Harder-Narasimhan asymptotiques
6.2 Convergence des polygones de Harder-Narasimhan
6.2.1 Cas g´ eom´ etrique
Soient k un corps, C une courbe projective non-singuli`ere de genre g sur k, η le point g´en´erique de C et K le corps des fonctions rationnelles sur C. On d´esigne par Vec(C) la cat´egorie desOC-modules localement libres de rang fini surC. C’est une sous-cat´egorie exacte de la cat´egorieCoh(C) desOC-modules coh´erents. D’apr`es les arguments dans le chapitre 1, notamment la proposition 1.3.9 et la proposition 1.3.11, la cat´egorieVec(C) est une cat´egorie de Harder-Narasimhan. On d´esigne parF :Vec(C)→ VecK le foncteur qui envoie un OC -module localement libreEen sa fibre g´en´eriqueEK. On rappelle que dans le sous-paragraphe 4.3.1, on a d´emontr´e que le foncteur F induit un foncteur des cat´egories de filtrations (de longueur finie)Fe : Filgf(Vec(C))→Filgf(VecK). De plus, pour toutOC-module localement libre de rang finiE, le compos´e du foncteur de Harder-Narasimhan et du foncteurFedonne une filtration surEK dont le polygone associ´e co¨ıncide avec le polygone de Harder-Narasimhan de E. Dans toute la suite, si E est un OC-module localement libre de rang fini, on suppose que EK soit muni de la filtrationFe(HN(E)).
Proposition 6.2.1 Soit f : Z≥0 → R≥0 la fonction constante qui envoie tout n ∈ Z≥0 en a(C) + 1. Soit B=L
n≥0Bn une OC-alg`ebre gradu´ee quasi-coh´erente. On suppose que pour tout entiern≥0,Bn soit unOC-module localement libre de rang fini. AlorsB=BK est une K-alg`ebre gradu´eef-quasi-filtr´ee.
D´emonstration. On d´esigne parF les filtrations de Harder-Narasimahan sur lesBn. Comme Best uneOC-alg`ebre, pour tout entierr≥2 et tout (ni)1≤i≤r∈Zr≥0, on a un homomorphisme ϕdeBn1⊗ · · · ⊗Bnr versBN, o`uN =n1+· · ·+nr. Si (ti)1≤i≤r est une famille de nombres r´eels, l’homomorphismeϕinduit par restriction un homomorphismeψdeFt1Bn1⊗· · ·⊗FtrBnr
vers BN. Par d´efinition de la filtration de Harder-Narasimhan on obtient que si les FtiBni
sont non-nuls, on aµmin(FtiBni)≥ti pour touti. Compte tenu de la proposition 1.3.22, on a µmin(Ft1Bn1⊗ · · · ⊗ FtrBnr)≥t1+· · ·+tr−(r−1)(a(C) + 1).
D’apr`es la proposition 4.3.19, ψ est compatible aux filtrations de Harder-Narasimhan, donc ψ se factorise par Ft1+···+tr−(r−1)(a(C)+1)BN. Par cons´equent, B est une K-alg`ebre gradu´ee
quasi-filtr´ee. 2
Th´eor`eme 6.2.2 SoitB=L
n≥0Bn uneOC-alg`ebre gradu´ee quasi-coh´erente et de type fini.
On suppose v´erifi´ees les conditions suivantes :
i) pour tout entier n,Bn est unOC-module localement libre de rang fini ; ii) il existe une constanteC >0 telle queµmax(Bn)≤Cnpour tout entier n≥1.
iii) BK est un anneau int`egre etBn est non-nul pournsuffisamment grand ;
Pour tout entiern≥1, on d´esigne parPn le polygone de Harder-Narasimhan deBn. Alors la suite(Pn)n≥1 converge uniform´ement sur [0,1].
D´emonstration. Soitf la fonction constante surZ≥0 avec valeura(C) + 1. D’apr`es la propo-sition 6.2.1, on obtient queBK est une K-alg`ebre gradu´ee quasi-filtr´ee. Le th´eor`eme r´esulte
donc du corollaire 6.1.25. 2
Corollaire 6.2.3 Soientπ:X →Cun morphisme projectif et surjectif d’une vari´et´e alg´ebrique X vers CetLun OX-module inversible tel queLK soit ample. Pour tout entiern≥1 soitPn
le polygone de Harder-Narasimhan de π∗(L⊗n). Alors la suite de polygones (Pn)n≥1 converge uniform´ement.
6.2.2 Cas arithm´ etique
Raisonnement `a travers une alg`ebre gradu´ee quasi-filtr´ee
SoitKun corps de nombre, (Bn)n≥0une collection de fibr´es vectoriels hermitiens non-nuls sur SpecOK. On suppose queB =L
n≥0Bn,K soit muni d’une structure d’alg`ebre commuta-tiveZ≥0-gradu´ee surK. Pour toutn∈Z≥0on d´esigne parFla filtration de Harder-Narasimhan deBn. Cette filtration induit une filtration surBn :=Bn,K, not´ee encoreF. Pour tout ´el´ement n= (ni)1≤i≤r ∈ Nr on a un homomorphisme ϕn de Bn1⊗ · · · ⊗Bnr vers B|n| d´efini par la structure d’alg`ebre. Si (si)1≤i≤r est un ´el´ement dans Rr, on a
µbmin(Bn1,s1⊗ · · · ⊗Bnr,sr)≥
r
X
i=1
µbmin(Bni,si)−
r
X
i=1
log(rg(Bni,si))
≥
r
X
i=1
si−log(rg(Bni)) .
