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Les AOC (AOP) sont essentiellement représentées dans deux catégories de produits alimentaires : les vins et les fromages.

Les AOP dans l’Océan Indien : le café Bourbon pointu de La Réunion,

ingré-dients d’une « success story »

Le marché mondial du café affiche une croissance moyenne sur les dix dernières années très faible alors que celle des cafés d’origine ou de spécialités gourmandes comme le cappuccino ont une consommation qui aug-mente sensiblement. Stimuler par les marchés de niche et une consommation concentrée principalement

dans les pays les plus riches, l’offre des cafés d’origine propose donc des produits haut de gamme appelés souvent crus d’exception. Un café grand cru peut se définir comme un produit qui possède des caractéris-tiques sensorielles (attributs) pour lesquelles un consommateur accepte de débourser notablement plus que pour un produit ordinaire. Notons que la prime à la qualité est d’autant plus conséquente que le produit est typique, c’est à dire différent de ses concurrents, et enfin n’oublions pas que la rareté dans la typicité est un facteur constitutif du prix.

Le café de La Réunion trouve sa place parmi les grands crus avec le Bourbon pointu Premium classé comme le nec plus ultra par la « specialty coffee association of Japan » [124].

a. Potentiel

Le caféier Bourbon pointu a été découvert en 1771 par le sieur Leroy, gérant du domaine de M. Pajot à «Ra-vine des Chèvres», endroit encore appelé «La Ressource» à La Réunion. M. Leroy, dans les lits de semis réali-sés avec des graines récoltées sur le domaine dans des champs de caféiers arabica Bourbon, a remarqué que certaines plantes avaient des feuilles et un port différents du caféier Bourbon. Plus tard, après la plantation, il a remarqué qu’elles avaient un bon développement et qu’elles donnaient une tasse avec plus de saveur. Dans la grande homogénéité des arabicas, des variantes apparurent. L’analyse génétique a indiqué que la plupart de ces variantes résulte de la mutation d’un gène unique. Il s’agit notamment de la variété «Laurina» ou «Bourbon pointu» qui provient de l’île de La Réunion. Les caféiers Laurina ont une forme conique avec des branches latérales denses, des entre-nœuds courts, et des feuilles courtes et elliptiques. Cette mutation est provoquée par un gène récessif, qui conduit à des différences avec son parent arabica par la forme de l’arbuste, la taille des feuilles, la forme des grains, la teneur en caféine et ses caractéristiques sensorielles. Des études génétiques ont montré que la variété Laurina est apparue suite à une mutation spontanée de la variété Bourbon. Cette mutation Laurina, monolocus et récessive, a des effets pléiotropiques qui différen-cient le Bourbon pointu du Bourbon. Au niveau morphologique, elle se caractérise par un nanisme, un port pyramidal et une forme pointue de ses graines. A un niveau moléculaire, la teneur des grains en caféine est fortement réduite (de 0,6 à 0,8%) [125].

Ce café qui présente des caractéristiques agronomiques d’intérêt et d’excellentes qualités organoleptiques a bénéficié d’une notoriété historique. Ainsi, Philippe Jobin, d’une famille du Havre dédiée au commerce du café depuis le XIXe siècle, a écrit au sujet de ce café : «Bourbon Pointu» fut l’un des meilleurs cafés du monde» [126].

b. Relance de la filière café Bourbon pointu

La recherche de nouveau produit de haute qualité avec une réelle typicité a conduit la compagnie japonaise Ueshima coffee à l’île de La Réunion en 1999 dans l’objectif d’acheter et de tester le Bourbon pointu. Cette démarche a attiré l’attention du Conseil Régional qui dès 2002 a financé un programme de recherche-ex-périmentation confié au CIRAD Réunion pour évaluer l’intérêt ou non de développer une filière caféicole Bourbon pointu comme filière de diversification et d’agriculture durable.

La Région Réunion s’est donc intéressée à la relance de la filière café Bourbon pointu, dont il ne restait que quelques plants, pour une nouvelle culture à haute valeur ajoutée. S’il est envisageable de produire du café dans les principales zones de l’île, du niveau de la mer aux altitudes de 1100-1200 mètres, les coûts de

Partie 3 : Conformité des produits à des référentiels ou protections

production réunionnais interdisent la production de café ordinaire pour le marché mondial. C’est pourquoi dans les conditions réunionnaises, seule la production de cafés «grand cru» destinés à des marchés de niche permettra de rentabiliser une filière caféicole. La fiabilité du projet de relance de la filière a été étudiée lors d’un programme de la Région Réunion avec le CIRAD. Il se présente en deux phases [127].

