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Chapitre 2 La planification de l’étude du code alphabétique

3. Méthodologie

3.1. La vitesse d’étude des correspondances graphophonémiques

Afin de répondre à notre première question, nous avions besoin de dresser l’inventaire des correspondances graphophonémiques explicitement enseignées pendant les neuf premières semaines de l’année dans chacune des classes de l’étude Lire et Écrire. Le trop grand nombre de correspondances (le système orthographique du français comporte 130 graphèmes pour 36 phonèmes) nous a obligé à procéder à une réduction afin que l’outil de recueil des données soit maniable et fiable. Nous avons donc choisi de ne conserver que les graphèmes les plus fréquents relevés dans les manuels scolaires inventoriés dans la base Manulex (Lété, Sprenger-Charolles et Colé, 2004 ; Ortéga et Lété, 2010) et les correspondances

8 Pour définir le français standard, nous étudierons la distribution des correspondances graphophonémiques des

80.000 entrées analysées par Ghneim (1997) dans le cadre de ses travaux de thèse et nous calculerons leur fréquence. Nous obtiendrons ainsi des fréquences théoriques qui nous serviront de référence (cf. § 3.2. pour la méthodologie et § 4.2. pour les résultats.).

33 graphophonémiques habituellement étudiées au cours préparatoire en recoupant les tables des matières d’une dizaine de manuels (À l’école des albums, Gafi, Crocolivre, Gafi le fantôme, Grand-large, Léo et Léa, Ribambelle, Pas-à-page, À tire d'aile, Patati et Patata). La liste que nous avons élaborée comporte 63 graphèmes associés à leur(s) correspondant(s) phonémique(s) et 12 graphèmes muets. Elle regroupe des graphèmes voisins qui ont un phonème commun, par exemple la lettre ‘a’ associée à la lettre ‘a’ accentuée, ou bien le graphème ‘ain’ associé au graphème ‘aim’.

Notre avons créé un tableau à 75 lignes à partir de cette liste afin de relever les numéros des semaines de classe au cours desquelles les correspondances avaient été explicitement enseignées (cf. tableau 1 ci-dessous).

graphèmes/phonèmes Correspondances Exemples Date 1trace ère d’institutionnalisation Date mémoire Aide- ou PG Remarques P, G 1 a (à, â) [a] ou [ɑ] avocat, patte, pâte

2 ai [ɛ] ou [e] aimer, serai

3 ain (aim) [ɛ̃] pain, daim 4 an (am) [ã] ampoule enfant,

5 au [o] [ɔ] autobus autant,

6 b [b] bleu 7 c (cc) [k] accomplir couleur, 8 c (ç). [s] cerise, déçu 9 ch [ʃ] chat 10 d [d] deux 11

Tableau 1. Extrait du tableau de relevé de l’étude du code qui figure en annexe 2 Nous avons notamment distingué les correspondances explicitement enseignées de simples mises en relation orales entre les graphèmes et les phonèmes ou de mises en relation écrites éphémères. Nous avons considéré comme explicite un enseignement qui avait conduit à la production d’un écrit de référence permanent à usage individuel ou collectif au cours d’une phase d’institutionnalisation.

Les relevés ont été effectués par les enquêteurs de Lire et Écrire à la fin des deux premiers mois de classe, avec l’aide des professeurs, sur la base des traces de l’enseignement dispensé (cahiers des élèves et affichages muraux) et des pages de manuel étudiées. Les indications fournies par les enseignants sur la nature des aide-mémoires9 proposés aux élèves ont permis

9 Les 8 items de l’aide-mémoire sont les suivants :

1) Affichage éphémère des correspondances GP au tableau effaçable (durée : quelques minutes ou heures ; durée inférieure à la semaine)

34 de préciser comment les correspondances graphophonémiques avaient été institutionnalisées. Nous avons fait du nombre de correspondances explicitement enseignées au cours des neuf premières semaines de classe un indicateur de vitesse d’étude que nous avons nommé tempo. Afin d’évaluer l’influence de la variable ainsi créée, nous avons utilisé une méthode d’analyse statistique qui repose sur l’élaboration de modèles multiniveaux et sur la mesure des performances des élèves à l’entrée et à la fin du cours préparatoire.

