vectoriels et alg´ ebrisation II : cas arithm´ etique
4.2 R -filtrations d’un espace vectoriel
4.2.3 Mesure de probabilit´ e associ´ ee ` a une R -filtration
s<r
ϕ(Es)⊂ \
s<r
Fs=Fr.
2
4.2.3 Mesure de probabilit´ e associ´ ee ` a une R -filtration
Dans ce sous-paragraphe, K d´esigne un corps commutatif, toutes les filtrations sont sup-pos´ees ˆetre desR-filtrations d’un espace vectoriel de rang fini surK (donc de longueur finie).
Probabilit´e associ´ee `a une filtration pour une base
D´efinition 4.2.10 Soit E un espace vectoriel de rang 0 < n < +∞ sur K, muni d’une filtration s´epar´ee et exhaustiveF. Sie= (ei)1≤i≤n est une base de E, on d´efinit une mesure de probabilit´e sur (la tribu bor´elienne de)R
µF,e:= 1 n
n
X
i=1
δλ(ei),
appel´ee la probabilit´e associ´ee`a la filtrationF et `a la basee. S’il n’y a aucune ambigu¨ıt´e, on note aussiµe au lieu deµF,e pour simplifier les notations.
Remarque 4.2.11 Avec les notations dans la definition 4.2.10, la proposition 4.2.6 montre queµF,e=µFg,e.
D´efinition 4.2.12 Siµ1 etµ2sont deux mesures bor´eliennes born´ees surR, on dit queµ1est
`
a droite2 deµ2si pour toute fonction croissante born´eef on a Z
R
f dµ1≥ Z
R
f dµ2,
not´eµ1µ2. On dit queµ1 eststrictement `a droite deµ2siµ1µ2 maisµ26µ1. Si µ1est `a droite deµ2, on dit aussi queµ2est `a gauchedeµ1, not´eµ2µ1. Base maximale, mesure associ´ee `a une filtration
D´efinition 4.2.13 SoitEun espace vectoriel de rang fini surK, muni d’une filtration s´epar´ee et exhaustive F. On dit qu’une base e de E est maximale si pour toute basee0 de E on a µeµe0.
Proposition 4.2.14 SoitEun espace vectoriel de rang fini surK, muni d’une filtrationFqui est s´epar´ee, exhaustive et continue `a gauche. Alors une basee= (ei)1≤i≤n deE est maximale si et seulement si pour tout nombre r´eelr,
card(e∩Er) = rgEr. D´emonstration. “=⇒” : Comme eest une base deE, on a
card(e∩Er)≤rgEr
pour toutr∈R. Supposons qu’il existe un nombre r´eel rtel que card(e∩Er)<rgEr.
SoitEr0 le sous-espace vectoriel deErengendr´e pare∩Er, on a rgEr0 <rgEr. Donc il existe e0∈Er\Er0. Commeeest une base deE, il existe (ai)1≤i≤n∈Kn tel que
e0=a1e1+· · ·+anen.
2C’est aussi ´equivalent `a dire que pour toutr∈R, Z
R
11[r,+∞[dµ1≥ Z
R
11[r,+∞[dµ2.
Commee06∈Er0, il existe un 1≤i≤ntel que ei 6∈Eret tel queai6= 0. Alors
Cela est absurde careest maximale.
“⇐=” : Pour tout nombre r´eelret toute basee0 deE, on a est une fonction croissante et born´ee, soit
g0(x) = 11]−∞,a0[ lim
C’est une fonction croissante born´ee continue `a droite telle que Z
Soitν la mesure de Lebesgue-Stieljes d´efinie parg0, c’est-`a-dire la mesure bor´elienne surRtel que pour tout−∞< a < b <+∞,ν(]a, b]) =g0(b)−g0(a). Alors pour toutr∈R,
g0(x) = Z
11]−∞,x]dν+ lim
y→−∞g(y).
D’apr`es le th´eor`eme de Fubini, Z
Proposition 4.2.15 Soit E un espace vectoriel de rang 0 < n < +∞ sur K, muni d’une filtration s´epar´ee et exhaustive F. Si e = (e1,· · · , en)T est une base de E, alors il existe une matrice triangulaire A∈ Mn×n(K)avec diag(A) = (1,· · · ,1) telle queAesoit une base maximale deE.
D´emonstration. On raisonne par r´ecurrence sur le rang ndeE. Sin= 1, alors Er=
(E, r≤λ(e1), 0, r > λ(e1).
Donc on a
card(Er∩ {e1}) = rgEr. Autrement dit,eest d´ej`a une base maximale.
