• Aucun résultat trouvé

L’Église Orthodoxe de Grèce et les autres Églises en Grèce

Dans le document Droit privé et religion (Page 159-162)

Theodoros Fortsakis Professeur de l’Université Nationale et Capodistrienne d’Athènes

1. L’Église Orthodoxe de Grèce et les autres Églises en Grèce

1.1. L’Église de Grèce occupe une place spécifi que au sein de l’État hellé-nique. La Constitution hellénique (de 1975, révisée en 1986, 2001 et 2008), à l’instar de toutes les Constitutions adoptées depuis la création de l’État au début du xixe siècle, est proclamée « au nom de La Trinité Sainte, Consubstan-tielle et Indivisible ». L’article 3 de la Constitution, placé sous le titre général de « Rapports entre l’Église et l’État », dispose que :

« – 1. La religion dominante en Grèce est celle de l’Église Orthodoxe Orien-tale du Christ. L’Église Orthodoxe de Grèce, reconnaissant pour Chef Notre Seigneur Jésus-Christ, est indissolublement unie, quant au dogme, à la Grande Église de Constantinople et à toute autre Église chrétienne du même dogme, observant immuablement, comme celles-ci, les saints canons apostoliques et synodiques ainsi que les saintes traditions. Elle est autocéphale et adminis-trée par le Saint-Synode, qui est composé des Évêques en fonction, et par le Saint-Synode Permanent qui, émanant de celui-ci, est constitué comme il est prescrit par la Charte Statutaire de l’Église, les dispositions du Tome Patriarcal du 29 juin 1850 et de l’Acte Synodique du 4 septembre 1928 étant observées. – 2. Le régime ecclésiastique existant dans certaines régions de l’État n’est pas-contraire aux dispositions du paragraphe précédent. – 3. Le texte des Saintes Écritures reste inaltérable. Sa traduction offi cielle en une autre forme de lan-gage sans l’approbation de l’Église Autocéphale de Grèce et de la Grande Église du Christ à Constantinople est interdite. »

Cependant, la portée pratique de ces proclamations concernant la place de la religion ou de l’Église Orthodoxe Orientale du Christ en Grèce se trouve fortement tempérée par l’article 13 de la Constitution, qui prévoit que :

« – 1. La liberté de la conscience religieuse est inviolable. La jouissance des libertés publiques et des droits civiques ne dépend pas des convictions reli-gieuses de chacun.– 2. Toute religion connue est libre, et les pratiques de son

culte s’exercent sans entrave sous la protection des lois. Il n’est pas permis que l’exercice du culte porte atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Le pro-sélytisme est interdit.–  3.  Les ministres de toutes les religions connues sont soumis à la même surveillance de la part de l’État et aux mêmes obligations envers lui que ceux de la religion dominante.–  4.  Nul ne peut, en raison de ses convictions religieuses, être dispensé de l’accomplissement de ses obliga-tions envers l’État ou refuser de se conformer aux lois. – 5. Aucun serment n’est imposé qu’en vertu d’une loi qui en détermine aussi la formule. »

Ainsi la liberté religieuse est-elle pleinement garantie en Grèce et il n’existe aucune discrimination fondée sur les convictions religieuses. Il reste qu’en Grèce, il n’existe pas de séparation offi cielle de l’Église et de l’État. Plus pré-cisément, l’Église de Grèce est une personne morale de droit public ; le clergé est nommé et payé par l’État et les nominations aux dignités ecclésiastiques sont susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives compétentes au même titre que tout acte administratif.

