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La seconde révolution humaniste :

Dans le document Québec athée (Page 131-140)

harmonieux et plus juste

3.2. La seconde révolution humaniste :

l’écohumanisme

L’humanisme ne peut plus se contenter de la pensée de la Renaissance. La situation a trop changé. Pico della Mirandola (1463-1494) a bien voulu placer l’homme au centre de l’Univers, mais il faut bien reconnaître qu’il a vu trop « grand ». L’homme n’est pas l’ange qu’il a naguère pu croire qu’il était, et la planète Terre a clairement démontré qu’elle n’existe pas pour la satisfaction des besoins immédiats de l’homme. L’homme est indubitablement en train de détruire la planète. Objectivement, il est notre ennemi. Il est intergénération- nellement misanthrope et suicidaire.

La terre est infestée d’êtres humains (infiniment plus néfastes que des requins). (Hubert Reeves, humaniste québécois)

Cet humain, il faut maintenant cesser de le glorifier, et il faut lui mettre la bride. De l’humanisme vaniteux qui déifiait l’homme, qui mettait la religion sur sa tête, il faut maintenant passer à une appréciation solennelle de la vie, à un écohumanisme. L’homme fait partie d’une écomatrice et il n’en est pas le maître. Il doit cesser de se considérer comme le premier bénéficiaire des fruits de la nature. L’homme doit maintenant se contenir, réduire sa consommation, accepter de vivre simplement, selon les règles de la durabilité écologique, avec tous les sacrifices que cela comporte. Aucun aspect de notre mode de vie ne pourra échapper à cet impératif. Nous ne pouvons plus nous laisser remorquer par les organisations écologistes militantes. Il faut mobiliser notre cœur et notre imagination, bien plus que notre raison et nos techniques tant adulées par les humanistes d’antan. Il ne faut plus laisser les entreprises dicter le programme politique et nos mœurs économiques. Il faut renverser cette logique globale et mondiale de l’exploitation qui nous mène à notre perte. Il faut démocratiser l’espace public. Il faut sonner l’alarme et larguer définitivement toute morale basée sur la charité réciproque et directe. Les rituels religieux et pseudo-religieux

ne nous seront d’aucun secours. Le cercle est brisé. Notre situation est en spirale. Il faut faire abstraction du présent et du futur immédiat. Il faut que nous commencions à nous penser comme civilisation. Il nous faut instaurer la deuxième grande révolution humaniste, l’écohumanisme (lire à cet effet l’excellent texte de Henry Beissel, jadis citoyen québé- cois : « The Second Humanist Revolution : Eco-humanism », Humanist Perspectives, vol. 157, 2006).

Quelle est l’ampleur du problème écologique ? Les nappes phréatiques du monde entier sont en voie de disparition à cause de l’exploitation de l’eau par les humains (surtout pour l’agriculture mal planifiée opérant selon une politique de compétitivité mondiale sur un marché libre et donc, bien entendu, sauvage). Et nous en mourrons tous de soif. La couche d’ozone est en voie de disparition et nous en serons tous cancéreux. Le désert gagne constamment et rapide- ment du terrain sur chacun des continents. Nous ne pourrons bientôt plus cultiver quoi que ce soit. La mer contient de moins en moins de nutriments comestibles par l’homme. Nous ne pourrons bientôt plus pêcher quoi que ce soit. La planète se réchauffe et nous en rôtirons. La pollution envahit les airs, la terre et les eaux, partout dans le monde. Nous ne pourrons plus respirer, marcher, nager. Les espèces animales et végétales disparaissent à un rythme effarant, mais nous ne serons pas les derniers à disparaître. Il y a de plus en plus d’armes, dont chimiques et nucléaires, qui peuvent compromettre l’avenir de l’humanité en une apothéose de champignons nucléaires, avec quelques nuages chimio et biotoxiques, pour faire bonne mesure. La population mondiale ne cesse de croître, menant à des entassements malsains de plus en plus susceptibles d’engendrer des pandémies, des pénuries et des guerres. Les correctifs présentement apportés par les États et les particu- liers n’infléchissent aucunement la courbe globale de dégéné- rescence aiguë de la planète. Bref, à défaut d’une révolution planétaire dans nos mœurs, à l’échelle individuelle et collec- tive, nous sommes complètement cuits.