3.1.2. L’évaluation des compétences des élèves en décodage dans l’étude Lire

et Écrire

À l’entrée du cours préparatoire, la mesure des performances des élèves en décodage a reposé sur quatre épreuves. La première est extraite d’EVALEC, une batterie informatisée d’évaluation diagnostique des troubles spécifiques d’apprentissage de la lecture10 (Sprenger-

Charolles, Colé, Piquard-Kipffer et Leloup, 2010). Elle consiste à supprimer la première syllabe de 10 pseudo-mots énoncés par l’évaluateur11 (trisyllabiques de la forme CVCVCV),

puis le premier phonème de 24 syllabes (12 syllabes de la forme CVC et 12 syllabes de la forme CCV). Le pourcentage d’erreurs et la durée totale de passation de l’épreuve (hors entrainements) ont été calculés. La seconde évalue la connaissance du nom des lettres de l’alphabet. La troisième et la quatrième sont des épreuves chronométrées empruntées à l’étude de Gentaz et al. (2013). Elles correspondent à la lecture de mots familiers et de pseudo-mots dont certains comportent un graphème contextuel, autrement dit un graphème pouvant prendre différentes valeurs selon les lettres qui l’entourent.

À la fin du cours préparatoire, les épreuves d’analyse phonologique et de lecture ont été reprises à l’identique, celle de connaissance du nom des lettres a laissé place à une épreuve de

2) Affichage mural permanent des correspondances GP (affichettes ajoutées au fur et à mesure de l’étude, tableaux récapitulatifs…) (durée de la présence de l’affichage : au moins une semaine, mais elle peut s’étendre sur une période, un trimestre, une année)

3) Cahier ou classeur de l’élève (CGP dans le cahier du jour, cahier de son, cahier d’écriture, cahier de devoirs du soir, …)

4) Manuel (avec mention explicite des CGP) 5) Fichier (avec mention explicite des CGP)

6) Autre dispositif d’aide-mémoire : représentation des gestes Borel-Maisonny, des personnages de la Planète des alphas, des onomatopées associées à des historiettes, etc.

7) Affichage mural permanent des textes supports dans lesquels sont indiqués les graphèmes étudiés 8) Autre : (préciser quoi dans la colonne remarque)

10 Extrait du guide : « Pour les tests d’analyse phonologique et de mémoire, EVALEC n’utilise que des pseudomots afin d’éviter les biais liés à des différences de vocabulaire ».

11 À noter que contrairement au test original informatisé les items n’ont pas été enregistrés, ce qui aurait pu

éviter les biais dus à la qualité de l’articulation des évaluateurs et au recours à des aides labiales (qui peuvent faciliter principalement la tâche syllabique).

35 fluence qui mesure la vitesse de déchiffrage de mots en contexte (épreuve tirée d’OURA- LEC/CP Enseignants12).

Les scores de phonologie, de connaissance du nom des lettres et de lecture de mots et de pseudo-mots des épreuves initiales ont été centrés et réduits puis additionnés pour le calcul d’un score unique à l’entrée du cours préparatoire (variable codez). Le calcul du score des épreuves finales (variable codefz) a été établi selon la même méthode. Ainsi, les scores codez et codefz ont permis d’évaluer les effets des variables didactiques sur les performances des élèves en décodage.

3.1.3. L’évaluation des compétences des élèves en orthographe dans l’étude

Lire et Écrire

L’épreuve d’écriture tâtonnée proposée à l’entrée du cours préparatoire a permis d’évaluer la compréhension du fonctionnement du système d’écriture français, notamment à travers les relations que celui-ci entretient avec l’oral. C’est cette même épreuve qui a servi à mesurer le niveau des élèves en orthographe. Elle se compose de l’écriture de son prénom, de trois mots isolés (lapin, rat, éléphant) et d’une courte phrase (Tom joue avec le rat.). Les résultats des élèves dépendent de leur niveau de conceptualisation, établi en référence aux différentes étapesdu développement de l’écrit chez l’enfant (Ferreiro, 2000), de leur capacité à stabiliser une écriture (permanence de l’écrit) et à séparer les mots par des blancs graphiques (segmentation de l’écrit).

