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Chapitre 4 Le rôle de l’encodage dans la maitrise du code alphabétique

5. Questions de recherche

7.4. Comparaison du temps d’enseignement de l’encodage et du décodage

résolution publique de tâches de décodage diminuent nettement, celles d’enseignement de l’encodage augmentent légèrement. À la fin de l’année scolaire, les temps d’encodage et de décodage sont alors quasiment à l’équilibre.

Figure 18. Durées moyennes hebdomadaires de décodage et d’encodage exprimées en minutes

Dans les différentes catégories de tâches de la typologie, le décodage se répartit entre la phonographie, dont il occupe la majeure partie du temps et la lecture, dont il représente une faible proportion (cf. tableau ci-dessous). L’encodage, quant à lui, correspond à un peu plus d’un tiers du temps d’écriture. En moyenne, et sur l’ensemble de l’année de cours préparatoire, le temps d’enseignement consacré au décodage (72 minutes) est supérieur à celui consacré à l’encodage (54 minutes).

82,8 73 59,2 51.5 52.3 57.3 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 s47 s12 s21 Décodage Encodage

178 Temps hebdomadaire moyen en minutes Proportion de temps établie en fonction du lire-écrire (en %) Phonographie 80,9 18,3 dont décodage (pg4, pg5) 53,7 12,2 Lecture 101,8 23 dont décodage (l3) 18 4,1 Étude de la langue 38 8,6 Écriture 142,6 32,3 dont encodage

(e4, e5-S, e5-M, e6-L, e6-S, e7) 53,7 12,2

Compréhension 68,4 15,5

Autres 10,2 2,3

Tableau 47. Temps hebdomadaire moyen par catégories de tâches et proportions de durées établies par rapport à la durée totale d’enseignement de la lecture et de l’écriture. Le décodage représente environ 16 % du temps total de lecture et d’écriture (cf. tableau 45, § 7.3.2.), l’encodage environ 12 % (cf. tableau 33, § 7.1.1.).

Figure 19. Répartition des tâches d’encodage et de décodage dans l’ensemble des tâches de lecture et d’écriture (valeurs moyennes exprimées en minutes hebdomadaires)

34.5 19.2 17.9 22.4 0.7 5.2 0.2 0.0 25.1 316.4

Étudier les correspondances entre phonèmes et graphèmes Étudier la combinatoire ou travailler sur les syllabes Déchiffrer un mot

Écrire sous la dictée

Produire des syllabes en combinant des unités linguistiques déjà imprimées Produire des mots en combinant des unités linguistiques déjà imprimées Produire en dictant des lettres à autrui

Produire en dictant des syllabes à autrui Produire en encodant soi-même

179 Les élèves consacrent donc un peu plus d’un quart de leur temps de lecture et d’écriture à résoudre des tâches qui relèvent de ces deux ensembles, comme nous pouvons le constater visuellement sur la figure 19. Cette proportion parait assez faible pour un niveau de scolarité dans lequel l’enseignement du code tient une place essentielle.

Parmi les tâches qui concourent à l’apprentissage du code, celles qui portent sur l’étude des correspondances entre les phonèmes et les graphèmes (pg4) sont davantage proposées que les autres. Viennent ensuite les tâches d’encodage autonome (e7) et d’écriture sous la dictée (e4), qui précèdent celles d’étude de la combinatoire (pg5) et de déchiffrage de mots (l3). L’analyse d’enregistrements vidéo permettrait de mieux comprendre comment les enseignants mobilisent ces tâches et les articulent avec d’autres tâches de la typologie. Nous y reviendrons dans le chapitre 5 lorsque nous étudierons les séances filmées de lectures collectives de textes.

8. Discussion

Au début de ce chapitre, nous avons énoncé plusieurs arguments en faveur d’un enseignement précoce et régulier de l’encodage. Nous avons rappelé l’intérêt des élèves pour le système orthographique français dès lors qu’ils sont confrontés à l’écrit. Nous avons également rappelé les liens qui unissent la lecture et l’orthographe, et la place croissante des processus orthographiques au fur et à mesure que se développent les compétences de lecteur. Cette réflexion nous a conduit à formuler l’hypothèse selon laquelle, pendant l’année de cours préparatoire, le temps d’enseignement de l’encodage aurait une influence sur les apprentissages des élèves. Nous nous sommes alors intéressé à deux principales questions de recherche. L’une concerne les effets de l’encodage sur les performances des élèves en décodage et en orthographe, l’autre porte sur les apprentissages que l’encodage suscite selon la nature des tâches prescrites et les différents publics d’élèves.

Afin de répondre à ces questions, nous avons testé les effets des durées d’enseignement de l’encodage sur les performances des élèves en décodage et en orthographe. Il s’avère que le temps passé à encoder exerce des effets positifs et significatifs dans ces deux domaines. En orthographe cependant, l’effet est plus net sur les performances des élèves initialement intermédiaires et forts que sur celles des élèves initialement faibles.

