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Conclusion : la liberté religieuse de l’enfant, un élément d’une vaste question

Dans le document Droit privé et religion (Page 147-151)

Cette vaste question est celle d’une conception de la liberté et celle de la possibilité de changer de religion d’une manière générale, y compris pour l’enfant. Il n’est pas un secret que cette liberté est fondée sur l’article 18 de cette Déclaration universelle, qui stipule : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit

implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seul ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement de rites. » Si, au moment de la signature, des pays musulmans ont approuvé le texte et son contenu, d’autres pays islamiques comme l’Arabie saoudite avaient protesté contre la phrase : « ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ». L’argument était que cet article jouait en faveur des interventions politiques étrangères qui se présentent comme des missions pratiquant le prosélytisme ; pour l’ambassadeur d’Égypte solidaire de l’Arabie saoudite, on comprend bien les motifs de ces missions dites « missions civi-lisatrices » qui n’ont d’autre but que d’imposer leur « propre conception des droits de l’homme : la conception libérale », dans laquelle se trouve la liberté de changer de religion. Cet argument est associé à celui de la Chari’a qui ne peut accepter un retournement contre sa propre religion de quelqu’un qui n’a pas la capacité intellectuelle pour le faire : « Nul n’envisagera plus d’adopter la foi islamique sans qu’il ait au préalable mûri sa décision à la lumière de la raison et de la science, et en vue d’une conversion défi nitive et permanente. »

31 Toute tentative de conversion ne peut que semer le doute dans les cœurs des croyants et peut perturber l’ordre public. L’article  14 de la Convention de New York des droits universels de l’enfant sur la non-discrimination est le parallèle de l’article 18 de la Déclaration universelle. Dans ce sens, la route est longue, mais que les États musulmans soient conscients de l’importance des droits humains à l’éducation, à la protection contre la violence et à la santé est un chemin signifi catif qui peut mener à une libération et à une prise de conscience de l’enfant de ses propres droits.

Pour conclure ce survol de la question dans les textes musulmans, la ques-tion suivante est légitimement posée : la religion musulmane se rapproche-t-elle de l’article  14 de la déclaration de la non-discrimination religieuse, qui insiste sur le fait que les parents doivent guider l’enfant dans l’exercice du droit susmentionné et appelle les États à limiter les pratiques de religions ou de convictions qui peuvent porter atteinte à l’enfant ? Je dirai que dans le domaine de l’éducation et de la reconnaissance de la liberté de conscience, des pas discrets ont été faits, mais la route est encore longue pour atteindre une forme avancée de ce droit considéré comme laïque par l’islam. En fait, dans un contexte de mondialisation perçue comme une menace et provoquant un fort repli identitaire culturel et religieux et un appel à la sauvegarde de la

31. Cf. La liberté religieuse en tant que droit de l’Homme dans l’Islam, par Mohammed Amin AL-MIDANI.

religion, l’appel à un droit comme celui de la liberté religieuse pour l’adulte et pour l’enfant demeure problématique et objet de suspicion.

En fi nale, rappelons-nous le texte de Gibran, notre poète libanais ainsi que le poème d’Abu l Qasim al Chabi de Tunisie sur la liberté de l’enfant.

Venant d’une terre religieuse, le Liban, le grand poète libanais Gibran Khalil Gibran, dont le chant sur l’enfance ne cesse de résonner, nous livre un carnet de route afi n de donner à l’enfance sa juste place par rapport aux adultes32.

« Vos enfants ne sont pas vos enfants.

Ils sont les fi ls et les fi lles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous, mais non de vous.

Et bien qu’ils soient avec vous ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour, mais non point vos pensées, Car ils ont leurs propres pensées.

Vous pouvez accueillir leurs corps, mais pas leurs âmes,

Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.

Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous.

Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.

Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des fl èches vivantes, sont projetés.

L’Archer voit le but sur le chemin de l’infi ni, et Il vous tend de Sa puis-sance pour que Ses fl èches puissent voler vite et loin.

Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ;

Car de même qu’Il aime la fl èche qui vole, Il aime l’arc qui est stable ». Ô fi ls de ma mère

« Tu es né libre comme l’ombre de la brise et libre telle la lumière du matin dans le ciel. Là où tu allais, tu gazouillais comme l’oiseau et chantais selon l’inspiration divine.

Tu jouais parmi les roses du matin jouissant de la lumière là où tu la voyais. Tu marchais – à ta guise – dans les prés, cueillant les roses sur les collines.

Ainsi Dieu t’a conçu, fi ls de l’existence et la vie ainsi t’a jeté dans ce monde. Pourquoi accepter la honte des chaînes ?

Pourquoi baisser le front devant ceux qui t’ont enchaîné ? Pourquoi étouffer en toi la voix puissante de la vie alors que retentit son écho ?

Pourquoi fermer devant la lueur de l’aube tes paupières illuminées alors qu’est douce la lueur de l’aube ?

Pourquoi te satisfaire de la vie des cavernes ? Où donc est le chant ? Et où le doux élan ? Aurais-tu peur de la beauté du chant céleste

Craindrais-tu la lumière de l’espace dans la plénitude du jour ? Allons, réveille-toi, prends les chemins de la vie.

Celui qui dort, la vie ne l’attend pas. N’aie crainte, au-delà des collines,

il n’y a que le jour dans sa parfaite éclosion. […]

À la lumière ! La lumière douceur et beauté. À la lumière ! La lumière est l’ombre des Dieux. »

Le 20 février 1929 (Abou El-Kassem El-Chabi, « Ô fi ls de ma mère », dans Diwan) Traduit par Ahmed Ben Othman)

Dans le document Droit privé et religion (Page 147-151)

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