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Situation actuelle de l’enseignement religieux entre la famille et l’établissement scolaire :

Dans le document Droit privé et religion (Page 143-147)

faire les choix qui conviennent

Ce ne sont plus les parents qui accomplissent à eux seuls cette tâche d’édu-cation religieuse et morale. En cela, ils sont relayés dans une société comme la libanaise ou l’arabe d’une manière générale par l’établissement scolaire com-munautaire dans sa variété : certains comme les établissements al-Makassed au Liban ont choisi, en plus de la mémorisation du Coran et certains dits du Prophète, de s’adresser aussi à l’intelligence de l’élève comme dit le directeur de ces écoles ; l’élève ne doit pas seulement apprendre par cœur, mais se poser la question du comment et du pourquoi26. En deuxième lieu, le maître mot est celui de la modération et de la tolérance dans les gestes, les attitudes et, sur-tout, les paroles, le tout fondé en raison et dans le texte sacré lui-même. La troi-sième orientation est celle du respect de l’autre dans sa vérité et sa différence. Un autre groupe d’établissements obéit à des considérations idéologiques et politiques qui, tout en appelant formellement au respect de la diversité, n’hésite pas à endoctriner ses élèves dans un sens déterminé et généralement fondamentaliste qui pourrait anathématiser l’autre. Un troisième groupe d’établissements communautaire a choisi de ne pas offrir l’enseignement de la religion mais d’assurer des cours de morale, laissant la question de la foi à la responsabilité de la famille ou bien à l’école coranique de la mosquée. Cer-taines familles, surtout celles qui scolarisent leurs enfants dans des établisse-ments laïques ou aconfessionnels, ont recours à des ulémas connus pour leur modération pour donner des cours de religion musulmane ; certaines familles, minoritaires, ne s’intéressent pas à l’enseignement religieux. Toutefois, la reli-gion, pour un habitant de la région du Moyen-Orient, est de plus en plus un facteur d’identifi cation et d’appartenance non seulement religieuse, mais aussi confessionnelle (madhhabi). La laïcité peur être vue d’une manière néga-tive ou soupçonnée d’annihiler la religion et la morale. Il faut en tenir compte. Il y a vingt ans, des enfants musulmans scolarisés dans une école chrétienne suivaient sans grand problème les cours d’instruction religieuse chrétienne comme un cours de culture morale ou religieuse, car le culte et l’adhésion à la religion étaient une affaire de famille. Actuellement, dans un contexte de repli identitaire, les parents ne désirent plus que leurs enfants rejoignent les

26. Cf. S. Daccache, 2010, Le pluralisme scolaire au Liban, thèse soutenue en Sciences de l’Éduca-tion à l’université de Strasbourg : 214.

classes de catéchèse par peur d’être considérés comme renégats ou bien n’as-sumant pas leur rôle modèles de parents musulmans. À signaler aussi que les programmes d’enseignement religieux demeurent des programmes d’ins-truction de la doctrine de la religion dont l’enfant est le fi dèle et la religion de l’autre est vue à travers le prisme de sa propre religion ; au Liban, la réforme de l’éducation de 1994-1997 avait octroyé un enseignement de culture reli-gieuse présentant les différentes religions et confessions, mais ce programme n’a pas pu voir le jour, les autorités religieuses s’opposant farouchement à sa mise en place. D’après le responsable de l’instruction religieuse dans les écoles musulmanes de Beyrouth, qui est un doctorant dans notre faculté des Sciences religieuses, j’ai compris que les programmes validés par dar al-Ifta’ ne comportent aucune attaque contre les autres religions et mettent l’accent sur l’apprentissage des fondements de la religion musulmane ; de même, ils enseignent que tout enfant naît dans une religion déterminée de la fi tra ou bien par nature ; ainsi, par nature, il a une religion chrétienne, juive, sabéenne, et que le fait qu’il naisse avec une religion devrait le guider vers l’islam, ou bien à la rigueur vers une autre religion. Au Liban, la dar al-Ifta’ n’accepte aucun changement de religion avant les 18 ans.

