenossinnen, op. cit. p.15.

353« Die « Parteigenossinnen » sollten als « moralische Reserve der Partei » nicht nur im häuslichen Bereich,

sondern auch bei der Erziehung ihrer Kinder und in der Kriegswirtschaft als Vorbild dienen und an der « Front der Frauen » während der Luftangriffe « die nötige Ruhe und Festigkeit » zeigen » cité dans : K. Thieler,

« Volksgemeinschaft » unter Vorbehalt, op. cit. p. 418. 354 S. Schneider, Verbotener Umgang, op. cit. p. 142-144.

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de l’honneur bafoués. La phrase : « L’accusée a par son acte entretenu des contacts qui blessent gravement le "sentiment sain du peuple355" » revient systématiquement dans les dossiers. Quand des rapports sexuels sont avérés, les termes d’« infâm(i)e » (Ehrlos) sont mis en avant de façon récurrente et l’adjectif « méprisable » (Verabscheuung)356 est employé pour disqualifier ce comportement féminin qui constitue un outrage à la « dignité » de la femme allemande : « L’accusée a délibérément violé les règlements en vigueur et a ainsi gravement bafoué la dignité d’une femme et d’une mère allemandes357 ». Ces exemples illustrent la manière dont la morale devient une catégorie juridique faisant écho au « sentiment sain du peuple » (gesundes Volksempfinden).

D’un point de vue empirique, la Volksgemeinschaft ne promet donc pas l’égalité, mais bien au contraire impose à chaque individu une fonction concrète afin de maintenir en vie le Volkskörper. Si les femmes dérogent à la règle, elles sont alors sanctionnées. Tout comme les soldats au front le sont s’ils ne remplissent pas leur devoir militaire, les femmes, à qui incombe le rôle d’épouse, de mère, de garante de la morale, doivent être fidèles à leur devoir sous peine de châtiment.

Un rapport du SD du 13 avril 1944 consacre une partie entière au « comportement immoral des femmes allemandes » (Unmoralisches Verhalten deutscher Frauen)358. Les conditions difficiles créées par la guerre de même que la durée du conflit auraient entraîné un affaiblissement de la morale (Absinken der Moral) qui concerneraient nombre de femmes, a priori surtout des citoyennes mariées, mais aussi des célibataires. Il leur est reproché de se retrouver en compagnie d’hommes afin d’entretenir des relations sexuelles, et au-delà, avec des prisonniers de guerre et travailleurs étrangers, ce qui est pire encore, selon les autorités. L’affaiblissement de la morale est ici avant tout associé aux rapports sexuels adultères, hors- mariage, a fortiori s’ils engagent des étrangers. La négligence dont ces citoyennes font preuve envers leurs enfants est également mentionnée. Or, il est d’autant plus attendu des femmes qu’elles transmettent les valeurs morales à leur progéniture, que ce sont elles qui transmettent

355 « Die Angeklagte hat in fortgesetzter Handlung mit einem Kriegsgefangenen in einer Weise Umgang gepflogen,

die das gesunde Volksempfinden gröblich verletzt » cité dans : StAL E 356/4807, procès de Elisabeth M., le 27/08/1942, Landgericht d’Ulm.

356 « Der Geschlechtsverkehr eines Mädchens mit einem Kriegsgefangenen wird im allgemeinen von dem

gesunden Empfinden des deutschen Volks als ehrlos, verabscheuungs- und deshalb zuchthauswürdig erachtet » cité dans : Ibid.

357 « Die Angeklagte hat sich bewusst gegen die bestehenden Vorschriften vergangen und damit gröblich die Würde

einer deutschen Frau und Mutter missachtet » cité dans : GLAK E 323/392, procès de Rosine D., le 11/08/1944,

Landgericht de Stuttgart.

123 la vie.

