• Aucun résultat trouvé

Pistes d’amélioration

Dans le document Le droit comparé et le droit suisse (Page 49-52)

Période d’élaboration des lois

3. Pistes d’amélioration

La première remarque que nous pouvons formuler s’agissant des pistes pour l’amé-lioration de la prise en compte des avis des cantons ou des États membres dans la formation du droit est que cette question n’intéresse que peu ou pas les instances fé-dérales ou européennes. En effet, ces dernières comprennent mal les enjeux de cette problématique et la laissent souvent de côté, supposant que la mise en oeuvre peut se régler après l’adoption de la norme.

Nous observons tout d’abord cette absence d’attention dans le rapport européen. En effet, bien que le rapport semble aborder la question de la formation du droit dans son premier point56, il n’en est rien. Lorsque la Commission suggère d’améliorer les lois à mettre en oeuvre, ses propositions se cantonnent aux outils qui faciliteront la sur-veillance57 et n’abordent en rien la question de l’élaboration des lois. De plus, dans d’autres documents officiels de l’Union, la question d’une meilleure élaboration des lois ne concerne pas les États membres et leur participation, mais les interactions entre les différentes institutions européennes58.

Cela s’explique par le fait que dans l’UE, les États membres sont parties prenantes dans le processus de décision européenne à travers le Conseil, comme nous l’avons déjà vu59. Cependant, cette participation est insuffisante pour faire valoir les intérêts de mise en œuvre. En effet, le Conseil est un organe politique qui se concentre plutôt sur les désaccords de fond entre les États membres et ne peut au surplus se soucier, en plus, des questions de mise en œuvre60. De plus, les relais des États membres auprès de la Commission sont insatisfaisants à ce stade. Le COREPER exerce bien partielle-ment cette tâche, mais la Commission ne le consulte pas systématiquepartielle-ment61.

55 HATJE, VON FÖRSTER, EnzEur, pp. 616-617 ; HÄRTEL, EnzEur, p. 660 ; il existe certes un comité spécial fondé sur l’art. 99 TFUE, mais il ne concerne qu’un domaine particulier et il n’existe pas d’organe d’influence générale sur la Commission.

56 Europe des résultats, partie III, point 1 « Meilleure prise en compte de la mise en œuvre tout au long du cycle d’élaboration des politiques » pp. 5-7.

57 En proposant des tableaux de correspondance aux États membres afin que ceux-ci indiquent les lois qui doivent être modifiées au vu des nouvelles normes européennes.

58 Voir par ex. Accord « Mieux légiférer », notamment pt. 27 qui est très large.

59 Voir chapitre b).

60 HÄRTEL, EnzEur, p. 673.

61 HÄRTEL, EnzEur, p. 660 ; DE ZWAAN, p. 45.

Il serait judicieux dans ce cadre de développer une consultation plus systématique des États membres au stade de la préparation du projet de norme62. Dans ce cadre, le CO-REPER ne nous semble pas l’organe le plus adéquat pour cette consultation, car il sera, par la suite, chargé d’évaluer les projets législatifs pour le compte du Conseil.

Ainsi, ses trop grandes prérogatives pourraient déstabiliser l’équilibre institutionnel de l’Union. Nous proposons plutôt soit de consulter directement les administrations des États membres, ce qui serait la voie la plus directe, bien que probablement plus longue63. Soit la consultation d’une autre structure, connu sous le nom de comitologie.

Cette comitologie regroupe différents comités dans différents domaines formés par des représentants des États membres et censés exercer un contrôle sur l’exercice, par la Commission, de ses compétences exécutives64. Cette institution visant déjà à ap-puyer le travail de la Commission, elle serait plus apte à remplir cette tâche tout en ne modifiant pas l’équilibre européen. Même si le rôle premier de la comitologie est de surveiller les compétences exécutives – donc postérieure à l’élaboration des lois – elle pourrait aussi aisément être consultée dans la phase prélégislative. Elle serait d’autant plus désignée que les comités ayant l’habitude d’avoir affaire aux questions de mise en oeuvre, ils pourraient vite prévoir les difficultés que poseraient les projets de loi sous cet angle65. Cependant, le rôle parfois controversé de la comitologie paraît affai-blir cette solution66.

En Suisse, l’absence d’intérêt pour cette question se dénote par l’omniprésence de la question de la sensibilisation aux enjeux de mise en œuvre dans le rapport du groupe de travail commun67. Nous pouvons à tout le moins noter que le rapport suisse met l’accent particulièrement sur ces questions, et ce afin d’améliorer la situation actuelle.