Il est vrai que les écoles communautaires privées et privées non religieuses prônent des valeurs de citoyenneté et de convivialité, mais celles-ci demeu-rent commandées par la force des valeurs religieuses de tous genres propres à chaque religion et à chaque communauté.

Les diverses déclarations et chartes des droits de l’enfant et la question de l’identité religieuse

En discutant avec un juriste et cheikh musulman sur ce sujet, en ce qui concerne l’enfant, son point de vue était que l’islam, ainsi que les musul-mans ne pouvaient suivre la législation internationale dans ce domaine, comme celle proposée par la Charte de New York de 1989, ou bien adopter les points de vue occidentaux qui veulent donner à l’enfant une éducation qui lui permet ou le prépare de choisir une religion autre que l’islam27 ; étant mineur, l’enfant dépend de la parole de ses parents qui, s’ils sont justes comme musul-mans, doivent prendre en charge son éducation religieuse et morale d’après les préceptes de l’islam qui voit dans cette éducation un droit dont l’enfant doit en profi ter. Ce n’est qu’en devenant adulte et atteignant l’âge de la majo-rité que cette personne peut réfl échir et choisir une autre religion ou bien tout

simplement quitter la religion en vertu du verset qui dit : « nulle contrainte en religion ». Mais là encore, la question est fortement débattue en Islam entre une interprétation ouverte de ce verset et les tenants de la ligne sévère qui voient en toute sortie de l’Islam une apostasie (al-ridda ou al-irtidadd) fondée sur un dit du prophète qui aurait dit : « celui qui quitte l’Islam, tuez le »28 ; nous savons que les législations des pays musulmans sont contraignantes pour leurs sujets musulmans qui veulent changer de religion, préférant confi er la question aux tribunaux spécialisés que de la laisser entre les mains de la hisba ou forme de justice individuelle ou sociale.

Du point de vue des chartes et des déclarations concernant le droit de l’en-fant dans le monde musulman, il est judicieux de référer à trois documents :

– la déclaration adoptée par le 7e  Sommet islamique tenu à Casablanca (Maroc) du 13 au 15 décembre 1994, sous le titre La Déclaration sur les droits et la protection de l’enfant dans le monde islamique et le Covenant des droits de l’enfant en Islam ;

– le Covenant des droits de l’enfant en Islam adopté par la 32e Conférence des ministres des Affaires étrangères des États islamiques, qui se sont réunis du 28 au 30 juin 2005 à Sana’ a (Yémen), est un texte qui concerne l’ensemble de la vie de l’enfant et son appartenance religieuse29 ;

– la Déclaration de Rabat sur l’enfance dans le monde islamique, déclara-tion adoptée à l’issue de la Première conférence islamique des ministres chargés de l’enfance, à Rabat, Royaume du Maroc, du 7 au 9 novembre 2005, organisée en collaboration entre l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et le Secrétariat général de l’Organisa-tion de la Conférence islamique (OCI)30.

En ce qui concerne la liberté religieuse de l’enfant, l’article 8 de la Déclara-tion de Casablanca dit la chose et son contraire en rappelant deux principes. Le premier stipule la garantie de la liberté religieuse totale et le deuxième rap-pelle qu’il est interdit au musulman de changer de religion : « Tout en garan-tissant la liberté de l’homme d’embrasser librement et en dehors de toute contrainte, la religion de son choix, l’islam interdit au Musulman d’abjurer sa religion qui est le sceau de toutes les révélations célestes. En conséquence,

28. Hadith d’Ibn Abbas repris par le recueil d’al-Boukhari, mais non par celui de Muslim. Les quatre écoles juridiques tendent à accepter le sens littéral de ce hadith.