SiEest un sous-fibr´e vectoriel hermitien deB|n|tel queEK co¨ıncide avec l’image deBn1,s1⊗
· · · ⊗Bnr,sr dansB|n|, d’apr`es l’in´egalit´e de pentes, on a
µbmin(E)≥µbmin(Bn1,s1⊗ · · · ⊗Bnr,sr)−h(ϕn)
≥
r
X
i=1
si−log(rg(Bni))
−h(ϕn).
On suppose que g : Z≥0 →R≥0 soit une fonction telle que h(ϕn) ≤g(n1) +· · ·+g(nr).
Pour tout entier n ≥1 soit f(n) = g(n) + log(rg(Bn)). Alors B est une K-alg`ebre gradu´ee f-quasi-filtr´ee.
Th´eor`eme 6.2.4 On prend les notations comme ci-dessus. Pour tout entiern≥0on d´esigne parPn le polygone de Harder-Narasimhan deBn. On suppose que lim
n→+∞f(n)/n= 0et que la suite(µbmax(Bn)/n)n≥1 soit born´ee. Si B est une K-alg`ebre int`egre de type fini et si Bn 6= 0 pournsuffisamment grand, alors la suite de fonctions(Pn/n)n≥1 converge uniform´ement.
D´emonstration. D’apr`es la proposition 4.3.40, Pn s’identifie au polygone associ´e `a l’espace filtr´eBn. Le th´eor`eme r´esulte donc du th´eor`eme 6.1.20. 2
Corollaire 6.2.5 Soientπ:X →SpecOK un sch´ema de type fini et plat surSpecOK tel que XK soit propre, lisse surSpecK et ´equidimensionnelle de dimensiond. On fixe une mesure de probabilit´e surX(C). SoitL un fibr´e inversible hermitien surX tel queLK soit ample. Pour tout entierD≥0soientED leOK-module projectifπ∗(L⊗D), muni de la m´etrique L2 etPD le polygone de Harder-Narasimhan de ED. Alors la suite de polygones (PD/D)D≥1 converge uniform´ement vers une fonction concave sur[0,1].
D´emonstration. D’apr`es le corollaire 1.7.20, on a pour toutn= (ni)1≤i≤r∈Zr≥1, h(ϕn)≤g(n1) +· · ·+g(nr),
o`u g(n) = logC+dlogn+ log(rg(En)). Si on note
f(n) =g(n) + log(rg(En)) = logC+dlogn+ 2 log(rg(En)), on v´erifie facilement lim
n→+∞f(n)/n= 0 puisque rg(En) est polynomial par rapport `an. D’autre part, la suite (µbmax(π∗(L⊗n))/n)n≥1 est born´ee (elle a mˆeme une limite). Donc on est dans la situation du th´eor`eme 6.2.4. Par cons´equent, la suite de polygones (PD/D)D≥1 converge
uniform´ement vers une fonction concave sur [0,1]. 2
Corollaire 6.2.6 Avec les notations du corollaire 6.2.5, la suite
µ(πb ∗(L⊗D)) D
D≥1
admet une limite.
Remarque 6.2.7 Le corollaire 6.2.6 est une version inexplicite du th´eor`eme de Hilbert-Samuel arithm´etique dont la version explicite a ´et´e d´emontr´ee, sous diverses hypoth`eses par Gillet-Soul´e [38], Abbes-Bouche [1], Zhang [91], Randriambololona [79] et par Rumely-Lau-Varley [82] dans un cadre plus g´en´eral. La m´ethode de Rumely-Lau-Varley fait appel `a une base particuli`ere de l’alg`ebre gradu´ee consid´er´ee qui est similaire `a la m´ethode utilis´ee dans cette th`ese. Il n’est pas exclu qu’une version rafin´ee de leur m´ethode peut aussi conduire `a un th´eor`eme g´en´eral, sur la convergence des polygones de Harder-Narasimhan.
Variante pseudo-filtr´ee
Pour tout (m, n)∈N2 on d´esigne par ϕm,n :Bm⊗Bn → Bm+n l’homomorphisme cano-nique. Sisett sont deux nombres r´eels, (m, n)∈N2, d’apr`es [14], on a
bµmin(Bm,s⊗Bn,t)≥µbmin(Bm,s) +µbmin(Bn,t)−1
2log(rg(Bm,s) rg(Bn,t))−log|∆K| 2[K:Q]
≥s+t−1
2log(rg(Bm))−1
2log(rg(Bn))−log|∆K| 2[K:Q].
SiEest un sous-fibr´e vectoriel hermitien deBm+n tel queEK co¨ıncide avec l’image deBm,s⊗ Bn,t dansBm+n, d’apr`es l’in´egalit´e de pentes, on a
bµmin(E)≥bµmin(Bm,s⊗Bn,t)−h(ϕm,n)
≥s+t−1
2log(rg(Bm))−1
2log(rg(Bn))−log|∆K|
2[K:Q] −h(ϕm,n).
On suppose queg :Z>0 →R≥0 soit une fonction telle queh(ϕm,n)≤g(m) +g(n). Pour tout entiern≥1 soit
f(n) =g(n) +1
2log(rg(Bn)) +log|∆K| 4[K:Q]. AlorsB est uneK-alg`ebre gradu´eef-pseudo-filtr´ee.
Th´eor`eme 6.2.8 Pour tout entiern≥0on d´esigne parPn le polygone de Harder-Narasimhan deBn. On suppose que P
α≥0f(2α)/2α<+∞. SiB est uneK-alg`ebre int`egre de type fini et siBn 6= 0pourn suffisamment grand, alors la suite(Pn)n≥1 converge uniform´ement.