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Salariés protégés

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 99-102)

Le Conseil d’État est compétent comme juge de cassation pour connaître du contentieux des décisions rendues par l’autorité administrative dans le cadre des demandes de licenciement des salariés protégés que sont les représentants du personnel, pour lesquels une autorisation administrative préalable de l’inspecteur du travail ou du ministre du travail est requise.

3.1.12. Obligations procédurales

3.1.12.1. En premier lieu, le Conseil d’État a apporté des précisions concernant la procédure préalable à la délivrance d’une autorisation administrative de licenciement concernant un salarié protégé (CE, 29 juin 2016, M. W., n° 381766, Rec.). Il rappelle tout d’abord que les délais laissés par l’article R. 2421-14 du code du travail à l’employeur pour que celui-ci présente une demande de licenciement à l’inspecteur du travail concernant un salarié qu’il a mis à pied ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement (CE, 16 janvier 1987, B., n° 65315, T.). Toutefois, il précise qu’eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l’employeur est tenu, à peine d’irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.

Le Conseil d’État considère ensuite que la circonstance que l’employeur a décidé, en raison d’un arrêt de maladie du salarié survenu au cours de la période de

mise à pied, de repousser la date de l’entretien préalable au licenciement et, par suite, de la date à laquelle il adresse sa demande d’autorisation de licenciement à l’administration, n’est de nature à justifier un délai de présentation de sa demande excédant le délai requis en application de l’article R. 2421-14 que si la maladie a rendu impossible la tenue de l’entretien préalable dans ces délais, ou que le report a été demandé par le salarié lui-même.

En l’espèce, il estime qu’un délai de saisine de l’inspecteur du travail intervenu vingt-cinq jours après la date de mise à pied sans que ce report résulte d’une impossibilité tenant à l’état de santé du salarié ou d’une demande de celui-ci, qui s’y est au contraire opposé, a revêtu une durée excessive et entaché d’irrégularité la procédure au terme de laquelle l’administration a autorisé le licenciement.

3.1.13. Licenciement pour un motif en rapport avec la personne du salarié protégé

3.1.13.1. Le Conseil d’État s’est ensuite prononcé sur les conditions de fond devant présider à l’octroi ou au refus d’octroi d’une autorisation administrative de licenciement de salariés protégés, en précisant tout d’abord les règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et qui doivent être prises en compte par l’administration (CE, 29 juin 2016, M. P., n° 387412, T.).

Il rappelle qu’il incombe à l’autorité administrative saisie d’une demande en ce sens de vérifier, notamment, la régularité de ce licenciement au regard de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié (CE, 21 mai 2008, Ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement c/ R., n° 304394, Rec.). Il précise que le salarié protégé qui se rend coupable de harcèlement moral sur son lieu de travail méconnaît, y compris lorsque ces actes sont commis dans l’exercice des fonctions représentatives, son obligation de ne pas porter atteinte, dans l’enceinte de l’entreprise, à la santé et à la sécurité des autres membres du personnel, qui découle de son contrat de travail. Il en conclut que de tels faits sont, en principe, de nature à constituer le fondement d’une demande de licenciement pour motif disciplinaire.

Toutefois, le Conseil d’État estime que si l’employeur fonde sa demande d’autorisation de licenciement, non sur un tel motif disciplinaire, mais sur la circonstance que le comportement du salarié est par lui-même, indépendamment de sa qualification de harcèlement, de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise, il lui appartient d’établir que les répercussions effectives du comportement du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise sont, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail, de nature à justifier son licenciement.