La norme morale qui est imposée aux femmes répond donc à un double objectif : elle contribue au maintien de l’ordre social en général, mais aussi au sein de leur propre groupe qui représente la moitié de la population ; elle vise également à faire d’elles des agents de la transmission des valeurs du régime auprès de leurs enfants considérés comme les futurs bâtisseurs de la Volksgemeinschaft. Silke Schneider parle à leur propos de « fécondité comme arme » (Fruchtbarkeit als Waffe). Le fait de mettre des enfants au monde place les femmes en première ligne en matière de fécondité et de protection de la race. Cette obsession de la « race » dans l’idéologie national-socialiste assigne à la sexualité une fonction primordiale et lui octroie un rôle politique au sens où elle impacte le pouvoir. Il en résulte diverses applications pratiques – qui concernent les politiques sur le mariage et la famille, les politiques de type démographique – qui participent à une intégration maximale des femmes dans la Volksgemeinschaft359. Le décret du Verbotener Umgang a donc pour mission essentielle de maintenir l’inclusion des femmes au sein de la Volksgemeinschaft. Il vise à les protéger, en faisant en sorte qu’elles ne se mettent pas en péril, elles et leur descendance, en concevant des enfants « bâtards » (Mischlinge). Le rapport du SD cité plus haut, de même que les exemples de condamnations issus de nos sources, le rappellent avec force. Le Verbotener Umgang se prête donc à une double lecture : il n’est qu’une pièce d’un dispositif d’inclusion, plus vaste, reposant sur la notion de Volksgemeinschaft et sur la norme raciale édictée par le régime ; il trace en même temps une ligne à ne pas franchir sous peine d’être exclue de la communauté.

Participation active à la société grâce aux organisations politiques : L’exemple de la NS- Frauenschaft

Les différentes organisations politiques spécifiquement conçues pour les femmes permettent de mettre leur action au service de l’État360. Ces organisations ont une double fonction : tout en incitant les femmes à prendre part activement aux activités inscrites dans la sphère publique, elles leur offrent la perspective de jouer un rôle politique, de faire carrière. Sybille Steinbacher estime à environ 12 millions les femmes qui auraient été impliquées dans ces organisations de masse, soit environ un tiers des Allemandes présentes dans le Reich. On ne compte pas moins de 1,7 millions de femmes au sein de la NSF, seule organisation dirigée directement par le NSDAP, les autres étant en principe plus autonomes, même si placées sous

359 S. Schneider, Verbotener Umgang, op. cit. p. 157-159. 360 Cf chapitre 1, 1.3, a).

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le contrôle des autorités361. La NSF se veut le reflet du NSDAP en tant qu’organisation de masse, incluant tous les groupes sociaux de la Volksgemeinschaft. Sa création vise à ce que les femmes ne soient plus mises de côté dans la société, mais représentées au sein du régime, en toute conformité avec l’idéal national-socialiste qui revendique une « complémentarité des sexes » et qui « assigne aux hommes et aux femmes des espaces et des tâches complémentaires362 ». La NSF est présente partout en Allemagne, puisqu’elle existe dans 32 Gau et est répartie en au moins 223.004 cellules (Blocks) à l’échelle locale363. Dans notre corpus, 53 femmes allemandes sont membres de la NSF364. Son offre de formation a pour but d’éduquer des Volksgenossinnen d’un point de vue pratique. Pour rendre effective l’idée d’un maintien au foyer, on y enseigne les soins aux nourrissons, les travaux manuels, entre autres domaines relevant de ses compétences. Des formations plus ambitieuses sont également proposées pour celles qui aspirent à devenir cheffe de cellules de la NSF. Les femmes y apprennent à tenir des discours, à diriger des employés365. Pour Nicole Kramer, l’existence de ces organisations, dont la NSF, est la preuve que les femmes en tant que citoyennes ne peuvent plus être ignorées. Ces structures alimentent une représentation d’actions collectives féminines qui ne s’opposent pas aux hommes, mais s’en distinguent366. Les femmes trouvent également dans ces organisations le moyen d’obtenir une forme de participation politique. En étant intégrées au sein d’une cellule locale, elles montrent leur appartenance active à la Volksgemeinschaft en tant qu’Allemandes367.

