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CHAPITRE I. LA DISTRIBUTION PUBLIQUE D’ELECTRICITE EST UN ENJEU DE POUVOIR LOCAL

1) Les SICAE, exceptions dans l’exception

Au cœur de l’exception que constituent les entreprises locales de distribution, les sociétés d’intérêt collectif agricole d’électricité (SICAE) constituent une autre exception liée à l’histoire de l’électrification rurale. Il s’agit d’entreprises issues du droit des coopératives agricoles, qui disposent d’un statut spécifique défini par la loi du 5 août 1920. Ce statut a permis à ces coopératives, fondées par des sociétaires ruraux, de se transformer en sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) afin d’obtenir le droit d’accomplir des actes de commerce avec des non-sociétaires1.

1 Pour plus de précisions, on se reportera au supplément du n°665 de la revue de l’APCA, Chambres d’agriculture de novembre 1980.

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Avant même la naissance des régies locales, le monde agricole avait joué un rôle important dans l'électrification de ses propres territoires ruraux. La Picardie1 et l’Est de la France, ravagés par les combats de la première guerre mondiale, sont les principaux territoires de ces survivances institutionnelles.

Pour les 500.000 habitants-consommateurs des SICAE, répartis sur 1020 communes métropolitaines, la relation avec leur distributeur et fournisseur d’électricité est la même que dans le cas des régies. Les tarifs non libéralisés sont approximativement identiques à ceux pratiqués sur l’ensemble du territoire national par EDF. Les SICAE, comme les régies locales, s’enorgueillissent d’offrir une réelle proximité des services de dépannage ou d’entretien du réseau. Par ailleurs, contraintes par leur statut à ne pas redistribuer les bénéfices aux actionnaires, les SICAE font valoir la qualité de leurs réseaux, liée aux investissements.

La particularité des SICAE réside dans la composition de son capital. Celui-ci est variable et ne peut être détenu que par certaines catégories d’exploitants agricoles.

L’identité locale de ces coopératives est souvent très forte. Luc Gatin, secrétaire général de la FNSICAE, nous a indiqué que la direction de ces petites entreprises était parfois même une affaire de famille, les fonctions de direction et de maintenance pouvant avoir été transmises de père en fils depuis plusieurs générations.

Des chambres d’agriculture aux institutions mutualistes ou financières issues de monde agricole comme le Crédit Agricole ou la Mutualité Sociale Agricole en passant par les différents syndicats paysans, le monde agricole constitue une nébuleuse de pouvoirs et d’acteurs extrêmement complexe.2 Les agriculteurs sont très attachés à l’autonomie de leurs institutions et maintiennent très fermement leurs prérogatives en la matière.

La Fédération Nationale des Sociétés d'Intérêt Collectif Agricole d'Electricité (FNSICAE) rassemble les 12 SICAE de France. Ses bureaux, occupés par le secrétaire général et son secrétariat, sont situés boulevard Saint-Germain, dans le même

1 La Picardie concentre plus de la moitié des SICAE françaises.

2 Un travail de recherche sur la géopolitique des syndicats agricoles a été entrepris par l’Institut Français de Géopolitique (Mlle Guenièvre François).

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immeuble que la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricole.

Tableau 7 : Classement des SICAE françaises par taille (population desservie).

Nom de la SICAE Population desservie Nombre de communes

Oise (Compiègne) 128.278 184

SICAE de la Somme et du Cambraisis1 56.553 186

Saint-Martin-de-Londres (Hérault) 58.427 50

Aisne 43.400 39

Pithiviers (Loiret) 42.890 95

Ely (Yvelines) 33.985 45

Ray-Cendrecourt (Haute-Sâone) 31.255 173

La Ferté-Alais (Essonne) 27.702 22

Lassigny (Oise) 24.624 51

Sausseron (Val d’Oise) 14.946 12

Carmausin (Tarn) 8.177 26

Précy-Saint-Martin (Aube) 6.378 33

St-Oyen-St-Laurent-de-Belledonne (Savoie) 239 2

Parmi les 160 ELD françaises, les SICAE sont ainsi, en moyenne, de taille plus importante. Les coopératives les plus importantes ont des zones d’exploitation relativement étendues, comme en témoignent ces cartes des SICAE de l’Oise ou de Saint-Martin-de-Londres.

1 SICAE issue de la fusion de 4 autres SICAE : Cambrai-Est, Péronne, Roisel et Santerre.

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Carte 8 : SICAE de l’Oise, zone d’exploitation et agences commerciales. Source : www.sicae-oise.fr

Carte 9 : Territoire d’exploitation de la SICAE de Saint-Martin de Londres (Hérault). Source site Internet de la SICAE www.cesml.com

Le poids économique de ces coopératives, en termes de population desservie et d’énergie distribuée, est-il suffisant pour les protéger des effets de la concurrence ou de l’adaptation technique aux évolutions structurelles du marché ? La longévité des SICAE témoigne plutôt en faveur de leur force et de leur capacité à s’adapter aux

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nouvelles donnes. Un mouvement de fusion et de mise en œuvre de partenariats commerciaux avec le plus sérieux des concurrents d’EDF était d’ailleurs en cours en 2004.

Mouvements de réorganisation dans les SICAE

En juillet 2004, les trois SICAE du département de la Somme ont fusionné avec la SICAE de Cambrai pour donner naissance à la SICAE de la Somme et du Cambraisis.

Cette SICAE emploie à présent 72 personnes, dessert 186 communes et 27500 clients alimentés.