3.1.13.2. Le Conseil d’État s’est ensuite prononcé sur la situation des salariés protégés dont le licenciement est envisagé à raison d’absences prolongées ou répétées, pour maladie (CE, 9 mars 2016, Mme L., n° 378129, T.). Précisant sa jurisprudence antérieure (CE, 21 octobre 1996, M., n° 111961, T.), il juge qu’en

pareille hypothèse, il incombe à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si, eu égard à la nature des fonctions de l’intéressé et aux règles applicables à son contrat, ses absences portent au fonctionnement de l’entreprise des perturbations suffisamment graves que l’employeur ne peut pallier par des mesures provisoires et qui sont dès lors de nature à justifier le licenciement en vue de son remplacement définitif par le recrutement d’un autre salarié. Ce faisant, le Conseil d’État exclut l’existence d’une obligation de reclassement à la charge de l’employeur qui souhaite licencier un salarié protégé pour un tel motif.

3.1.13.3. Le Conseil d’État s’est également penché sur les hypothèses dans lesquelles la demande de licenciement dont elle est saisie est motivée par la seule inaptitude du salarié et lorsqu’elle est à la fois motivée par cette inaptitude et par des considérations relatives aux fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou à son appartenance syndicale (CE, 21 septembre 2016, M. P., n° 396887, Rec.). Réaffirmant sa jurisprudence (CE, 20 novembre 2013, Mme C., n° 340591, Rec.), il juge que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l’inaptitude du salarié, il n’appartient pas à l’administration de vérifier la cause de l’inaptitude. En revanche, il lui appartient de rechercher si cette inaptitude est telle qu’elle justifie le licenciement envisagé. Toutefois, il indique que l’administration doit en toutes circonstances faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale et qu’en conséquence, même lorsque le salarié est atteint d’une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l’autorisation sollicitée soit accordée. Le Conseil d’État précise à cet égard que le fait que l’inaptitude du salarié résulte d’une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l’employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives est de nature à révéler l’existence d’un tel rapport.

3.1.13.4. Le Conseil d’État a ensuite précisé les éléments au regard desquels la recherche de reclassement à laquelle l’employeur doit procéder pouvait être regardée comme sérieuse lorsqu’est envisagé un licenciement pour inaptitude physique (CE, 30 mai 2016, Mme M., n° 387338, Rec.). Il rappelle d’abord que dans le cas où la demande de licenciement d’un salarié protégé est motivée par une telle inaptitude, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’employeur a, conformément aux dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d’autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l’entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Dans le sillage de la décision Société Etudes Techniques Ruiz pour le licenciement pour motif économique commentée ci-après, il indique ensuite que le licenciement pour inaptitude physique ne peut être autorisé que dans le cas où l’employeur n’a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d’une

recherche sérieuse, menée tant au sein de l’entreprise que dans les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

Dès lors, le Conseil d’État censure pour erreur de droit la cour administrative d’appel qui a jugé que l’employeur satisfaisait à son obligation du seul fait qu’il a proposé à l’intéressé au moins un emploi compatible avec les préconisations du médecin du travail, alors qu’il lui appartenait d’apprécier si les postes proposés étaient, compte tenu des possibilités existant au sein de la société et du groupe ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié, de nature à caractériser une recherche sérieuse de reclassement.

3.1.14. Licenciement pour motif économique

3.1.14.1. S’agissant de la portée de l’obligation de reclassement des salariés protégés qui pèse sur les employeurs en cas de licenciement pour motif économique, le Conseil d’État est revenu sur le principe issu de sa jurisprudence selon lequel une société n’est pas tenue, pour satisfaire à cette obligation, de rechercher dans une entreprise avec laquelle elle entretient des relations étroites des emplois équivalents à ceux que le salarié occupait antérieurement, dès lors qu’elle ne forme pas avec cette entreprise un groupe (CE, 10 mars 1997, S.A.

Application techniques des plastiques (A.T.P.), n° 164645, T.).

Opérant un revirement, il juge désormais qu’il résulte de l’article L. 1233-4 du code du travail que, pour apprécier si l’employeur a satisfait à l’obligation qu’il pose, l’autorité administrative doit s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel (CE, 9 mars 2016, Société Etudes Techniques Ruiz, n° 384175, Rec.)

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 99-102)