Nous nous sommes ensuite intéressé aux effets des temps d’enseignement des deux tâches les plus représentatives de l’encodage, celle pour laquelle c’est l’enseignant qui décide des

180 unités à produire (e4) et celle pour laquelle les élèves choisissent eux-mêmes ce qu’ils encodent (e7).

Le temps passé à écrire sous la dictée (e4) influence significativement les performances des élèves en décodage, notamment celles des élèves qui obtiennent des résultats faibles ou intermédiaires à l’entrée du cours préparatoire. Cette influence croît jusqu’à une durée optimale de 39 minutes par semaine. Nous n’avons pas identifié d’effet sur le groupe d’élèves initialement forts quand nous l’avons considéré isolément. Par ailleurs, seuls les élèves de niveau intermédiaire tirent profit de l’élévation du temps d’écriture sous la dictée pour l’apprentissage de l’orthographe.

Le temps d’encodage autonome influence lui aussi les performances des élèves en décodage jusqu’à une durée optimale d’environ 33 minutes par semaine, les effets variant légèrement selon le niveau initial des élèves. En orthographe, nous avons relevé une influence significative et positive de l’encodage autonome sur les élèves pris dans leur ensemble, cette influence étant d’autant plus positive que les élèves sont forts en écriture à l’entrée du cours préparatoire.

Nous savons à présent que le temps passé à encoder produit des effets significatifs et positifs sur les performances des élèves en décodage et en orthographe. Nous savons aussi que les tâches prescrites, selon leur nature, n’induisent pas les mêmes effets sur les différents publics d’élèves. Le temps d’écriture sous la dictée, par exemple, bénéficie davantage à ceux qui sont initialement faibles en code ou à ceux qui possèdent un niveau intermédiaire qu’à ceux qui sont initialement forts, et il influence seulement les élèves de niveau intermédiaire en orthographe. Autrement dit, les élèves initialement forts ne tirent pas profit de l’encodage lorsque l’enseignant décide des unités linguistiques à produire. En revanche, les élèves initialement faibles apprennent à mieux décoder et les élèves de niveau intermédiaire à mieux décoder et à mieux encoder. Si ces derniers bénéficient en encodage des durées d’écriture sous la dictée, c’est probablement qu’ils sont prêts à se confronter à la moindre consistance de l’orthographe dans le sens phonie > graphie. Pour eux, la résolution des tâches de type « e4 » induirait non seulement une meilleure connaissance des correspondances graphèmes-phonèmes mais également la mémorisation de séquences orthographiques et de marques morphologiques prêtes à être réinvesties. En d’autres termes, elle les conduirait à une meilleure maitrise des règles qui régissent le système orthographique français. En ne restreignant pas le champ des possibles, l’encodage autonome est profitable aux élèves

181 initialement forts et leur permet de mieux réussir à la fois dans le domaine du décodage et dans celui de l’orthographe. Il est très probable que ceux-ci mobilisent indifféremment les connaissances orthographiques ainsi développées dans les situations de lecture (en réception) et dans celles d’écriture (en production).

9. Conclusion

Nous avons souhaité évaluer l’influence du temps d’enseignement de l’encodage sur les apprentissages des élèves. Nous nous sommes donc intéressé aux durées que les enseignants de l’étude Lire et Écrire consacrent à la résolution de ce type de tâche. Nos résultats confirment le bien-fondé des études descriptives de langue française qui font de l’encodage une variable didactique contribuant au développement des compétences des élèves en décodage et en orthographe. En outre, nous avons identifié des valeurs optimales de durées hebdomadaires d’écriture sous la dictée et d’encodage autonome selon le niveau initial des élèves qui peuvent servir de repères aux enseignants.

Le grain d’analyse que nous avons choisi afin d’établir des inférences ne nous permet de décrire ni les modalités de mise en œuvre des tâches d’encodage ni les interactions didactiques des acteurs en présence. D’autres investigations seraient donc à conduire qui permettraient de discuter les résultats d’études antérieures sur des sujets tels que l’usage des écritures provisoires, les pratiques d’écriture fondées sur une approche culturelle de l’écrit, ou le statut et le traitement de l’erreur.

Nous laissons donc en suspens un certain nombre de questions qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. En situation d’écriture sous la dictée, les enseignants de cours préparatoire s’appuient-ils ou non sur les erreurs produites pour rendre explicites les règles qui régissent le système orthographique français, présentent-ils les formes normées des unités linguistiques dictées ou se servent-ils des productions de leurs élèves simplement pour évaluer leur niveau de connaissance ? En situation d’écriture autonome, demandent-ils aux élèves de produire d’emblée la bonne orthographe en s’appuyant sur des textes de référence ou privilégient-ils des écritures provisoires avec un traitement différé des erreurs ?