L’attitude des faibles de cœur est le pessimisme et le déses- poir :

Quelles que soient les convictions et les inquiétudes que nous affichons, nous sommes tous complices de l’infamie dans la mesure où nos comportements restent ceux de surconsommateurs paisibles. (Paul Chamberland, poète et essayiste québécois, dans son livre En nouvelle barbarie)

Celle des nouveaux humanistes est militante et optimiste :

Ce que peut encore la culture, et elle seule le peut, grâce à des exercices appropriés, rigoureusement éprouvés, c’est de proposer de nombreuses et diverses figures tout à la fois intelligibles, savoureuses et sauves de complaisance qui contribuent, chez des contemporains, à désentraver la perception de la fragilité de notre condition, seul incontestable critère quant à la prise en considération et en charge de notre commune humanité. (Paul Chamberland, En nouvelle barbarie)

Pour la plupart d’entre nous, lorsque nous réfléchissons ou discutons de l’avenir de l’humanité, comme Chamberland cité juste au-dessus, nous oscillons entre espoir et désespoir et nous nous replions dans notre vie intime pour essayer de ne pas devenir fous.

Il y a deux niveaux d’action, individuel et collectif. L’action écohumaniste individuelle consiste à vivre et à agir selon les préceptes d’une écologie durable. Plusieurs ont déjà abandonné la voiture, n’achètent que des vêtements moins écologiquement nocifs, privilégiant des fibres comme le chanvre plutôt que les fibres artificielles (produits dérivés du pétrole) ou celles du coton (aquavore), plusieurs achètent des produits locaux (évitant la pollution par les transports), des aliments entiers (réduisant l’industrialisation et ses effets pollueurs), ont cessé de gaspiller l’eau (abandon de

l’arrosage de pelouses, installation de toilettes sèches, etc.), s’en tiennent au commerce équitable autant que possible, évitent de produire des déchets et recyclent ce qui reste, sont végétariens (la viande n’est pas un aliment écologiquement viable), etc. Ces comportements individuels sont d’une importance capitale : ils créent une mouvance, ils sensibilisent les communautés, ils multiplient les foyers de créativité éthique, ils imposent l’exemple aux politiciens, les incitant à commencer à envisager de se faire élire grâce à une pla- teforme basée sur la déconsommation (à ce jour, aucun n’a proposé une telle option, où que ce soit dans le monde).

L’action collective est encore plus importante, car la majorité des citoyens adopterait tous les comportements exemplaires mentionnés ci-haut la terre serait quand même complètement brisée. Il faut des protocoles de Kyoto à la puissance dix, et dans toutes les sphères de l’atteinte à l’environnement (pas seulement celles du problème des gaz à effet de serre).

Tous ces problèmes relèvent de l’insatiable élan de consommation de l’être vivant, qui prend des dimensions catastrophiques avec l’intelligence humaine. Il ne suffira pas de nous sermonner nous-mêmes. Nous devrons combattre cet élan qui est maintenant hors de contrôle.

Il faut enseigner à l’école un programme d’écologie globale. Cela serait infiniment plus probant qu’un enseignement culturel des religions, comme celui que vient d’instituer le gouvernement du Québec. Les religions n’ont absolument rien à apporter pour la résolution des problèmes écologiques de la planète. Au contraire, elles nuisent, car elles sont inévitablement engoncées dans l’esprit de clan (à cause de leur incontournable contenu ethnique) et de la morale de réciprocité directe (morale suffisante il y a 2 000 ans). « Donnez à ceux qui ont faim » ; « Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent » ; « Donnez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » ; « Ne faites l’amour que pour faire des enfants et faites autant d’enfants que possible »,

sont des préceptes qui ne régleront en rien les problèmes de la dégénérescence forcée et accélérée de la planète.

