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Responsabilité de la puissance publique

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 145-148)

Collectivités territoriales

3.2. Analyse d’une sélection de décisions du Conseil d’Étatdu Conseil d’État

3.2.16. Responsabilité de la puissance publique

Établissements publics hospitaliers

Une patiente a subi dans un centre hospitalier une anesthésie locale dont elle a conservé des séquelles sensitives et motrices à la jambe gauche. Elle a demandé réparation de ce préjudice au juge administratif, qui a fait droit à sa demande, estimant que le centre hospitalier ne l’avait pas informée du risque opératoire qui s’était réalisé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, et lui avait ainsi fait perdre une chance d’éviter le dommage qui en est résulté.

Saisi d’un pourvoi en cassation introduit par le centre hospitalier et son assurance, le Conseil d’État juge que l’obligation d’information des patients prévue à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, implique que soient portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

Le Conseil d’État en déduit que la circonstance qu’un risque de décès ou d’invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu’exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient.

Toutefois, le Conseil d’État précise qu’en cas d’accident médical, le juge administratif qui constate que le patient n’avait pas été informé du risque grave qui s’est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l’information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l’intéressé, pour déterminer la perte de chance qu’il a subie d’éviter l’accident en refusant l’accomplissement de l’acte (CE, 19 octobre 2016, Centre hospitalier d’Issoire et autres, n° 391538, Rec.).

L’affaire Centre hospitalier de Poitiers a permis au Conseil d’État de préciser quelle portée revêtait l’obligation d’information des patients prévue à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique lorsqu’est en cause un événement naturel tel que l’accouchement par voie basse.

Par suite d’un accouchement entrepris par voie basse pour la naissance du second enfant d’une patiente, l’enfant qui est né a présenté de graves lésions cérébrales,

en lien avec la rupture utérine qui s’était produite pendant l’accouchement. Ses parents ont alors recherché la responsabilité du centre hospitalier et ont demandé au juge des référés le versement d’indemnités provisionnelles. Le juge des référés a fait droit à leur demande en considérant qu’en s’abstenant d’informer la parturiente du risque de rupture utérine inhérent à un accouchement par voie basse alors que celle-ci avait accouché par césarienne de son premier enfant, les médecins avaient commis une faute ayant fait perdre à l’intéressée une chance d’éviter cet accident en demandant qu’une césarienne soit effectuée.

Se prononçant sur le pourvoi du centre hospitalier contre l’ordonnance du juge des référés, le Conseil d’État juge que la circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas les médecins, en application de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique relatif à l’information des patients, de l’obligation de porter à la connaissance de la femme enceinte, d’une part, les risques que cet accouchement est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du fœtus ou à ses antécédents médicaux et, d’autre part, les moyens de les prévenir. La décision précise qu’en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention (CE, 27 juin 2016, Centre hospitalier de Poitiers, n° 386165, Rec.).

Responsabilité des services sociaux

Par sa décision du 1er juillet 2016, Société Groupama Grand Est, la section du contentieux a précisé le régime de responsabilité applicable en cas de dommages causés par un mineur pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental et avec le consentement des titulaires de l’autorité parentale, en particulier dans le cas où le mineur n’est pris en charge qu’à temps partiel et où les faits à l’origine du dommage sont commis alors qu’il est hébergé par ses parents.

Le juge administratif, saisi d’une action en responsabilité pour des faits imputables à un mineur pris en charge dans ce cadre sur une décision du président du conseil départemental, doit apprécier les conditions d’accueil du mineur, notamment la durée de cet accueil et le rythme des retours du mineur dans sa famille, ainsi que les obligations qui en résultent pour le service d’aide sociale à l’enfance et pour les titulaires de l’autorité parentale. Il lui appartient alors, au vu de ces éléments, de déterminer si la décision du président du conseil départemental s’analyse comme une prise en charge durable et globale du mineur, pour une période convenue, par l’aide sociale à l’enfance. Si tel est le cas, cette décision a pour effet de transférer au département la responsabilité d’organiser, de diriger et de contrôler la vie du mineur durant cette période. Ce transfert de responsabilité peut être caractérisé même lorsque la décision prévoit un retour du mineur dans son milieu familial de façon ponctuelle ou selon un rythme qu’elle détermine. Il peut également être caractérisé même lorsque le mineur retourne dans son milieu familial de sa propre initiative.

Ainsi, en raison des pouvoirs dont le département est alors investi, sa responsabilité

est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par le mineur, y compris lorsque les dommages sont survenus alors que le mineur est hébergé par ses parents. Seule la fin de la prise en charge par le service d’aide sociale à l’enfance, qui peut résulter d’une décision des titulaires de l’autorité parentale ou de l’autorité administrative ou judiciaire, peut faire obstacle à l’engagement de la responsabilité du département.

Enfin, la section du contentieux a précisé les causes exonératoires de responsabilité : en cas de transfert de responsabilité, seules la faute de la victime ou la force majeure sont susceptibles d’atténuer la responsabilité du département à l’égard de la victime ou de l’en exonérer (Sect., 1er juillet 2016, Société Groupama Grand Est, n° 375076, Rec.).

Caractère certain du préjudice

Une patiente à qui avait été administrée la spécialité pharmaceutique Mediator demandait l’indemnisation du préjudice qu’elle estimait subir du fait de la crainte de développer une maladie grave, en raison de son exposition à ce médicament dont le principe actif est le benfluorex. Reconnaissant le caractère indemnisable du préjudice d’anxiété, le Conseil d’État précise dans quelles conditions ce préjudice peut être regardé comme direct et certain.

En l’espèce, le Conseil d’État a relevé que si l’hypertension artérielle pulmonaire est une affection sévère, le risque de développer cette pathologie à la suite d’une exposition au benfluorex peut être regardé comme très faible. Par ailleurs, le risque de valvulopathie cardiaque, pathologie susceptible, lorsqu’elle est sévère, de rendre nécessaire une intervention chirurgicale, est faible et diminue rapidement dans les mois qui suivent l’arrêt de l’exposition au benfluorex.

Le Conseil d’État a également relevé que la patiente ne faisait état d’aucun élément personnel et circonstancié pour justifier du préjudice qu’elle invoquait. Elle se prévalait ainsi des données générales relatives au risque de développement d’une hypertension artérielle pulmonaire et du retentissement médiatique auquel avait donné lieu la poursuite de la commercialisation de cette spécialité pharmaceutique.

Or l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait diffusé aux patients concernés des informations rendant compte, en des termes suffisamment clairs et précis, de la réalité des risques encourus.

Dans ces conditions, le Conseil d’État a jugé que la patiente ne justifiait pas personnellement de l’existence d’un préjudice direct et certain lié à la crainte de développer une pathologie grave après la prise de cette spécialité pharmaceutique (9novembre 2016 Mme B., n° 393108, Rec.).

3.3. Analyse d’une sélection d’arrêts

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 145-148)