En effet, le rapport du groupe de travail commun aborde trois moments de la procé-dure législative et propose des solutions pour que les cantons puissent mieux faire valoir les intérêts de mise en œuvre dans chaque étape68. Les solutions dégagées met-tent l’accent sur deux problèmes : non seulement l’administration ou le Parlement doivent prêter une attention particulière aux cantons pour les questions de mise en

62 Comme le propose également le rapport suisse, voir par. suivant et note 73.

63 Il faudrait ainsi prévoir des délais suffisant pour permettre une réponse consolidée, mais également limitée aux questions de mise en œuvre, cela pourrait retarder le processus législatif européen.

64 Ainsi lorsque ce ne sont pas les États membres qui mettent en œuvre le droit européen ; BLUMANN, Nouveau départ, p. 28 ; BLUMANN, Comitologie, p. 149

65 BLUMANN, Nouveau départ, p. 31.

66 BLUMANN, Nouveau départ, pp. 33 ss ; BLUMANN, Comitologie, pp. 151 ss ; HOFMANN, pp. 499-500.

67 Voir Mise en œuvre, solutions 1, 4, 8 et 11, pp. 36-37 ; MAISSEN,MADER,BAUMANN, pp.

69-68 70. Mise en œuvre, parties 2.1, 2.2 et 2.3 qui traitent successivement de la participation des cantons

dans la phase de l’élaboration de l’avant-projet, puis dans la procédure de consultation et enfin dans la phase parlementaire.

œuvre69, mais ces derniers doivent également fournir des avis motivés en la matière ou envoyer des personnes formées aux auditions des organes fédéraux. En d’autres termes, ils doivent non seulement s’abstenir de considérations purement politiques – ou alors les séparer de celles sur la mise en œuvre –, mais également améliorer leur coordination interne et mieux évaluer leur propre besoin en matière de mise en œuvre70. De plus, une meilleure coordination de leurs intérêts communs leur permet-trait d’améliorer leur visibilité sur le plan fédéral71.

Pour le surplus, une critique générale peut être adressée à tous ces mécanismes de consultation des cantons et des États membres : leur manque de transparence et de légitimité démocratique72. En effet, tant en Suisse que dans l’Union européenne, ce sont les gouvernements des cantons ou des États membres qui participent à l’échelon supérieur. Dans ce cadre, l’Union européenne a tenté de développer une participation des parlements nationaux. Le Conseil envoie d’abord systématiquement son ordre du jour aux parlements nationaux en avance73. De plus, les parlements nationaux peuvent porter l’attention des instances européennes sur le respect du principe de la subsidiarité et demander un nouvel examen des projets législatifs par la Commission à certaines conditions74. En Suisse, l’intégration des parlements cantonaux est une question qui préoccupe les cantons à un niveau horizontal. Certaines initiatives ont émergé pour mieux prendre en compte les parlements dans le travail intercantonal.

Cependant, seuls les cantons romands ont adoptés un texte contraignant et ont ainsi institutionnalisé cette participation75. D’autres initatives restent au stade de la participation volontaire et non institutionnalisée76.

69 Mise en œuvre, solution 2, 5 et 9 pp. 36-37 ; SAGER/STEFFEN, p. 162

70 MAISSEN/MADER/BAUMANN, pp. 70-75 ; SAGER/STEFFEN, pp. 157-158.

71 SAGER/STEFFEN, pp. 171-172.

72 CHALMERS, p. 317 ; LENAERTS, VAN NUFFEL, pp. 614-615.

73 Règlement intérieur du Conseil, art. 3 § 1.

74 Protocole n° 1 du TFUE sur le rôle des parlements nationaux et art. 7 Protocole n°2 du TFUE sur la subsidairité et la proportionnalité ; pour plus de détails, voir notamment EPINEY in BIEBER/EPINEY/HAAG, pp. 78 ss.

75 STREBEL, pp. 380 s. et 384 s. ; Voir Convention du 5 mars 2010 relative à la participation des Parlements cantonaux dans le cadre de l’élaboration, de la ratification, de l’exécution et de la modification des conventions intercantonales et des traités des cantons avec l’étranger, de la Conférence des Gouvernements de Suisse occidentale.

76 STREBEL, pp. 393 s. et 404 s.

Dans le document Le droit comparé et le droit suisse (Page 49-52)