Il y a peut-être un petit Jésus qui naît chaque jour sur la Terre et un autre qui meurt aussitôt dans la nuit, aux anti podes, pour pas faire de jaloux, pour pas que chaque peuple se pense le peuple élu et ponde une bible à tout bout de champ. (Sylvain Trudel, Du mercure sous la langue)

Il faut enlever le pouvoir à l’industrie et au commerce et le donner aux politiciens qui représentent le peuple. C’est un programme pour la gauche, la réappropriation de la démocratie par le peuple. Pour ce faire, il faudrait interdire tout financement, quel qu’il soit, des partis politiques, il faudrait aussi baisser les salaires des politiciens et resserrer les lois encadrant le lobbying politique des anciens politiciens. Tout reposerait sur le travail politique bénévole. Dans un tel contexte, les multinationales auraient beaucoup de difficulté à faire élire leurs pantins et les petits opportunistes véreux ne seraient pas attirés par la vie politique.

Prendre conscience de cette insertion des êtres humains dans cette odyssée cosmique (la militance écologique) donne un sens profond à l’existence. Après la disparition des idéologies sociales du XXe

siècle, cette nouvelle cause est susceptible d’engendrer de nouveaux dynamismes, en particulier chez les jeunes. Elle provoquera, espérons-le, une prise de conscience de notre identité de Terriens, bien au- delà des nationalismes, des racismes et des sexismes. La complexité et l’intelligence peuvent être viables. Cela dépend de nous ! (Hubert Reeves, humaniste québécois, dans son livre Mal de Terre)

Finalement, il faut impérativement mettre de l’ordre dans notre compréhension des problèmes environnementaux et des solutions à apporter. Le mouvement écologiste est complètement

dans le champ gauche. Il garde le silence sur le plus impor- tant problème environnemental, celui de la surpopulation humaine, et s’époumone à publiciser les plus petits, en préten- dant le contraire. Considérons l’exemple du très sympathique Hervé Kempf qui, dans son livre Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, propose que le coût des produits et services soit ajusté à leur impact écologique, que l’on baisse notre consommation dans les classes moyennes des pays riches, que l’on fixe un salaire maximum, que l’on rationne les ressources limitées (eau, énergie, aliments essentiels), que l’on réduise au minimum la publicité, que l’on impose la consommation locale, que l’on se débarrasse des banques à la faveur des coopé ratives. Tout cela est excellent. Mais avec cette liste, Kempf prétend régler le problème de l’écodestruction. Il prétend ainsi dépasser la solution capitaliste hypocrite et débile que représente le gadget technique à adop- ter sur une base volontaire : Kempf a raison d’écrire que l’hu- manité changerait toutes ses ampoules incandescentes pour des fluorescentes que nous ne disparaîtrions que quelques nanose- condes plus tard. Mais la liste de Kempf ne nous aménagera que quelques secondes de délai additionnel.

Le plus important problème de notre planète n’est pas là où le pense Kempf, c’est-à-dire dans les systèmes politiques, économiques, etc. Il est tout simplement dans le surpeuplement. Ce problème est résoluble. À preuve, le pays le plus peuplé du monde, la Chine, a une politique de régulation sociale des naissances. La Chine limite les naissances à un enfant par couple. Elle a aussi une politique avant-gardiste et humaniste d’adoption internationale. Ce faisant, la Chine fait plus pour l’environne- ment que le reste de l’humanité. Elle est le modèle à suivre par tous les pays qui ont un taux de natalité en croissance dépassant de loin leur capacité de soutenir la vie humaine de façon durable. Comme solution planétaire au problème de la dévastation de l’environnement, le mouvement écologiste n’arrive à accoucher que d’une souris, la dérisoire taxe sur le carbone.

Le premier problème environnemental, seul dans sa classe, est celui de la surpopulation mondiale.

