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Le service public de distribution d’eau potable français

Dans le document Le droit comparé et le droit suisse (Page 132-135)

1. La réglementation du service public de distribution d’eau potable

En France, la notion de service public est un concept issu de la doctrine et de la juris-prudence qui ne repose initialement sur aucun texte légal9 et donne lieu a de multiples controverses10. Elles furent en partie résolues dans le domaine de la distribution d'eau lors de l'adoption de la LEMA11 qui modifia par son article 54, l’art. L. 2224-7 C.G.C.T.12. Cet article définit désormais les services publics de l'eau de façon spéci-fique, soit d'une part le service public de distribution d'eau potable et d'autre part le service public d'assainissement.

En droit français, le service de distribution d'eau potable est défini par la loi13 comme

« tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine ». Différentes composantes de ce service public sont identifiées14 soit une activité qui consiste à prélever de l'eau dans le milieu naturel, la traiter afin de la rendre potable, l'acheminer et la distribuer à la population15.

Cette qualification de service public peut être justifiée par l'évidence d'intérêt général émanant de l'activité de fourniture d'eau. En effet, la protection, mise en valeur et le développement de la ressource sont reconnus comme étant d'intérêt général par l'art.

L. 210-1 C. env. et le service de distribution d'eau est par nature une manière d'exploi-ter l'eau et de la mettre en valeur16. Ensuite, l'art. L. 211-1 II C. env. hiérarchise, depuis l'adoption de la LEMA, les usages de l'eau en donnant la priorité à l'alimentation en eau potable de la population. Enfin, d'une manière certes plus symbolique, l'art. L.

210-1 C. env. énonce que « l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne phy-sique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans

9 BORDONNEAU, n° 968; MOREAU, n° 239; RIVERO/WALINE, n° 464 ss.

10 BORDONNEAU, n° 968; GUYARD, p. 52.

11 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, J. O. du 31 décembre 2006, p. 20285; GAZZANIGA et al. n° 914; BORDONNEAU, n° 948.

12 Code Général des collectivités territoriales (C.G.C.T.), version en vigueur du 13 septembre 2016.

13 L. 2224-7 I C.G.C.T.

14 RICHER, p. 1168; SOHNLE, Les agglomérations, p. 180; BORDONNEAU, n° 989.

15 SOHNLE, Les agglomérations, p. 180; GUYARD, p. 95.

16 BORDONNEAU, n° 977.

des conditions économiquement acceptables par tous », exprimant ainsi un droit d'ac-cès à l'eau potable17.

Cependant une subtilité subsiste18 quant à la délimitation de l’obligation de délivrance du service par les communes. En effet, en vertu de l'art. L. 2224-7-1 C.G.C.T., elles ne sont compétentes, selon une affirmation légale19 qui manque de clarté, que pour la distribution de l’eau potable en tant que telle20. Les étapes de production, transport ou stockage semblent dès lors facultatives.

Malgré cela, la distribution d'eau potable ne constitue pas un monopole des collecti-vités publiques, des distributions privées peuvent voir le jour en garantissant le respect des règles de droit public21. Cette compétence ne devrait pas non plus remettre en cause la jurisprudence limitant l'obligation communale à une desserte sur son territoire en corrélation avec l'art. L. 210-1 C. env.22 qui garantit un accès à la ressource dans

« des conditions économiquement acceptables par tous ».

2. Les caractéristiques du service industriel et commercial (SIC)

Au-delà du texte aujourd'hui en vigueur, la jurisprudence des tribunaux administratifs français a depuis longtemps et bien avant l'adoption législative décrite ci-dessus dé-terminée les caractéristiques du service public de fourniture d'eau23. Avant d'aborder en détail les éléments caractéristiques de ce service public, il nous faut préalablement distinguer deux notions existantes en droit français : les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SIC)24. Normalement, une activité donnant lieu à un service public sera considérée comme telle dès qu'elle ré-pondra à trois éléments constitutifs : a) qu'elle remplisse un but d'intérêt général25, b) qu'elle soit prise en charge ou contrôlée par une autorité publique26 et c) qu'elle ré-ponde à certains principes fondamentaux, à savoir les principes de la continuité27, de l'égalité28 et de la mutabilité29.

