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La protection de la liberté religieuse de l’enfant envisagée sous l’angle d’une reconnaissance

Dans le document Droit privé et religion (Page 29-33)

d’un droit autonome : la Convention relative

aux droits de l’enfant

La conception d’une protection spécifi que apparaissait nécessaire dans la mesure où le champ général d’application des textes internationaux ne permettait pas de régler la question du caractère problématique de la recon-naissance d’une liberté religieuse de l’enfant en droit international40.

Outre sa ratifi cation quasi universelle41, cette Convention42 présente un intérêt certain au regard de sa nature juridique puisqu’il s’agit du premier texte international sur les droits de l’enfant à pouvoir revendiquer une portée contraignante. Cet aspect devrait être prochainement conforté par la mise en place d’un mécanisme de plaintes ; des discussions sont actuellement en cours sur l’élaboration d’un protocole facultatif43.

La CIDE présente plusieurs dimensions de la liberté religieuse de l’en-fant ; celle-ci y est protégée non seulement sous l’angle individuel des droits de l’enfant44 mais également sous l’angle collectif de son appartenance à un groupe familial ou communautaire, voire dans certains cas à une minorité45. Au cours du processus de formation de l’identité religieuse de l’enfant, seul le for intérieur de celui-ci, témoin de son accession à la conscience religieuse, bénéfi cie d’une garantie absolue.

40. La controverse sur le thème d’une reconnaissance de la liberté religieuse de l’enfant au moment de la rédaction de la CIDE était importante : “the right of the child to freedom of religion was so contentious an issue that disagreement over the extent of rights, as applicable to children, risked obstructing the drafting and adoption of the entire Convention.” (G. van Bueren, 1998, The

Interna-tional Law on the Rights of the Child : 155).

41. Seuls les États-Unis et la Somalie n’ont pas ratifi é la Convention.

42. Adoptée le 20 novembre 1989 (A.G. res. 44/25, annex, 44 U.N. GAOR Supp. No. 49, à 167, U.N. Doc. A/44/49, 1989). Signée par la France le 26 janvier 1990, ratifi ée le 7 août 1990 après auto-risation du Parlement (loi du 2 juillet 1990), et entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990 conformément à l’article 49 de la Convention.

43. Concernant la campagne pour le mécanisme de plainte de la Convention relative aux droits de l’enfant, consulter le site : http://www.crin.org/francais/droit/crc_plainte.asp.

44. L’article 14(1) est libellé comme suit : « Les États parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. »

L’infl uence combinée d’une dimension collective et d’une dimension individuelle de la liberté religieuse de l’enfant sur la conception du cadre de protection

La Convention reconnaît le rôle primordial de la famille et de la Commu-nauté dans la formation de l’identité religieuse de l’enfant en tant que guides et lieux d’accompagnement de son développement. Sur le premier point, l’ article  14(2)  énonce que « [l]es États parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice [de son] droit [à la liberté de pensée, de conscience et de religion] d’une manière qui corresponde au développement de ses capa-cités ». Sur le second point, les articles 28 et 29 garantissent le droit de l’enfant à l’éducation, dont l’objectif doit être la préparation de l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans un esprit de compréhension, d’égalité et de tolé-rance46. Selon le Comité des droits de l’enfant, chargé depuis 1991 de surveiller l’application de la Convention, ces valeurs de tolérance et d’ouverture devant ainsi sous-tendre l’éducation de l’enfant sont diffi cilement conciliables avec une législation nationale interdisant aux professeurs de porter des foulards dans les écoles publiques47.

L’interrelation entre les droits fondamentaux de l’enfant et ceux des parents est particulièrement mise en avant par le Comité, les premiers ne pouvant être mis en œuvre indépendamment des seconds48. La dimension collective est également prise en compte sous l’angle du droit des minorités religieuses de professer et de pratiquer leur religion tel qu’il est énoncé à l’article 30.

La nature des obligations à la charge de l’État

Les obligations découlant de l’article 14 impliquent notamment de reconnaître en droit interne la liberté religieuse des enfants. Dans les faits, une telle reconnais-sance par la législation nationale est toutefois rare49. De manière générale, si les

46. Art. 29(1), a/d.

47. Observations fi nales : Germany, 26/02/2004, UN Doc CRC/C/15/Add.226.

48. En particulier, « la réalisation des droits fondamentaux de l’enfant ne saurait être dissociée de la réalisation des droits fondamentaux de ses parents, ou de la réalisation des droits de l’homme au sein de la société en général » (Observations fi nales : Uzbekistan, 07/11/2001, UN Doc. CRC/C/15/ Add.167, para. 35 ; Comité DE, Observations fi nales : Saudi Arabia, 22/02/2001, UN Doc. CRC/C/15/ Add.148, para. 31 ; CDE, Observations fi nales : Iran, 28/06/2000, UN Doc CRC/C/15/Add.123, para. 35). 49. R. Hodgkin et P. Newell, 2002, Implementation Handbook for the Convention on the Rights of

travaux préparatoires révèlent une réticence à reconnaître la dimension positive de la protection offerte et une préférence pour la dimension négative qui s’attache au seul respect de la liberté religieuse par l’État50, le Comité des droits de l’enfant se prononce en faveur d’une approche élargie de la protection offerte51, qui s’ap-puie sur les mesures prises par les États afi n d’assurer les conditions d’exercice de la liberté de l’enfant de manifester sa religion ou ses convictions.