29. Pour les deux textes, cf. http://www.acihl.org/articles.htm?article_id=14. 30. http://www.aidh.org/DE/Images/Declara_Rabat%20.pdf.

la société musulmane s’engage à sauvegarder la pérennité de la “Fitra” (dis-position naturelle immaculée) et de la Foi de ses enfants et à protéger ceux-ci contre les tentatives visant à leur faire renier leur religion musulmane. »

Quant au texte du Covenant des droits de l’enfant en Islam, il adopte un ton modéré mais n’abroge pas la Déclaration et rejoint, quant au fond, les pré-occupations de Casablanca. Le préambule de la charte considère que « la pré-sente convention réaffi rme les droits de l’enfant dans la chari’a islamique et ses prescriptions, tout en tenant compte des législations internes des États. Ce préambule déclare respecter les droits des enfants issus des minorités et communautés non musulmanes, et affi rme ainsi les droits humains que les enfants musulmans et non musulmans ont en partage ». Ce texte reprend en fait, d’une manière directe ou indirecte, les préceptes de la loi musulmane concernant l’enfant et l’organisation de la famille tels que les ouvrages tra-ditionnels les exposent. Dans cette charte, il est question de libertés indivi-duelles de l’enfant, mais toujours assujetties à la charia, la loi musulmane. Je cite :

1. « Tout enfant capable de discernement, selon son âge et son degré de maturité, a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, soit par la parole, par l’écrit ou tout autre moyen légal, sans incompatibilité avec les préceptes de la chari’a et les règles de conduite. 2. Tout enfant a droit au respect de sa vie privée. Néanmoins, il appar-tient aux deux parents ou aux représentants légaux de l’enfant d’exercer un contrôle islamique raisonnable sur le comportement de celui-ci. En cela, l’enfant n’est soumis qu’aux seules restrictions défi nies par la loi et qui sont nécessaires pour préserver l’ordre public, ou la sécurité, la morale publique, la santé publique, les droits et les libertés fondamen-tales d’autrui. »

Dans le contexte de l’éducation religieuse de l’enfant, la charte entend : – développer sa personnalité, ses valeurs religieuses et morales et son sens

de la citoyenneté et de la solidarité islamique, (de la foi et de la Cha-ri’a selon les cas) et, de même, lui apporter les moyens nécessaires au développement de ses facultés mentales, psychiques et physiques de manière à lui permettre de s’ouvrir aux critères communs des civilisa-tions humaines ;

– favoriser son acquisition des capacités et aptitudes lui permettant de faire face aux situations nouvelles, de se départir des traditions néga-tives et de s’initier à la réfl exion scientifi que et objective.

Ce même Covenant des droits de l’enfant en Islam, en insistant sur les droits des fœtus et de l’égalité entre les fi lles et les garçons, proclame

l’in-terdiction de toute propagande cherchant à détourner l’enfant de sa religion musulmane.

La déclaration de Rabat souligne, ce qui peut être considéré comme un pas signifi catif, que la Convention internationale relative aux droits de l’enfant constitue une référence fondamentale en matière de promotion et de protec-tion des droits de l’enfant. Elle souligne l’engagement des représentants à :

– respecter et garantir les droits de tous les enfants dans nos sociétés sans aucune discrimination et sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou d’appartenance sociale ; – se conformer aux principes généraux des droits de l’enfant, en veillant,

entre autres, aux meilleurs intérêts des enfants, à la non-discrimination, à la participation, à la survie et au développement, lesquels principes constituent le cadre de toute action dédiée aussi bien aux enfants qu’aux adolescents.

Ces deux premiers principes d’ordre général sont suivis par d’autres soulignant les principes islamiques comme la nécessité « de promouvoir le patrimoine islamique commun, en vue de sensibiliser davantage les jeunes musulmans aux valeurs de l’islam, de consacrer chez eux le sentiment de fi erté quant aux réalisations de la glorieuse civilisation islamique et de contri-buer à la consolidation de la communication, de l’entente et de la tolérance entre les peuples et les religions » ; le second consiste à « faire connaître les valeurs de l’Islam relatives aux femmes et aux enfants par l’intermédiaire des médias de masse et diffuser une image authentique et honorable de l’islam et de ses principes pérennes ». Le souci des ministres s’occupant de l’enfance est plutôt d’ordre pratique lorsqu’il s’agit de prendre des mesures concrètes dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection contre les violences, de l’investissement en de nouveaux projets et de la mise en place d’un pro-cédé d’évaluation et de suivi.

Conclusion : la liberté religieuse de l’enfant,

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