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Chapitre 3 Les supports d’enseignement de la lecture

3. Un cadre de référence pour segmenter les textes supports de lecture

4.1. Segmenter les textes supports de lecture en graphèmes

Lorsque nous avons segmenté les textes supports de lecture en graphèmes, nous avons respecté le principe selon lequel un groupement orthographique doit correspondre à un seul phonème (Peereman et al., 2007). Par exemple, nous avons considéré le couple formé par les lettres « g » et « u » comme un seul graphème formant une paire avec le phonème /g/. Toutefois, les inconsistances des relations graphies-phonies du français nous ont conduit à réinterroger le digramme ainsi formé lorsque la lettre « u » prenait une valeur de semi-

39 Du lat. pop. *soricem, acc. de *sōrι ̄x, altér. du lat. class. sōrex, sorĭcis « souris », CNRTL (Centre National de

Ressources Textuelles et Lexicales).

40 Emprunté à l'italien. soldato, att. au sens A 1 dep. 1348-53 (Boccace ds Tomm.-Bell.), part. passé subst. de

soldare « payer une solde », dér. de soldo (solde1*), CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

90 voyelle, comme c’est le cas dans les mots « iguane » et « aiguille ». Chacune des lettres « g » et « u » devient alors un graphème, associé respectivement aux phonèmes /g/ et /w/. Il en est de même pour certains digrammes formés d’une consonne double ou d’une voyelle double. Ainsi, un digramme est considéré comme un graphème s’il possède un seul correspondant phonémique mais chacune des lettres qui le composent retrouve le statut de graphème dès lors qu’elle renvoie à un phonème. Par exemple, le digramme « cc » ne forme qu’une seule paire avec le phonème /k/ dans le mot « accord », mais chacune des lettres « c » forme une paire avec les phonèmes /k/ et /s/ dans le mot « vaccin ». De la même manière, le digramme « oo » ne forme qu’une seule paire avec le phonème /u/ dans le mot « foot ». En revanche, chacune des lettres « o » forme une paire avec le phonème /o/ dans « zoo ».

Nous n’avons pas toujours été en mesure d’appliquer le principe que nous avons énoncé plus haut. En effet, nous avons rencontré des groupements orthographiques associés à plusieurs phonèmes, sans qu’une de leurs lettres ne renvoie à un phonème en particulier. C’est par exemple le cas des graphèmes « oi » et « oî » généralement prononcés /wa/ et du graphème « oin » prononcé /w%/. Quelques graphèmes formés d’une seule lettre font eux aussi figure d’exception, par exemple le graphème « x » prononcé /gz/ dans « examen » ou /ks/ dans « axe » et le graphème « o » prononcé /wa/ dans « voyage ».

Afin d’identifier les graphèmes et d’associer ces graphèmes à leur valeur, nous nous sommes référé au tableau de relevé de l’étude du code de la recherche Lire et Écrire (cf. annexe 2) et au cadre de référence que nous avons établi plus haut (cf. § 3.). Lorsque les graphèmes portaient plusieurs valeurs, nous avons choisi celle qui nous semblait la plus abordable pour des élèves de cours préparatoire. Nous avons donc systématiquement privilégié la valeur phonogrammique à la valeur sémique. Nous avons par exemple retenu la correspondance entre le graphème « ai » du verbe « parlait » et le phonème /E/ plutôt que la marque de la troisième personne du singulier des verbes à l’imparfait. Par ailleurs, lorsque les graphèmes étaient à la fois des morphogrammes lexicaux et des morphogrammes grammaticaux, nous avons choisi la marque dérivative plutôt que la marque flexionnelle. Moins abstraite, l’explication qui consiste à tisser des liens entre les mots d’une même famille nous semble plus accessible que celle qui consiste à mobiliser la morphologie syntaxique. Nous avons considéré que la lettre « d » du verbe conjugué « prend », par exemple, est le signe de la relation que ce dernier entretient avec l’infinitif « prendre » plutôt que la marque de la troisième personne du singulier des verbes qui se terminent par « -dre ».

91 Nous avons précédemment distingué plusieurs valeurs de la lettre « e » (cf. § 3.), en particulier une valeur diacritique que Catach (2012) étend volontiers au fonctionnement général du « e » après consonne. Dans la perspective qui est la nôtre, celle de la mise en évidence de la part déchiffrable des textes, nous avons souhaité préciser dans quelle mesure la lettre « e » influe sur la prononciation des lettres qui la précèdent. Nous avons considéré que le « e » du mot « histoire » ne joue pas de rôle diacritique dans la mesure où il n’influe pas sur la prononciation de la séquence orthographique « oir ». En effet, l’ensemble des mots de langue française qui se terminent par « -oir » se prononcent /war/. En revanche, le « e » de « petite » rend audible la lettre « t ». Nous avons donc distingué les lettres « e » qui influent sur la valeur des graphèmes proches de celles qui ne modifient pas leur valeur. Nous les avons respectivement nommée « e » diacritique et « e » valeur zéro en référence aux travaux de Catach (2012) et de Blanche-Benveniste et Chervel (1978).

Afin d’opérer la distinction entre une lettre « e » diacritique et une lettre « e » valeur zéro en finale d’un mot, nous avons procédé de la manière suivante. Nous avons relevé la prononciation de la séquence orthographique formée par les deux graphèmes41 qui précédent

la lettre « e ». Puis, à l’aide d’un logiciel42, nous avons recherché des mots de langue française

se terminant par cette séquence orthographique. Lorsque les prononciations des séquences orthographiques étaient toutes identiques à celle du mot étudié, nous avons considéré que nous étions en présence d’une lettre « e » valeur zéro, autrement dit d’une lettre qui ne modifie pas la prononciation des graphèmes proches. En revanche, lorsque les prononciations de certaines séquences orthographiques étaient différentes de celle du mot étudié, nous avons considéré que la lettre « e » était diacritique, autrement dit qu’elle influait sur la prononciation des graphèmes proches. Nous avons par exemple attribué la valeur zéro à la lettre « e » du mot « navire » puisque la séquence orthographique « ir » se prononce toujours /ir/ en français, et nous avons attribué une valeur diacritique à la lettre « e » du mot « costume » puisque la séquence orthographique « um » qui se prononce /ym/ dans ce dernier se prononce /Om/ dans « album ».

Nous avons consigné dans deux tableaux l’ensemble des décisions que nous avons prises au moment de la segmentation des textes supports de lecture, et nous avons ainsi constitué

41 Nous avons choisi deux graphèmes parce qu’ils sont susceptibles de former un digramme ou un trigramme en l’absence de la lettre « e ».

92 deux listes de mots, une avec des lettres « e » diacritique (cf. annexe 18) et une avec des lettres « e » valeur zéro (cf. annexe 19).

En résumé, lorsque nous devions choisir entre les différentes valeurs d’un même graphème, et compte tenu du niveau de scolarité pour lequel nous avons réalisé nos travaux de recherche, nous avons privilégié, dans l’ordre, les valeurs phonogrammique, diacritique, morphogrammique lexicale, morphogrammique grammaticale, logogrammique et zéro. Les lettres diacritiques ont une influence directe sur l’oralisation puisqu’elles modifient la prononciation des graphèmes proches, les connaissances lexicales sont souvent plus facilement mobilisables par les élèves de début de cours préparatoire que les connaissances grammaticales, l’homophonie lexicale est plus rare et moins accessible. Nous avons attribué la valeur zéro en dernier recours, autrement dit lorsque les graphèmes ne prenaient aucune autre valeur.

4.2. Dénombrer les graphèmes et identifier ceux qui ont été explicitement