Dans le même temps, cette SICAE - la deuxième de France par la taille - renforce son partenariat de commercialisation avec les SICAE de Compiègne dans l’Oise, de Lassigny, avec la société d’électricité régionale (SER) implantée à Passel, près de Noyon et avec Energie du Rhône, filiale commune du groupe Suez-Electrabel et de la CNR.

Du point de vue politique et institutionnel, les SICAE ne bénéficient pas de relais parlementaires directs. On ne connaît pas de parlementaire actionnaire de SICAE - mais les députés et sénateurs des territoires concernés se tiennent informés et peuvent intervenir le cas échéant pour défendre les coopératives agricoles. Les députés UMP de l’Oise François-Michel Gonnot, Alain Vasselle et Philippe Marini sont ainsi intervenus à différentes reprises pour défendre les spécificités de ces sociétés coopératives.

2) L’ANROC

« L’Association Nationale des Régies de services publics et des Organismes constituées par les Collectivités Locales ou avec leur participation » est née d’une scission au sein de la FNCCR en janvier 1963. La composante régies et entreprises locales de distribution ne s’estimait plus suffisamment ni correctement défendue par la Fédération nationale du boulevard de Latour-Maubourg, celle-ci étant davantage

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impliquée dans la défense du pouvoir concédant que dans la responsabilité directe de l’activité de distribution.

La création de cette association spécifique pour la défense des intérêts communs des régies est fortement marquée par le profil fonctionnel des directeurs de régies qui participent à cette autonomisation par rapport à la FNCCR. Celle-ci est depuis toujours une Fédération, dans laquelle, selon une lecture classique des principes républicains de répartition des rôles et des pouvoirs, les élus sont prépondérants car ils sont considérés comme porteurs de la légitimité démocratique. La culture de l’ANROC est davantage influencée par les directeurs des régies que par leurs présidents. Les problèmes, s’il n’en demeurent pas moins politiques, sont abordés d’une manière plus technique et opérationnelle. Ceci étant, l’ANROC, dès sa création, est à la fois une association d’élus et d’entreprises et elle cultive cette double dimension.

Sa culture, davantage technique et directoriale que « politique et présidentielle » se traduit dans le fonctionnement de l’association, qui dispose de deux assemblées.

D’une part, le conseil d’administration est élu lors de l’assemblée générale parmi les élus communaux et leurs représentants. Il se réunit quelques fois par an et « fait prévaloir les intérêts de ses membres dans tous les lieux où il est nécessaire de le faire »1. D’autre part, chaque mois, la réunion nationale des directeurs de régies, à laquelle sont représentées presque la moitié des régies, procède à un tour de table de l’actualité locale, nationale et réglementaire. C’est cette assemblée qui prépare les dossiers de fond présentés au conseil d’administration. L’ANROC regroupe également une trentaine de régies de télédistribution par câble.

Le conseil d’administration compte deux députés parmi ses dix membres : son Président, Bernard Carayon, député-maire de Lavaur dans le Tarn, et Arnaud Lepercq, député-maire de Usson-Poitou dans la Vienne, par ailleurs Président du très puissant syndicat de la Vienne2. L’ancien Président de l’ANROC était jusqu’en 2003, le maire

1 Site Internet de l’ANROC www.anroc.com.

2 Le Syndicat Intercommunal d’Electricité et d’Equipement du Département de la Vienne (SIEEDV) gère directement les réseaux de distribution de 269 communes de la Vienne. Le syndicat, plus connu sous l’appellation « la régie », a créé le 1er janvier 2004 une société d’économie mixte, SOREGIES. Il a largement élargi ses compétences à la gestion de parcs d’éclairage public, à la cartographie SIG des

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de Creutzwald, ancien sénateur de la Moselle André Bohl. L’ANROC dispose donc comme la FNCCR de relais au Parlement en la personne d’élus des circonscriptions dans lesquelles sont souvent présentes des ELD.

Les discours des dirigeants de l’ANROC mettent l’accent sur l’outil de proximité que constitue une ELD pour une commune.

« Les communes ont ainsi plus que jamais les moyens d’une véritable politique énergétique locale. Les ELD sont de véritables outils d’aménagement du territoire, particulièrement réactives aux sollicitations des élus locaux pour lesquels elles constituent un levier majeur en matière de développement économique local. C’est particulièrement vrai au niveau de la création de zones d’activités où les choix énergétiques peuvent être des facteurs déterminants des nouvelles industries. »1

La création de l’UNELEG

Dans les dernières années du siècle dernier, sous l’influence européenne, la branche française des industries électriques et gazières s’est structurée, donnant naissance, en mai 2000, à l’Union Française de l’Electricité (UFE). L’UFE est le syndicat professionnel patronal de l’ensemble des entreprises de la branche des IEG.

Dans le même temps, en avril 2000, l’ANROC et la FNSICAE ont créé en commun leur propre syndicat professionnel, l’Union Nationale des Entreprises Locales d’Electricité et de Gaz, l’UNELEG. Ce syndicat professionnel, dont la mission est de représenter ses membres dans les négociations sociales de branche, est adhérent de l’UFE. Son délégué général est Jacques Bozec, le secrétaire général de l’ANROC.

communes et à télédistribution par réseaux câblés. En 2002, 315 personnes travaillaient pour le syndicat et sa société SOREGIES et son chiffre d’affaires s’élevait à 79.2 millions d’€. Site Internet www.laregie.net .

1 Entretien de M. Carayon dans L’élu local, mars 2003.

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