L’historiographie a cependant porté un regard critique sur les objectifs assignés à ces organisations en montrant qu’elles n’étaient qu’un leurre destiné avant tout à inclure dans la Volksgemeinschaft les femmes correspondant aux critères raciaux et moraux définis par le régime368. In fine ces associations se présentent comme une garantie idéologique et morale offerte aux femmes aptes à faire partie de la communauté. Appartenir à la NSF leur permet de

361 Sybille Steinbacher (ed.), Volksgenossinnen. Frauen in der NS-Volksgemeinschaft, Göttingen, Walsstein Verlag,

2007. Ici p. 10. Pour en savoir plus sur le NSF : N. Kramer, Volksgenossinnen, op. cit. ; L. Wagner,

Nationalsozialistische Frauenansichten, op. cit. ; Christiane Berger, Die " Reichsfrauenführerin " Gertrud Scholtz-Klink. Zur Wirkung einer nationalsozialistischen Karriere in Verlauf, Retrospektive und Gegenwart,

Thèse de doctorat, Hamburg Universität, Hambourg, 2005 ; Jill Stephenson, The Nazi Organisation of Women, Londres, Routledge, 1981.

362 « Die im Nationalsozialismus zum Ideal erkläte Komplementarität der Geschlechter, die Männern und Frauen

unterschiedliche und sich ergänzende Räume und Aufgaben zuwies, wurde damit in eine institutionnelle Form gegeossen. » cité dans : N. Kramer, Volksgenossinnen, op. cit. p. 34.

363 Ibid. p. 35.

364 Cf chapitre 5, 5.3, b).

365 N. Kramer, Volksgenossinnen, op. cit. p. 37. 366 Ibid. p. 38.

367 Ibid. p. 100.

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se voir attribuer certaines qualités. Dans le cadre de notre étude, cette appartenance constitue une circonstance aggravante face à la justice qui considère que les femmes éminemment intégrées à la Volksgemeinschaft en tant que membres de la NSF sont d’autant moins pardonnables d’être sorties du « droit chemin ». Le cas de Lina W. nous révèle ainsi que les juges lui accordent une peine d’autant plus sévère que la jeune femme est cheffe d’une cellule locale de la NSF. Du fait de sa position, il était attendu d’elle qu’elle incarne les valeurs du parti et qu’elle soit un exemple pour ses camarades369. Cela nous conduit à examiner le revers de cette « inclusion ».

b) Le revers de l’inclusion : les exclus de la Volksgemeinschaft

Exclusion des femmes

Le fait de faire partie de la Volksgemeinschaft ne donne pas la garantie de rester en son sein. Nous avons vu qu’il est malaisé de déterminer qui « fait partie » ou non de cette communauté, qui est, rappelons-le, une entité socialement et culturellement construite. Tout comme il n’existe pas de véritable « laisser passer » donnant accès automatiquement à la Volksgemeinschaft, de même il est difficile de savoir qui en est rejeté après l’avoir intégrée. Les situations de divergences politiques, religieuses, ethniques, des raisons de santé constituent des motifs clairement identifiables de non-intégration préalable à la communauté ou d’exclusion. Des situations autres sont cependant repérables, par exemple lorsqu’un membre de la Volksgemeinschaft commet un acte qui compromet son appartenance, car il va à l’encontre des principes de la communauté. Savoir à quoi renvoient les différentes formes d’actions « allant contre la Volksgemeinschaft » est délicat notamment quand la transgression de la norme met en jeu l’intime. Ainsi, aider un prisonnier de guerre à s’enfuir apparaît clairement comme un acte politique et justifie que le/la citoyen.ne complice soit exclu.e de la Volksgemeinschaft au motif qu’il ou elle aurait contribué à un acte de désobéissance militaire. En revanche dans le cas de relations entre femmes allemandes et prisonniers de guerre, la qualification du délit comme acte politique est moins évidente. Notre étude ambitionne d’éclairer la configuration selon laquelle une relation amoureuse ou sexuelle qui n’est a priori pas considérée comme un acte politique, peut le devenir. Cette configuration résulte d’une confrontation entre une norme fixée par le régime et des pratiques mises en œuvre par des femmes. Au regard du fonctionnement de la