1.4.1 Quelques foncteurs repr´ esentables sur la cat´ egorie des sch´ emas
Dans ce sous-paragraphe, on fixe S un sch´ema et on d´esigne par SchS la cat´egorie des S-sch´emas.
On rappelle qu’un foncteur F : SchopS →Ensest repr´esentable si et seulement s’il existe un S-sch´ema X et un isomorphisme naturel de F vers Hom(−, X). D’apr`es le th´eor`eme de Yoneda, siG:SchopS →Ensest un autre foncteur, alors il y a une bijectionαG de Hom(F, G)
`
aG(X), o`u Hom(F, G) est l’ensemble des transformations naturelles deF `aG. En particulier Hom(F, F) = Hom(X, X) est en bijection avecF(X). L’´el´ement dans F(X) correspondant `a IdX est appel´e l’´el´ement universel. Si G: SchopS → Ensest un foncteur et sif : F →Gest une transformation naturelle, alors αG envoie f en l’image de l’´el´ement universel dans G(X) parf.
On rappelle les d´efinitions de quelques foncteurs repr´esentables dans la suite de ce sous-paragraphe (sans d´emonstration). La r´ef´erence est [50] chap. I,§9.
Fibr´es vectoriels sur un sch´ema
SoitE unOS-module quasi-coh´erent, le foncteur SchopS −→ Ens (ϕ:X →S) 7−→ HomOX(ϕ∗E,OX)
est repr´esentable par le S-sch´ema V(E) = Spec(Sym(E)) qui est affine sur S, appel´e le fibr´e vectoriel sur S d´efini par E, o`u Sym(E) est la OS-alg`ebre sym´etrique engendr´ee par E. Si π : V(E) → S est le morphisme canonique, on d´esigne par suniv : π∗E → OV(E) l’´el´ement universel. On pourrait le consid´erer comme une section de (π∗E)∨ sur V(E), et on l’appelle aussi lasection universelle.
On suppose que E soit un OS-module localement libre de rang fini. Si f : X → S est un sch´ema sur S, toutS-morphisme de sch´emas ϕ:X →V(E) correspond `a une section de f∗(E∨) surX qui n’est rien d’autre queϕ∗(suniv).
Si F est un OS-module quasi-coh´erent et siE est un OS-module localement libre de rang fini, on d´efinitHom(F, E) comme le sch´emaV(E∨⊗ F). Il repr´esente le foncteur
(ϕ:X →S)7−→HomOX(ϕ∗F, ϕ∗E).
En particulier,Hom(E, E) est not´eEnd(E). On d´esigne parGL(E) le sous-sch´ema ouvert de End(E) qui repr´esente le sous-foncteur
(ϕ:X →S)7−→AutOX(ϕ∗E).
Ce foncteur se rel`eve, par d´efinition mˆeme, en un foncteur `a valeurs dans la cat´egorie des groupes. En cons´equence,GL(E) est unS-sch´ema en groupes, appel´e legroupe lin´eaire g´en´eral relativement `a E. On a une action deGL(E) `a gauche sur V(E∨) qui associe pour tout mor-phismeϕ:X →S `a chaque couple
(f, u)∈AutOX(ϕ∗E)×Γ(X, ϕ∗E) l’´el´ementf(u)∈Γ(X, ϕ∗E).
Si Gest un S-sch´ema en groupes, on appelle unerepr´esentationde GdansE tout homo-morphisme deS-sch´ema en groupes deGversGL(E). On a alors une action deGsur V(E∨) induit par celle deGL(E).
Grassmanniennes
Si E est unOS-module quasi-coh´erent, le foncteur grassn(E) : SchopS −→ Ens
(ϕ:X →S) 7−→ {quotients localement libres de rangndeϕ∗E}
est repr´esent´e par un S-sch´ema Grassn(E), appel´e la grassmannienne d’indice n de E. En particulier sin= 1,Grass1(E) est appel´e lefibr´e projectifdeE, not´eP(E). Le sch´emaGrassn(E) est s´epar´e sur S. Si E est unOS-module de type fini (resp. de pr´esentation finie), Grassn(E) est un S-sch´ema de type fini (resp. de pr´esentation finie). Tout homomorphisme surjectif de OS-modules quasi-coh´erentsg:E → E0 induit une immersion ferm´ee
Grassn(g) :Grassn(E0)−→Grassn(E).