À la fin du cours préparatoire, l’épreuve d’écriture tâtonnée a été reprise à l’identique et complétée par la dictée d’une phrase comportant des marques du pluriel (Les lapins courent vite.).

Comme pour les épreuves de décodage, les scores des épreuves initiales et finales d’orthographe ont été centrés et réduits pour le calcul d’un score unique à l’entrée (ecriz) et à la fin du cours préparatoire (dictez).

3.1.4. Les analyses de régression multiple et les modèles multiniveaux

Dans nos modèles statistiques, les performances finales des élèves constituent des variables dépendantes dont nous cherchons à expliquer la variété.

36 Un premier traitement des données a été réalisé par Annette Jarlégan (2015) pour l’étude Lire et Écrire. Il s’agit d’une analyse de régression multiple qui établit une relation mathématique entre le niveau de performance final des élèves et leur niveau de performance initial plus leurs caractéristiques individuelles (sexe, milieu social, âge, langue parlée à la maison). Le modèle explique alors 41,1 % de la variance du score final des élèves en code et 25,6 % de la variance du score final des élèves en écriture. Lorsque les classes sont introduites en variables muettes pour estimer l’ampleur de leur effet, le pouvoir explicatif du modèle s’élève à 48,6 % en code et à 36,8 % en écriture. Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, 7,5 % de la variance des performances finales des élèves en code et 11,2 % de la variance des performances finales des élèves en écriture s’expliquent par la classe dans laquelle ils sont scolarisés.

Nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle le nombre de correspondances graphophonémiques enseignées pendant les neuf premières semaines de classe avait une influence sur les performances des élèves en décodage et en orthographe. Pour la vérifier, nous avons élaboré des modèles multiniveaux (cf. annexe 3 pour une nomenclature détaillée) qui suivent les étapes suivantes (Bressoux, 2010). Nous avons tout d’abord décomposé la part de variance attribuable aux classes en une variance interclasses et une variance intra-classe dans un modèle dit « vide » n’incluant aucune variable explicative (modèle 0). Puis, nous avons créé un second modèle (modèle 1) en ajoutant les performances initiales des élèves (variable de contrôle de niveau 1). Nous avons ainsi pu évaluer le pouvoir explicatif du score initial sur les variances interclasses et intra-classe. Nous avons ensuite introduit les caractéristiques des élèves comme variables de contrôle de niveau 1 (modèle 2) et celles des enseignants et des classes comme variables de contrôle de niveau 2 (modèle 3). Enfin, nous avons recherché différents types d’effets (effets linéaires moyens, effets d’interaction avec le score initial, formes quadratiques en U ou U inversé afin de déceler d’éventuels effets de seuils et effets paliers) pour chacune de nos variables didactiques. Pour l’étude d’effets paliers, nous avons catégorisé les pratiques de classe selon trois découpages : en fonction des frontières constituées par + 1 ou - 1 écart-type, en fonction des tiers (3 catégories de classes en nombre équitable) et des quartiles (4 catégories de classes en nombre équitable). Selon les résultats des modèles, nous avons précisé les frontières par tâtonnements successifs. Les analyses statistiques ont d’abord porté sur l’ensemble des élèves, puis sur trois groupes constitués selon les niveaux de performance initiaux. Les élèves initialement faibles qui obtenaient des scores inférieurs ou égaux à - ½ écart-type au début du cours préparatoire ; les

37 élèves initialement forts qui obtenaient des scores supérieurs ou égaux à + ½ écart-type ; les élèves aux scores intermédiaires compris entre - ½ et + ½ écart-type. Dans tous les cas, les 131 classes étaient représentées.

Lorsque les résultats des analyses statistiques présentaient une p-value inférieure à 0.05, nous avons considéré que les variables didactiques testées influençaient significativement les performances des élèves dans le domaine d’apprentissage ciblé. Lorsque la p-value était comprise entre 0.05 et 0.10, nous n’avons plus parlé d’influence significative mais de tendance.

3.2. L’autonomie de déchiffrage offerte par les planifications de l’étude du