1.2. La majorité écrasante de la population se réclame de l’Église orthodoxe orientale, mais il existe certaines minorités religieuses. La plus importante est constituée par les musulmans, soit environ 300 000 personnes vivant surtout dans le nord-est du pays. La Grèce s’était déjà engagée à respecter leur liberté religieuse par le traité gréco-turc de Lausanne de 1913 et par le traité de Lau-sanne de 1923. Les diverses institutions musulmanes (telles que les muftis, les établissements d’enseignement, etc.) sont organisées en tant que personnes morales de droit public. Les « vakoufs », c’est-à-dire les diverses institutions musulmanes qui possèdent une fortune immobilière ou mobilière mise au service d’un but pieux, d’utilité publique ou philanthropique, constituent des « personnes morales de droit privé séparées de la minorité » et sont considérés comme des fondations d’utilité publique, gérées par des « comités de ges-tion des minorités musulmanes de la Thrace de l’Ouest siégeant à Komotini, Xanthi, Alexandroupoli et Didymoteicho » (loi no 1091/1980). Ils jouissent du même traitement fi scal favorable que les autres personnes morales d’utilité publique. Les terres vakoufi ques de Rhodes relèvent d’un organisme spécial, reconnu par la jurisprudence comme étant de nature limitée et sui generis. Le traité de Lausanne de 1923 ne s’applique pas au Dodécanèse (l’archipel d’îles de la mer Égée auquel appartient Rhodes) et, par conséquent, l’Organisme des vakoufs ainsi que les autres personnes religieuses, d’utilité publique ou philanthropique, que constituent les habitants de ces îles relèvent non pas de ce traité mais du droit commun grec.

1.3. Il reste en Grèce, après leur extermination massive pendant la Seconde Guerre mondiale, environ 6 000 israélites, organisés en communautés locales (loi no  2456/1920 et décret royal no  29/29-5-1949), reconnues comme des

personnes morales de droit public et gérées sur la base de leurs statuts par-ticuliers. La fi scalité des successions des israélites qui ont péri pendant de la Seconde Guerre mondiale sans héritiers a fait l’objet d’une réglementation particulière (décret législatif no 656/1948).

1.4.  Les chrétiens catholiques sont organisés administrativement autour de quatre archevêchés (Naxos-Tinos-Mykonos-Andros, Corfou-Zante-Cépha-lonie-Métropole des îles Ioniennes, Athènes et Rhodes), de quatre évêchés (Syros, Santorin, Crète et Chios), du vicariat apostolique de Thessalonique, de l’exarchat catholique hellénique et de l’exarchat des catholiques arméniens. La  loi et la jurisprudence grecque ne leur reconnaissant pas la personnalité juridique, la cour de Strasbourg a fi ni par condamner la Grèce (Église catho-lique de La Canée contre Grèce, 143/1996, 762/963/16-12-1997). Depuis, la personnalité juridique des institutions catholiques est reconnue, mais les catholiques réclament une reconnaissance égale à celle de l’Église orthodoxe orientale, des musulmans et des israélites, sans succès jusqu’à ce jour.

1.5.  Les protestants (évangélistes) ne sont pas non plus des personnes morales de droit public, mais la jurisprudence leur reconnaît une personna-lité morale de droit privé, sous forme de fondations ou associations. Selon le conseil juridique de l’État, les avantages fi scaux attribués aux « religions connues », protégées par la Constitution, s’étendent aux diverses associations civiles de droit privé à but religieux fondées dans leur cadre (avis no 337/2002).

1.6.  L’Église arménienne, quoique reconnue comme auto-administrée et constitutionnellement protégée en tant que « religion connue », ne possède pas elle-même de personnalité morale ; cependant, la personnalité morale de droit privé (fondation) est reconnue à ses diverses subdivisions administra-tives, telles que les églises.

1.7. Les chrétiens fi dèles à l’ancien calendrier, détachés de l’Église ortho-doxe en 1924 pour n’avoir pas suivi l’introduction en Grèce du calendrier gré-gorien, ont formé initialement une communauté unique qui a, par la suite, éclaté en une multitude d’organismes séparés ayant du mal à se faire recon-naître comme une « religion connue » et bénéfi cié de la protection constitu-tionnelle afférente. Récemment, certaines jurisprudences leur reconnaissent ce statut (voir par exemple arrêt 2823/1999 du Tribunal de première instance d’Athènes). Mais l’exercice de leurs pratiques religieuses est libre (voir la déclaration du secrétaire d’État au ministère de l’Éducation et des Cultes à l’Assemblée nationale du 23 avril 1975, lors du vote de la Constitution).

1.8. Enfi n, les témoins de Jéhovah sont reconnus simplement sous forme d’association à but religieux non lucratif (voir par exemple arrêt 520/1989 du Tribunal de première instance d’Athènes, qui a reconnu ce statut et a dispensé une telle association de la taxe de succession).

Dans le document Droit privé et religion (Page 159-162)

Outline

Documents relatifs