Soitπ:Grassn(E)→Sle morphisme canonique. L’´el´ement universel du foncteur grassn(E) est un quotient de rang ndeπ∗E, appel´e lemodule universel. Soit ϕ:X →S un morphisme de sch´ema. Tout S-morphismef deX versGrassn(E) correspond par le th´eor`eme de Yoneda
`
a un ´epimorphisme deϕ∗E versf∗Funiv, o`uFuniv est un module universel surGrassn(E).
Si E est un OS-module quasi-coh´erent et si f :E →F est un ´epimorphisme, o`u F est un OS-module localement libre de rangn, on a un ´epimorphisme
Λnf : ΛnE −→ΛnF
de OS-modules. Cette construction est fonctorielle au sens suivant : si ϕ : T → S est un morphisme de sch´emas, alors Λnϕ∗E=ϕ∗(ΛnE), Λnϕ∗F =ϕ∗(ΛnF), et Λn(ϕ∗f) =ϕ∗(Λnf).
On obtient ainsi une transformation naturelle de grassn(E) vers grass1(ΛnE) qui induit un morphisme de sch´emas$E :Grassn(E)→P(ΛnE), appel´e lemorphisme de Pl¨ucker. En fait, le morphisme de Pl¨ucker est une immersion ferm´ee. Par cons´equent, si E est un OS-module de type fini,Grassn(E) est unS-sch´ema projectif sur S (cf. [45] II.5.5.2).
Sch´emas de drapeaux
Soient E unOS-module quasi-coh´erent etm= (mi)1≤i≤p une suite strictement croissante d’entiers positifs ou nuls. On appelledrapeau de typem deE toute suite (Ei)1≤i≤p telle que 1) pour tout entier 1≤i≤p,Ei soit un quotient localement libre de rangmi deE;
2) pour tout entier 1≤i < p, la projection canonique deE versEi se factorise par Ei+1 (de fa¸con unique puisque l’homomorphisme canoniqueE →Ei+1 est un ´epimorphisme).
Siϕ:X →S est un morphisme de sch´ema et siD = (Ei)1≤i≤p est un drapeau de typem de E, alorsϕ∗Ddef= (ϕ∗Ei)1≤i≤p est un drapeau de typemde ϕ∗E, appel´e l’image r´eciproque de D parϕ.
On d´esigne par Drapm(E) l’ensemble des drapeaux de typemduOS-module quasi-coh´erent E. Le foncteur
drapm(E) : SchopS −→ Ens (ϕ:X→S) 7−→ Drapm(ϕ∗E)
est repr´esent´e par unS-sch´ema, not´eDrapm(E), appel´e lesch´ema de drapeauxde typemdeE.
On a une transformation naturelle canonique de drapm(E) vers
p
Y
i=1
grassmi(E) qui induit une immersion ferm´ee
imE :Drapm(E)−→Y
m∈mS
Grassm(E). (1.5)
Par cons´equent, siE est un OS-module quasi-coh´erent et de type fini, alors Drapm(E) est un S-sch´ema projectif (cf. [45] II.5.5.5).
Si π :E → E0 est un ´epimorphisme deOS-modules quasi-coh´erents, alors on a une trans-formation naturelle canonique de drapm(E0) vers drapm(E) qui induit une immersion ferm´ee
Drapm(π) :Drapm(E0)−→Drapm(E).