« La surpopulation est le problème fondamental de l’avenir de l’humanité. » (Claude Lévi-Strauss, allocution à l’occasion du soixantième anniversaire de l’Organisation, Maison de l’UNESCO, 2005)

Au moment où s’écrivent ces lignes, nous sommes six milliards d’humains et en croissance rapide. Notre taux de natalité trop élevé assure la destruction irrémédiable de la vie humaine. Si nous laissons aux cataclysmes écologiques prévisibles la prérogative de réduire la population mondiale de façon brutale et douloureuse, il sera alors trop tard pour les humains qui resteront. Il n’y aura plus d’environ- nement vivable du tout. Il faut donc instituer un plan, à l’échelle mondiale, de réduction de la natalité humaine. Cette prise de position n’est pas celle de quelques brutes malthusiennes misan thropes. Au contraire, c’est la position la plus humaniste qui soit, celle consistant à veiller au bien- être des populations futures en faisant les sacrifices qui s’imposent maintenant. En 1992, Henry Kendall, ancien président du conseil d’administration de la Union of Concerned Scientists, a rédigé un rapport intitulé « World Scientists’ Warning to Humanity ». Cette organisation, l’UCS, comprenait alors quelque 1 700 des scientifiques les plus prestigieux de la planète, dont la majorité des Prix Nobel en sciences. Dans ce rapport, on retrouve les passages suivants :

Les pressions qui résultent de la croissance démogra- phique mondiale taxent la nature au-delà de tout effort que l’on puisse faire pour assurer la survie de l’humanité […]. Il ne reste que quelques décennies pour agir […]. Nous devons stabiliser la population. Cela ne sera possible que si toutes les nations reconnaissent qu’il faut améliorer les conditions sociales et économiques de la vie humaine et adopter une politique efficace de contrôle des naissances.

Il ne serait probablement pas réaliste d’espérer que chaque pays procède comme l’a fait la Chine pour maîtriser sa population. On se souvient aussi du dégoût qu’a inspiré la politique de stérilisation d’Indira Gandhi dans les années 70 en Inde : tout homme ayant deux enfants devait se faire stériliser. La façon civilisée et humaniste de procéder serait sans doute que les pays se rencontrent d’abord pour des séries de colloques mondiaux sur le problème de la surpopulation humaine. On constaterait alors rapidement que le problème vient de partout, sous différentes formes. Certains pays sous-développés ont des taux de natalité beaucoup trop élevés, tandis que certains pays riches ont aussi des taux de nata- lité trop élevés parce qu’ils sont presque tous en croissance démographique, mais surtout, parce qu’ils ont une empreinte carbone trop élevée, ils consomment trop, et détruisent beau- coup plus l’environnement par tête de pipe. Ensuite, il fau- drait inaugurer des négociations mondiales, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, sur une solution mondiale, juste et négociée, de la surpopulation humaine. On pourrait procéder par étapes courtes. Dans un premier temps, les pays pourraient s’entendre pour financer, selon la capacité de payer de chacun, un accès complet et gratuit à la contraception de l’ensemble des humains. Comme l’explique l’humaniste amé- ricaine Joni Baird, dans un texte récent (2009), des centaines de millions de femmes opteraient pour la contraception douce (condoms, stérilets, pilules contraceptives) de leur plein gré, et sans hésitation, si on leur en offrait seulement la possibilité.

Considérant qu’un milliard de personnes sont près de mourir de faim dans le monde, on pourrait invoquer le mantra « Soyez solvable avant de vous reproduire ».

En phase deux, si le besoin devait se faire sentir, on pourrait faire de même, toujours sur une base volontaire, pour les méthodes de contraception « permanentes » ( stérilisation, avortement). Si cela ne suffisait pas, on pourrait instaurer, à l’échelle de la planète, une taxe sur la natalité. Les pays

indisciplinés ne recevraient pas leur part d’une caisse inter- nationale mise de côté par les pays riches pour stimuler la régulation des naissances. Et finalement, que l’on arrête de stigmatiser les gouvernements qui adoptent des politiques plus contraignantes de contrôle des naissances. Il est sain pour un pays aux prises avec une surpopulation dévastatrice de régler son problème en accéléré, avant qu’il ne soit ruiné et que la vie y devienne insupportable pour tous.

Dans le document Québec athée (Page 131-140)