Ainsi, la liberté religieuse de l’enfant présente à la fois des traits néga-tifs, incluant la protection contre l’endoctrinement étatique et non-étatique et l’ interdiction d’empêcher l’accès de l’enfant à l’éducation religieuse, et des traits positifs permettant de concilier la liberté de l’enfant avec l’intérêt général et les droits de chacun. Cette conciliation peut prendre la forme d’une obligation de l’État de protéger l’enfant contre les obstacles créés par autrui, comme les leaders d’une communauté, ou celle d’une obligation de permettre l’éducation religieuse de l’enfant52.

L’émergence contenue d’une dimension religieuse propre à l’enfant

La nature de la dimension religieuse prise en compte par la CIDE révèle les dissensions qui existaient au moment de la rédaction de l’article  14 sur l’ opportunité d’une formulation élargie53, à l’instar de l’article 18(1) du PIDCP,

50. Cette réticence à voir l’État jouer un rôle actif doit être reliée aux préoccupations tirées du maintien de la séparation de l’Église et de l’État invoquée par certains États. S. Detrick (dir.), 1992,

The United Nations Convention on the Rights of the Child, A guide to the ‘Travaux Préparatoires’,

Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publishers : 242.

51. Les États doivent « indiquer les mesures adoptées pour assurer la liberté de l’enfant de mani-fester sa religion ou ses convictions, y compris dans le cas des minorités ou des groupes autoch-tones. Il faudrait aussi fournir des renseignements sur les mesures prises pour assurer le respect des droits de l’enfant en ce qui concerne toute instruction religieuse dispensée dans les établissements d’enseignement publics » (CRC, Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, UN Doc, CRC/C/58, 20 novembre 1996, para. 57).

52. L’accent est ici placé sur le contenu des programmes ; l’article 14 ne semble pas inclure la question du fi nancement (sur l’opposition des représentants américains à cet égard, voir S. Detrick (dir.), op. cit : 242)

53. Il avait notamment été proposé d’incorporer dans le paragraphe 2 une disposition selon laquelle le droit de l’enfant à la liberté de religion « implique en particulier la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, dans la limite des seules restrictions prévues par la loi et nécessaires à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques » (S. Detrick (dir.), ibid. : 246). Ce texte avait été adopté par le groupe de travail en première lecture mais n’avait toutefois pas recueilli le consensus parmi les rédacteurs de la CIDE.

et d’une approche extensive de l’autonomie de l’enfant54. Cette controverse portait essentiellement sur la reconnaissance expresse d’un droit de l’enfant de choisir sa religion et d’en changer55 ; elle a été principalement alimentée par l’opposition des états musulmans et des défenseurs des libertés parentales56. La préférence des rédacteurs de l’article  14 est toutefois allée à la formula-tion générale d’une obligaformula-tion de respecter le « droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

L’identité religieuse comme liberté absolue de l’enfant

À l’instar de l’article 18 du PIDCP, la liberté religieuse est clairement distin-guée de la liberté de manifestation puisque seule la dimension externe est visée par les restrictions autorisées de l’article 14(3). Dans une perspective commune aux deux traités, il est notamment admis que la reconnaissance de la liberté de religion n’est pas inconciliable avec l’existence d’une religion d’État57 dès lors que celle-ci ne donne pas lieu à des pratiques discriminatoires, telles que l’obligation de se signaler ou la mise en place de « mesures restreignant l’accès au service de l’État aux membres de la religion prédominante, leur accordant des privilèges économiques ou imposant des restrictions spéciales à la pra-tique d’autres religions »58. Cette position du Comité des droits de l’homme est partagée par le Comité des droits de l’enfant qui insiste néanmoins sur les dangers accrus de dérives discriminatoires dans un tel contexte59.

Sur un terrain parallèle, la reconnaissance de l’enfant en sa qualité d’être religieux implique que les considérations liées à la religion de l’enfant soient prises en compte dans les procédures de garde60. Il est important de souligner

54. Cf. Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 22, op. cit., para. 5. 55. S. Detrick (dir.), op. cit. : 247.

56. R. Goy, op. cit. : 33 – « La liberté de changer de religion est surtout celle des adultes. Ce chan-gement est personnel et suppose un certain âge. »

57. Position notamment du Comité des DH, Observation générale n° 22.

58. Observation générale n° 22, op. cit., para. 9 : « Le fait qu’une religion est reconnue en tant que religion d’État ou qu’elle est établie en tant que religion offi cielle ou traditionnelle, ou que ses adeptes représentent la majorité de la population, ne doit porter en rien atteinte à la jouissance de l’un quelconque des droits garantis par le Pacte, notamment les articles 18 et 27, ni entraîner une discrimination quelconque contre les adeptes d’autres religions ou les non-croyants. »

59. Conclusions du Comité après examen des rapports périodiques : Indonésie, 18/10/1993, UN Doc CRC/C/15/Add.7, para. 15 : « Il lui paraît important de souligner que le fait de ne reconnaître offi ciel-lement que certaines religions peut donner lieu à des pratiques discriminatoires » ; Conclusions : Indonésie (CRC/C//Add.25, 1994), para. 13.

ici la logique comparable61 voire les avancées du texte de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant62 qui non seulement garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion de l’enfant dans son article 963, mais veille également, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, à ce qu’on ne perde pas de vue les origines religieuses et linguistiques de l’enfant avant de le placer dans une structure d’accueil ou d’adoption64.

Une illustration particulière de la difficulté

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