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L’origine du monde

Dans le document Québec athée (Page 56-59)

L’athée ne croit pas à la nécessité d’adopter une théorie de l’origine du monde au sens strict. Il en va de même pour la théorie de l’avenir. Il ne sent donc nul besoin d’entretenir quelque mythe de création ni de jugement dernier. Toutefois, rien ne l’empêche de projeter ses lumières sur ce qui peut être connu, et de spéculer intelligemment et raisonnablement, de rêver même, à ce que tout cela pourrait signifier. Il peut même s’amuser à poétiser ces choses et à proposer n’importe quoi à leur égard. Néanmoins, ce que l’athée ne s’autorise pas à faire, contrairement aux tenants des religions organisées, c’est d’imposer son point de vue aux autres.

Que sait-on donc de l’origine du monde ? Si peu. Ce que l’on sait se résume à quelques observations qui nous permettent d’extrapoler vers un passé très rapproché.

En effet, l’observation astronomique nous permet de constater que tous les objets célestes s’éloignent les uns des autres comme s’il y avait eu une immense explosion. En calculant l’ensemble des vélocités de ces corps, les astro nomes ramènent le point d’explosion à un vulgaire petit 15 mil- liards d’années dans le passé. La théorie veut que toute la matière de l’univers ait été concentrée dans un point des millions de milliards de fois plus petit qu’un atome, situé à un endroit qu’ils restent incapables de désigner. Ce modèle dit du « Big Bang » a généré nombre de prédictions non banales qui ont été vérifiées empiriquement. Par exemple, la théorie a prédit un rayonnement rougeâtre ( l’univers baigne dans un rayonnement fossile à 3° Kelvin, dû à la vitesse de déplacement des corps célestes). La théorie a aussi prédit un bruit de fond cosmique dû au fait que l’explosion initiale continuerait à produire des échos qui s’aligneraient sur les distances des corps célestes. La vitesse d’un objet dans le ciel se détermine en mesurant le décalage spectral de sa lumière : selon que cet objet vient vers nous ou s’éloigne de nous, sa lumière est de fréquence plus élevée (plus bleue) ou moins élevée (plus rouge). De la même façon, le sifflement du train qui vient vers nous est plus aigu (fréquence plus élevée) que le sifflement du train qui s’éloigne de nous (fréquence plus basse). Ces prédictions ont effectivement été vérifiées et le tout a fait en sorte que la théorie du Big Bang est devenue aussi bien implantée en astronomie que ne l’est la théorie darwinienne de l’évolution en sciences biologiques. Les astronomes s’accordent pour pouvoir se représenter ce point

de matière, à 10-43 seconde avant l’explosion, comme étant

très chaud (des milliards de milliards de degrés). À partir

de l’âge de 10-43 seconde, la théorie nous raconte l’histoire

de l’univers avec une précision stupéfiante. On infère avec confiance les principales étapes de la première seconde, lorsque la gravité se sépare des trois autres forces, lorsque la force forte se sépare de la force électrofaible, lorsque la force faible se sépare de la force électromagnétique, lorsqu’enfin,

vers l’âge d’un millionième de seconde, les quarks fusionnent en protons et neutrons. L’étape suivante dure environ trois minutes, au cours desquelles se créent la plupart des noyaux de la matière actuelle de l’univers. Il se crée une soupe de noyaux dont la recette comporte neuf mesures d’hydrogène pour une mesure d’hélium-4, et pour l’arôme seulement, une pincée de deutérium, le gros frère de l’hydrogène, celui qui entre dans la recette de l’eau lourde ; et enfin un soupçon d’hélium-3 et de lithium-7. Ensuite, il a fallu des millions d’années pour que protons et électrons s’unissent en atomes d’hydrogène, qu’ils s’assemblent en étoiles, pour voir naître enfin ces atomes plus lourds.

Il est commun de voir les gens interpréter le Big Bang comme l’origine du monde. Même le pape Pie XII s’est adonné à cet exercice futile et puéril en 1951. Pourtant, les astronomes n’arrêtent pas de répéter qu’ils n’ont aucune idée de ce qui a pu exister avant le Big Bang, avant le point de surchauffe.

En réalité, ce que la science nous apprend sur le passé lointain est totalement incompatible avec les comptes rendus révélés des grandes religions existantes (christianisme, islam, bouddhisme, hindouisme, judaïsme, etc.). Pour ne mentionner que le mythe chrétien voulant que le monde eût été créé de toutes pièces il y a 10 000 ans, eh bien, la science dit à cela : balivernes !

La majorité des scientifiques croit sûrement que la position appropriée pour la communauté scientifique à l’égard de l’origine du monde est l’agnosticisme plutôt que l’athéisme. Cette opinion est articulée au Québec par le biologiste athée Cyrille Barrette (voir le numéro six de Cité laïque : Revue humaniste du Mouvement laïque québécois). Pourtant, la science réfute directement et carrément les comptes rendus théistes les plus courants (voir à cet effet le traité de l’astronome Victor J. Stenger, God : the Failed Hypothesis (How Science Shows that God Does not Exist), 2007). Par ailleurs, en ce qui concerne un quelconque concept de l’origine absolue de l’univers, la science est encore

éclairante : d’abord, rien dans la science ne laisse croire à une origine « absolue ». Bien au contraire, la science nous indique que tout est, et a toujours été, en flux. La science est aussi, et grand bien lui fasse, un filtre à niaiseries. La science est davantage athée qu’agnostique, en principe et dans les faits. En principe parce que les arguments rationnels basés sur les faits contre l’existence de dieux tels que révélés dans les textes dits sacrés comme Bible, Coran, Talmud, etc., répon- dent aux critères de scientificité. Et dans les faits parce que les chercheurs scientifiques de haut niveau sont très majori- tairement athées partout dans le monde. Là, et là seul, où on pourrait défendre une position agnostique pour la science est en matière de déisme : des croyances du genre « je crois qu’il existe quelque chose, je ne sais pas quoi, d’immatériel, qui est à l’origine du monde » ou « je crois que quelque chose de moi, je ne sais pas quoi, va survivre je ne sais où ni comment après ma mort ». La science ne peut rien dire sur ce genre d’énoncé, car il ne porte sur aucune réalité empiriquement vérifiable.

Les mondes propres et sans dessein Tissés à l’aveuglette

Ni vus, ni connus, ni dérangés par l’esprit Jusqu’à ce qu’une molécule en expansion De construction étrange

N’apprenne le péché originel De la reproduction.

(Frank Scott, poète québécois, Selected Poems)

Dans le document Québec athée (Page 56-59)