Sim0est une sous-suite dem, on a une transformation naturelle de drapm(E) vers drapm0(E) qui associe pour tout morphisme de sch´emas ϕ : X → S `a tout drapeau (Ei)1≤i≤p de ϕ∗E la sous-suite de (Ei)1≤i≤p des quotients correspondant aux indices dans m. Cela induit un morphisme de sch´emas
pm,mE 0 :Drapm(E)−→Drapm0(E), appel´e le morphisme de restriction. Si on d´esigne par
πEm,m0 :Y
m∈mS
Grassm(E)−→ Y
S m0∈m0
Grassm0(E) la projection canonique, on a
πEm,m0◦imE =imE0◦pm,mE 0.
Si on d´esigne par π le morphisme canonique de Drapm(E) vers S. L’´el´ement universel du foncteur repr´esentable drapm(E) est alors un drapeau de typem de π∗E, not´e Duniv. Si ϕ : X → S est un morphisme de sch´emas, alors tout S-morphisme f de X vers Drapm(E) correspond par le th´eor`eme de Yoneda au drapeauf∗Duniv.
Si ϕ:X→S est un morphisme de sch´emas et siσ est un automorphisme deϕ∗E, alors σ induit une application de l’ensemble Drapm(ϕ∗E) vers lui-mˆeme. On obtient ainsi une action de Aut(ϕ∗E) sur Drapm(ϕ∗E). Cette action est fonctorielle par rapport `a ϕ. On a donc une action du sch´ema en groupesGL(E) surDrapm(E).
1.4.2 Faisceaux inversibles sur les sch´ emas de drapeaux
Soient S un sch´ema,E est unOS-module localement libre de rang fini. Si on d´esigne par π : P(E) → S le morphisme canonique, alors M
n≥0
π∗O(n) s’identifie `a l’alg`ebre sym´etrique Sym(E) deE. De plus, E7−→Sym(E) est un foncteur de la cat´egorie des OS-modules quasi-coh´erents vers la cat´egorie des OS-alg`ebres quasi-coh´erentes. Le S-sch´ema P(E) peut ˆetre consid´er´e comme le sch´ema des drapeaux de type (1) deE. Il est donc naturel de proposer les autres liens entre des foncteurs de la cat´egorie desOS-modules quasi-coh´erents vers la cat´egorie desOS-alg`ebres quasi-coh´erentes et des images directes de certaines alg`ebres sur des sch´emas de drapeaux. En effet, dans [87] et [88], Towber a d´efini l’alg`ebre des formesd’unR-module E, o`uR est un anneau commutatif unif`ere. Il a expliqu´e que c’est un foncteur de la cat´egorie desR-modules vers celle desR-alg`ebres. D’autre part, ce foncteur commute aux localisations, donc induit un foncteur deOS-modules versOS-alg`ebres. Enfin, siR est un corps et siE est de type fini, alors cette “alg`ebre des formes” est en fait l’alg`ebre des coordonn´ees de la vari´et´e des drapeaux complets de E. On r´esumera dans ce sous-paragraphe les r´esultats de Towber.
Le livre de Fulton et de Harris [33] (Lecture 6) est aussi une bonne r´ef´erence.
Sym´etrie de Young et alg`ebre des formes
SoientRun anneau etE unR-module. On d´esigne par Λ+
REl’alg`ebre commutative unif`ere (dont l’op´erateur de la multiplication est not´ee ∗) sur R librement engendr´ee par Λ+RE = M
n≥1
ΛnRE, modulo la relation suivante (appel´ee la sym´etrie de Young) :
pour tous entiers p ≥ q ≥ r > 0, si (x1,· · ·, xp) et (y1,· · · , yq) sont deux collections d’´el´ements dansE, alors
(x1∧ · · · ∧xp)∗(y1∧ · · · ∧yq)
= X
1≤i1<···<ir≤q
(x1∧ · · · ∧xi1−1∧y1∧xi1+1∧ · · · ∧xir−1∧ · · · ∧yr∧xir+1∧ · · · ∧xp)
∗(xi1∧ · · · ∧xir∧yr+1∧ · · · ∧yq).
