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CHAPITRE I. LA DISTRIBUTION PUBLIQUE D’ELECTRICITE EST UN ENJEU DE POUVOIR LOCAL

4) Deux modèles d’avenir pour les Entreprises Locales de Distribution ?

Parmi les grandes ELD, celles de Strasbourg et Grenoble présentent des caractéristiques différentes et fournissent des exemples complémentaires de la diversité du monde des entreprises non nationalisées. Electricité de Strasbourg (ES) est un cas quasi-unique de société anonyme. Gaz Electricité de Grenoble (GEG) est une SAEML urbaine susceptible d’incarner un modèle de développement spécifique pour les régies. Le choix de ces deux entreprises, qui partagent en quelque sorte le statut de société à capitaux privés (majoritaires dans l’un et minoritaire dans l’autre), ne traduit pas, de notre point de vue, un parti pris économique. Mais le contexte politique et économique de la France en ce début du troisième millénaire n’est guère favorable aux entreprises publiques, même locales, et a fortiori aux régies locales.

(a) Electricité de Strasbourg, une société anonyme

L’histoire d’Electricité de Strasbourg (ES) se confond avec celle de l’Alsace. Par sa taille, son statut de société anonyme et la composition de son capital, ES se singularise de toutes les ELD françaises. Constituée en 1900, ES était alors une Stadtwerk de droit local ayant pour actionnaires principaux la ville de Strasbourg, AEG – ainsi que d'autres sociétés allemandes de construction électrique jusqu'en 1921 -, et enfin des sociétés d'électricité suisses.

Elle s'est impliquée très rapidement dans différents champs de l’activité électrique : transports publics mais surtout production et distribution d'électricité pour le compte de plusieurs communes situées surtout dans le Bas-Rhin. En 1954, EDF en est devenu l'actionnaire principal et détient aujourd'hui 74 % de son capital social par l'intermédiaire de sa société-holding SDS.

ES est aujourd’hui une société anonyme, cotée à la Bourse de Paris - marché au comptant -, qui, outre son activité de production et de distribution d'électricité, a

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développé ces dernières années une activité diversifiée dans les réseaux : création d'une filiale de vidéo-communication, création d'une co-entreprise avec l'opérateur suisse de télécommunications Swisscom pour l'exploitation d'un réseau de câbles à fibre optique dans toute l'Alsace. Par son chiffre d'affaires total (2,8 milliards de francs en 1998), Electricité de Strasbourg est la première entreprise « non nationalisée

» du secteur français de l'électricité et le deuxième distributeur d’électricité en France après EDF.

La présidence et la direction d’ES sont traditionnellement occupées par des cadres dirigeants d’EDF. C’est le cas en 2004 avec Jean-Louis Joliot, Président d’ES et ancien secrétaire général d’EDF et Christian Buchel, directeur d’ES faisant office de délégué régional d’EDF en Alsace. Pour EDF, ES a régulièrement fait fonction de laboratoire d’expérimentation et de diversification des activités. Les cadres dirigeants d’ES reconnaissent eux-même une certaine schizophrénie entre leurs liens avec l’entreprise alsacienne et leur appartenance au groupe EDF.

La particularité d’ES en tant qu’ELD réside dans le lien ténu qu’elle entretient avec les pouvoirs publics locaux. La ville de Strasbourg, qui est entrée au capital de la société en 1908, est devenue l’actionnaire majoritaire en 1946, lui permettant ainsi d’échapper à la nationalisation. Mais la ville a vendu ses parts à EDF dès 1954 pour des raisons financières. Parmi les douze membres du conseil d’administration siègent deux administrateurs indépendants désignés, l’un par la ville de Strasbourg et l’autre par le monde économique régional. Le lien entre l’entreprise et les collectivités locales passe par une relation directe avec les élus. Les 446.000 clients d’ES sont répartis sur 408 communes bas-rhinoises avec lesquelles ES a signé 376 contrats de concession.

La démarche de regroupement syndical, bien que prônée à l’occasion du congrès de Strasbourg de la FNCCR, n’a pas atteint l’Alsace du Nord. Le maintien de cette relation directe, sans l’écran d’un syndicat, est un choix dont l’entreprise se satisfait.

ES joue délibérément la carte de l’entreprise régionale, très impliquée dans le développement durable des territoires alsaciens.

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Le rapport d’activité 2002 mettait en évidence le rôle joué par ES vis-à-vis des autres régies alsaciennes.

« En ce qui concerne les régies et SEM d’Alsace dans le domaine de l’électricité, la volonté d’ES est d’accroître sa présence et son appui auprès d’elles et de les soutenir dans le contexte de l’ouverture des marchés, avec pour objectif de préserver un modèle original de distribution en Alsace.

Une illustration en est celle d’Hunélec, société d’économie mixte détenue à 51% par la commune d’Huningue et titulaire du contrat de concession d’électricité de cette ville. Pour répondre aux attentes de la communes, ES est entrée dans le capital d’Hunélec et en a repris l’exploitation à la Compagnie Générale des Eaux le 1er avril 2002. »1

(b) Gaz et Electricité de Grenoble, une société anonyme d’économie mixte locale (SAEML)

Ce paragraphe s’appuie sur l’étude de terrain que nous avons consacrée à Grenoble. Afin de ne pas nous paraphraser nous-même, nous invitons le lecteur à se reporter directement à cette étude de cas dans au troisième chapitre de la seconde partie.

Nous attirerons uniquement l’attention sur le statut de l’entreprise et sur son lien organique avec la municipalité de Grenoble. GEG était une régie municipale jusqu’en 1985, date à laquelle elle s’est transformée en société anonyme d’économie mixte locale.

Cette différence de statut nous conduit à poser deux questions auxquelles nous ne prétendons pas répondre :

1. En quoi la présence des élus permet-elle une meilleure prise en compte du service public ?

2. Quelle est la nature des relations que la commune concédante entretient avec son entreprise concessionnaire ?

1 Rapport d’activité 2002 d’Electricité de Strasbourg, p.6.

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Le modèle économique et institutionnel des SAEML implique une forte présence de l’autorité communale dans la gestion d’un service public local, elle paraît donc être particulièrement à même d’assumer la responsabilité d’une conduite « démocratique » de ce service public, au service de la ville et de ces concitoyens. Pour autant, le développement d’une activité commerciale et en concurrence de cette entreprise publique locale doit être particulièrement scrupuleuse et prudente pour que le lien de confiance entre la ville et son concessionnaire endogène ne puisse pas être rompu.

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CHAPITRE II. LE SYSTEME ELECTRIQUE FRANÇAIS FACE A