Une phase 1 se déroule de 2002 à 2007 sous financements Région Réunion, Union Européenne et CIRAD avec un programme d’expérimentation d’une durée de cinq ans qui fait l’objet (i) d’une prospection de la population de Bourbon pointu dans les jardins créoles, pour ne retenir que ceux produisant les meilleures tasses, (ii) d’une identification des terroirs (type de sol et les paramètres climatiques) les plus appropriés pour la production de produits gourmets et (iii) d’une adaptation des pratiques culturales et des processus de transformation pour obtenir les meilleurs produits possibles.

Une phase 2 de 2008 à 2013 qui vise à développer les moyens techniques et organisationnels pour une bonne maîtrise du développement de la filière caféicole à haute valorisation par (i) un appui à l’organisation et à la maîtrise de la qualité, (ii) la recherche de descripteurs biochimiques d’une maturité optimale des ce-rises, (iii) la définition du rôle des constituants biochimiques du café vert dans la formation des arômes et (vi) une signalisation officielle d’identification de la qualité (constitution d’un dossier AOP).

Parallèlement, un travail sur l’histoire du café à La Réunion a été entrepris par un historien à l’Université de La Réunion et deux thèses ont permis de mieux connaitre la variété et les produits Bourbon pointu.

Début 2007, l’association japonaise des cafés spéciaux, la « specialty coffee association of Japan », délivre au Bourbon pointu la rare appellation premium coffee [128], catégorisant les produits sans défaut et présentant des saveurs typiques marquées. Mise à la vente au Japon, elle est vendue aux premiers clients du Bourbon pointu en l’espace de quelques heures en 2007.

L’objectif d’un produit de très haute qualité est donc atteint. Le Bourbon pointu se positionne en 2007 comme le meilleur et le plus cher café du monde. Le prix de vente du paquet, 7 350 yens, soit 45,9 € [128] a dépassé trois fois celui du café Blue Mountain n° 1, jusqu’alors détenteur du prix le plus élevé. Ce prix de vente obtenu permet d’envisager la création d’une filière économiquement rentable pour les producteurs réunionnais.

Le Bourbon pointu se positionne dans les produits haut de gamme et reçoit la reconnaissance mondiale au travers de différentes dégustations comme la « specialty coffee association of Japan » que nous avons cité ci-dessus mais aussi par le Wall Street Journal [129] qui a organisé en 2008 une dégustation d’experts à l’aveugle de trois nouveaux produits café naturellement pauvres en caféine. Les quatre dégustateurs dé-signèrent le café à faible teneur en caféine qu’Ueshima Coffee Company achète auprès de la coopérative Bourbon pointu à La Réunion, comme le meilleur.

En cause de cette notoriété nous pouvons citer ses caractéristiques sensorielles, sa typicité, sa très faible teneur en caféine mais aussi sa rareté, sans compter qu’il s’agit d’un matériel végétal unique, originaire de l’île de La Réunion et qui ne se trouve nulle part ailleurs.

c. Signalisation officielle d’identification de la qualité

Un travail conjoint avec l’OCTROI a été effectué en 2008-2009 pour la demande d’une certification IGP au-près de l’INAO avec :

- une étude historique et socio-économique pour mettre en évidence le lien du produit avec son origine avec des analyses bibliographiques et des enquêtes de réputation auprès de consommateurs et professionnels, et des entretiens avec personnes ressources ;

- un appui méthodologique à la construction du cahier des charges production et transformation dont le contenu a été défini par la filière ;

- un plan de contrôle relatif à la démarche de certification a été réalisé et validé par la filière. En 2010, l’association qui porte la démarche de qualité, CAFE-Réunion, change ses statuts pour demander la reconnaissance en tant qu’organisme de défense et de gestion. Le dossier final est soumis à première lecture par L’INAO qui met en évidence que le café Bourbon pointu pouvait prétendre à une AOP/AOC. Le dossier est donc modifié en ce sens et déposé à l’INAO au mois d’Aout 2011. Un courrier de remarques portant es-sentiellement sur des demandes de précisions a été envoyé à CAFE-Réunion qui a modifié les éléments du dossier en conséquence. Un premier examen officiel en comité technique INAO a été réalisé en novembre 2010 [52]. Suite à l’homologation du cahier des charges au niveau français (1 à 2 ans), l’activité de certifica-tion pourra démarrer.

d. Mention valorisante

Partie 3 : Conformité des produits à des référentiels ou protections

Chapitre 5 : Label de qualité supérieure : le label rouge

Le label rouge fait partie des quatre signes officiels français de qualité et d’origine. Il garantit qu’un produit possède un ensemble de caractéristiques lui conférant un niveau de qualité supérieure par rapport aux pro-duits similaires.

Le label rouge est une démarche collective, il est obligatoirement porté par une structure fédérative : l’orga-nisme de défense et de gestion (ODG) qui représente et rassemble les opérateurs de la filière du produit (cf. chapitre 2).

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