Traitons le cas o`un >1. SoitF l’espace quotientE/Ken, muni de la filtration image directe forte. Alorsee= ([e1],· · · ,[en−1])T est une base deF, o`u [ei] est l’image canonique deei dans F (1≤i≤n−1). D’apr`es l’hypoth`ese de r´ecurrence on sait qu’il existeAe∈M(n−1)×(n−1)(K) avec diag(A) = (1,e · · ·,1) telle que
−
→α = (α1,· · · , αn) :=Aeee soit maximale.
Soitπ:E→F l’application canonique. Pour tout 1≤i≤n−1, choisissonse0i∈E tel que λ(e0i) = max
x∈π−1(αi)λ(x).
Cela est toujours possible car la fonction λne prend qu’un nombre fini de valeurs. Soit e0 = (e01,· · ·, e0n−1, en)T. On remarque quee0 s’´ecrit sous la forme Ae, o`u
A=
Ae ∗ 0 1
est une matrice triangulaire. Comme−→α est une base maximale, on a card(Fr∩ −→α) = rgFr
pour toutr∈R. D’autre part,e0i∈Er impliqueαi=π(e0i)∈Fr. D’o`u card(e0∩Er)≥
(rgFr≥rgπ(Er) = rgEr, en6∈Er, rgFr+ 1≥rgπ(Er) + 1 = rgEr, en∈Er. Donc on a toujours
card(Er∩e0) = rgEr,
i.e.,e0 est une base maximale. 2
Remarque 4.2.16 On peut aussi d´emontrer la proposition 4.2.15 de la mani`ere suivante : L’ensemble des drapeaux complets X de E est muni d’une action transitive de GLn(K) et s’identifie `a l’espace homog`ene GLn(K)/B, o`u B est le sous-groupe des matrices triangulaires sup´erieurement (cf. [20]). La proposition r´esulte donc de la d´ecomposition de Bruhat3 d’une matrice inversible qui peut ˆetre consid´er´ee comme une version intrins`eque de l’´elimination gaussienne (cf. [16] chap II,§10, n◦13).
3SiAest une matrice carr´ee inversible, alorsApeut ˆetre d´ecompos´ee en produit de trois matrices carr´ee A=P LU, o`uP est une matrice de permutation,Lest une matrice triangulaire inf´erieure etUest une matrice triangulaire sup´erieure.
Corollaire 4.2.17 Avec les notations de la proposition 4.2.15, il existe toujours une base maximale deE.
D´efinition 4.2.18 SoitEun espace vectoriel de rang fini surK, muni d’une filtration s´epar´ee et exhaustiveF. SiE6= 0, on appellemesure(de probabilit´e) associ´ee `a F pourE et on note µF,E (ou simplement µE s’il n’y a aucune ambigu¨ıt´e) la mesure de probabilit´e µF,e sur R, o`u e est une base maximale quelconque deE. Si E est l’espace nul, alors µE est d´efinie par convention comme la mesure nulle. La proposition 4.2.14 montre que la mesureµF,E ne d´epend pas du choix de la base maximalee.
Remarque 4.2.19 SoitEun espace vectoriel de rang fini surK. La donn´ee d’uneR-filtration continue `a gaucheF surE est la mˆeme chose que la donn´ee d’un drapeau
E(0)(E(2)(· · ·(E(n)
et une suite strictement d´ecroissante (ai)1≤i≤n de nombres r´eels qui d´ecrit le lieu de sauts. On a
FrE=
E(0), sir∈]a1,+∞[,
E(i) sir∈]ai+1, ai], 1≤i < n, E(n), sir∈]− ∞, an].
La filtrationF est s´epar´ee (resp. exhaustive) si et seulement siE(0) ={0} (resp.E(n)=E).
LorsqueF est s´epar´ee et exhaustive, la mesure associ´ee `aF pourE est ´egale `a
n
X
i=1
rgE(i)−rgE(i−1) rgE δai.
Remarque 4.2.20 SoitE un espace vectoriel de rang fini et non-nul surK, muni d’une R -filtration s´epar´ee, exhaustive et continue `a gaucheF. Pour toutx∈R, on a l’´egalit´e
1−rgEx
rgE =µE(]− ∞, x[).
La fonction de r´epartition de la distributionµE est donc F(x) = lim
y→x+1−rgEy rgE . Proposition 4.2.21 Soit
0 //E0 ϕ //E ψ //E00 //0
une suite exacte courte d’espaces vectoriels de rang finie munis des R-filtrations continues `a gauche. On suppose v´erifi´ees les conditions suivantes :
i) l’espace E est non-nul et la filtration de E est s´epar´ee et exhaustive ; ii) la filtration deE0 est l’image r´eciproque par ϕde celle deE; iii) la filtration deE00 est l’image directe forte parψ de celle deE.