L’alg`ebre Λ+RE est appel´ee l’alg`ebre des formes de E. Le module Λ+RE est la somme di-recte desR-modules ΛnRE (n∈Z>0), on a naturellement une N⊕Z>0-graduation sur l’alg`ebre R[Λ+RE], o`uN⊕Z>0 est le sous-ensemble deNZ>0 des suites nulles presque partout. Comme la sym´etrie de Young dans R[Λ+RE] est homog`enes pour cette graduation, l’alg`ebre des formes Λ+
RE est canoniquement munie d’une N⊕Z>0-graduation1. Si αest un ´el´ement dans N⊕N, on d´esigne par SαRE la composante d’indiceαde Λ+
RE. En particulier, si E est projectif de rang r, alors ΛnE = 0 pour tout n > r, on obtient donc une Nr graduation sur Λ+
RE. On a par exempleS(n,0,···R ,0)E=SnEet S(1,···R ,1)E= d´etE.
Comme les foncteurs de localisation sont exacts, et commutent aux produits sym´etriques et produits ext´erieurs, on obtient que pour tout α ∈ N⊕Z>0, le foncteur Sα commute aux localisations. Par cons´equent, si X est un sch´ema et si α∈ N⊕Z>0, alors on peut d´efinir un foncteurSαde la cat´egorie desOX-modules quasi-coh´erents dans elle-mˆeme.
Faisceaux inversibles sur les sch´emas de drapeaux
Soient S un sch´ema etE un OS-module localement libre de rang r. Soitm = (mi)1≤i≤n une suite strictement croissante d’entiers positifs. Dans ce sous-paragraphe on d´esigne par D le sch´ema des drapeaux de type mdeE. On d´esigne parπ:D→S le morphisme canonique.
Sur le sch´emaDon a un drapeau universel deπ∗E: π∗E= En+1
fn+1 //En
fn //En−1 //· · · f3 //E2
f2 //E1
f1 //0.
Pour tout entier 1≤i≤n+ 1, on d´esigne par Li le faisceau inversible Li = d´et (Kerfi). En combinant lesS-morphismes (1.5) et le produit fibr´e des morphismes de Pl¨ucker, on obtient une immersion ferm´eef de DdansP :=P(Λm1E)× · · · ×P(ΛmnE). Pour tout 1≤i≤n on notePi=P(ΛmiE) et gi:P →Pi lai`eme projection. Si (ai)1≤i≤n est une famille de nombres strictement positifs, alors le faisceau inversible (g1f)∗OP1(a1)⊗ · · · ⊗(gnf)∗OPn(an) est ample relativement `a π. D’autre part, on aL1 = (g1f)∗OP1(1) et pour tout entier 2≤i≤non a la relationLi= (gif)∗OPi(1)⊗(gi−1f)∗OPi−1(−1). Enfin, on aL1⊗L2⊗· · ·⊗Ln+1=π∗(d´et (E)).
Par cons´equent, si pour toute suite d’entiers a = (ai)1≤i≤n+1 on d´esigne par La le faisceau (L⊗a1 1⊗ · · · ⊗L⊗an+1n+1)∨, alorsLaest ample relativement `aπlorsqueaest une suite strictement croissante.
D’apr`es [27] III §4 n◦7, lorsque S est le spectre d’un corps, alors le groupe Pic(D) est librement engendr´e parL1,· · ·, Ln.
Images directes de faisceaux inversibles sur les sch´emas de drapeaux complets SoientX un sch´ema etE unOX-module de rang fini. On d´esigne parrle rang deE. Soit π:D→X le sch´ema des drapeaux complets (`a savoir, les drapeaux de type (1,· · ·, r)). Pour
1La graduation que l’on consid`ere ici est la mˆeme chose que celle dans [87] ou celle dans [33], mais le choix de l’ensemble des indices est diff´erent.
tout entier 1≤i≤ron d´esigne parPileX-sch´emaP(ΛiE). Soitf :D→P :=P1×X· · ·×XPr
qui est munie d’uneNr-graduation. L’image directe deA parπs’identifie `a l’alg`ebre des formes deE.