17 Ibid.; GAZZANIGA et al., n° 752.

18 RICHER, p. 1168; GUYARD, p. 95.

19 SMETS, p. 43; CONSEIL D’ETAT, p. 61.

20 RICHER, p. 1168.

21 Ibid.

22 Code de l’environnement (C. env.), version en vigueur au 1er septembre 2016.

23 BORDONNEAU, n° 980.

24 MOREAU, p. 248; RIVEIRO/WALINE, p. 481.

25 Ibid., p. 470; MOREAU, p. 240.

26 RIVEIRO/WALINE, p. 474; MOREAU, p. 241.

27 RIVEIRO/WALINE, p. 483; MOREAU, p. 258; SMETS, p. 67.

28 RIVEIRO/WALINE, p. 485; MOREAU, p. 260.

29 RIVEIRO/WALINE, p. 484; MOREAU, p. 263.

Pour différencier un SPA d'un SIC, on utilisera par la suite trois éléments30. En pre-mier lieu, l'objet du service (ou la nature de l'activité), ainsi le caractère commercial sera considéré comme un indicateur de la présence d'un SIC. Il en va de même lorsque les ressources de fonctionnement du service public seront des redevances perçues au-près des usagers et proportionnelles aux prestations fournies. Enfin, les modalités de fonctionnement sont le dernier indice qui permet de reconnaître un SIC. En effet, dans un tel cas et contrairement au SPA, les règles de droit privé régiront une partie des rapports entre le service et par exemple, le personnel, les usagers ou les fournisseurs31. Mais le droit administratif s'appliquera par certains aspects soit par exemple les prin-cipes d'organisation ou encore les exercices de prérogatives de puissance publique.

Les théories décrites brièvement ci-dessus et le texte de la LEMA indiquent que le service public de distribution de l'eau est un SIC, en particulier en considérant la va-leur économique de l'eau32 et la soumission du service au principe d'équilibre finan-cier. Cette notion imposée par l'art. L. 2224-4 C.G.C.T. implique que le budget du service de distribution d'eau potable doit être équilibré en recettes et en dépenses, ce qui aura un impact dans la conception des règles d'accès et de tarifs. De plus, il est interdit aux communes de plus de 3’000 habitants de prendre en charge dans leur bud-get les dépenses propres au titre de ce service en vertu de l'art. L. 2224-2 C.G.C.T.

L'usager doit en effet lui-même (sauf exception sociale ou économique) financer in-tégralement le service33.

Qu'il soit de type administratif ou de type industriel et commercial, le service public français est régi par trois principes fondamentaux que sont l'égalité, la continuité du service public et sa mutuabilité. Ces règles théorisées par Louis Rolland au siècle der-nier, sont depuis lors appelées « lois de Rolland34 ». La continuité des services publics permet de répondre au besoin d'intérêt général dont la satisfaction pour la population ne doit pas être discontinue35. Ainsi, le service public doit faire l'objet d'une régularité, toute interruption pouvant mener à des désagréments, pour les usagers, plus ou moins graves36. Mais il n'est cependant pas toujours synonyme de permanence37, des cou-pures temporaires pouvant être nécessaires à l’entretien du réseau par exemple. Elles doivent cependant être limitées dans le temps et se reproduire de manière épisodique pour préserver le principe de régularité inhérent à la condition de service public.

Le principe de mutabilité ou d'adaptation du service public38 renvoie à l'idée que le service public doit s'adapter de manière constante aux diverses variations que subit

30 RIVEIRO/WALINE, p. 481; MOREAU, p. 248.

31 BORDONNEAU, n° 1152; GUYARD, p. 77.

32 DROBENKO, p. 289; BORDONNEAU, n° 1150.

33 DROBENKO, p. 291.

34 GUYARD, p. 84; BORDONNEAU, n° 1726.

35 SMETS,p. 67; MOREAU, p. 258; RIVERO/WALINE, p. 483.

36 SMETS, p. 67; RIVERO/WALINE, p. 483.

37 BORDONNEAU, n° 1768; GUYARD, p. 86.

38 BORDONNEAU, n° 1781; GUYARD, p. 88; MOREAU, p. 263; RIVERO/WALINE, p. 484.

l'intérêt général. Autrement dit, le service public est évolutif39, un maintien des droits acquis n'étant, dès lors, pas envisageable, la situation évoluant au gré des modifica-tions réglementaires ou jurisprudentielles.

Finalement, le principe d'égalité dans la théorie relative au service public est un co-rollaire du principe d'égalité devant la loi40 qui fut reconnu par le Conseil d'Etat en 195141 et le Conseil constitutionnel en 198642. Bénéficiant à tous, il ne doit pas être compris comme une uniformité totale mais oblige à l'application de règles semblables dans des situations semblables43. Selon ce principe, il est interdit de traiter différem-ment des personnes se trouvant dans une situation identique44.

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