Alors
1) les filtrations surE0 et surE00 sont s´epar´ees et exhaustives ;
2) µE= 1 rgE
rgE0µE0+ rgE00µE00
.
D´emonstration. 1) SiGest un espace vectoriel de rang fini muni d’uneR-filtration, la filtration de Gest s´epar´ee et exhaustive si et seulement si la fonctionλ:G\ {0} →R∪ {±∞} prend valeurs dans un intervalle born´e deR(voir la proposition 4.2.3 4) et la proposition 4.2.4). Ceci
´
etant, d’apr`es la proposition 4.2.8, si la filtration deE est s´epar´ee et exhaustive, alors il en est de mˆeme des filtrations deE0 etE00.
2) Soite0 = (e0i)1≤i≤n (resp.e00= (e00j)1≤j≤m) une base maximale deE0 (resp.E00). Soit e= (ϕ(e01),· · ·, ϕ(e0n), en+1,· · ·, en+m)
une base deEtelle que4pour tout 1≤j≤m,ψ(en+j) =e00j etλ(en+j) =λ(e00j). Par d´efinition on sait que
µe= 1 rgE
rgE0µe0+ rgE00µe00
. Il suffit donc de v´erifier que eest une base maximale.
Soitrun nombre r´eel. D’abord on a
card({ϕ(e01),· · ·ϕ(e0n)} ∩Er) = card(e0∩Er0) = rgEr0. (4.2) D’autre part, sien+j∈Er, alorsλ(e00j) =λ(en+j)≥r, donce00j ∈Er00. Par cons´equent
card({en+1,· · · , en+m} ∩Er)≥card(e00∩Er00) = rg(E00r)≥rg(ψ(Er)). (4.3) La somme des in´egalit´es (4.2) et (4.3) donne
card(e∩Er)≥rg(Er0) + rg(ψ(Er)) = rgEr,
donceest bien une base maximale. 2
Esp´erance, variance et corr´elation
Soit V un espace vectoriel de rang fini et non-nul surK. Si F est une filtration s´epar´ee, exhaustive et continue `a gauche sur V, alors elle d´etermine une probabilit´e de Radon sur R. On d´esigne parE[F] (resp. var(F)) l’int´egrale
E[F] = Z
R
xdµF,V (resp.
Z
R
x−E[F]2
)dµF,V, (4.4)
appel´ee l’esp´erance (resp. lavariance) deF.
SoitF= (F(i))1≤i≤n une famille de filtrations s´epar´ees, exhaustives et continues `a gauche surV. On consid`ere la fonctionGsurRn suivante :
G(x1,· · ·, xn) = 1−rg(Fx(1)1 V ∩ · · · ∩ Fx(n)n V)
rgV .
La fonctionGd´etermine5une mesure de probabilit´eµF,V surRntelle que pour toutes familles de nombres r´eels (a(0)i )1≤i≤n et (a(1)i )1≤i≤n telles quea(0)i ≥a(1)i pour tout 1≤i≤n, on ait
µF,V(]a(1)1 , a(0)1 ]× · · · ×]a(1)n , a(0)n ]) = X
α:Ξ→{0,1}
(−1)|α|G(aα(1)1 ,· · ·, aα(n)n ),
4Cela est toujours possible grˆace `a la proposition 4.2.3 4) et la proposition 4.2.9 2)
5Voir le th´eor`eme 2.25 de [60] pour une d´emonstration. Il faut faire attention que la fonction G ici est continue `a gauche pour chaque variablexi.
o`u Ξ = {1,· · ·, n}. Si on d´esigne parπi :Rn → Rles n projections, alors on a πi∗(µF,V) = µFi,V, autrement dit,µFi,V sont les distributions marginales deµF,V. Toutefois, la mesureµF,V
est un invariant plus fin de la familleF= (F(i))1≤i≤n que la famille de mesures (µF(i),V)1≤i≤n
qui d´ecrit les “correlations” entre ces filtrations.
Si on consid`ere la situation de deux filtrations s´epar´es, exhaustives et continues `a gauche F etG surV, il est naturel de d´efinir leurcovariancecomme
cov(F,G) = Z
R2
x−E[F]
y−E[G]
dµ(F,G),V. (4.5)
On d´efinit leproduit scalaire(cf. [86]§6) deF et de Gle nombre hF,Gi:=
Z
R2
xydµ(F,G),V. (4.6)
On a la relation cov(F,G) =hF,Gi −E[F]E[G].