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Contrôle des techniques de renseignement

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 112-115)

Plans de sauvegarde de l’emploi

3.1.21. Contrôle des techniques de renseignement

3.1.21.1. Le Conseil d’État a précisé le régime contentieux applicable à la mise en œuvre des traitements automatisés intéressant la sûreté de l’État et des techniques de renseignement résultant de la loi du 24 juillet 2015, qui a créé une formation spécialisée du Conseil d’État pour en connaître. Dans une première affaire, le Conseil d’État était saisi de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui alléguait être mentionnée dans un fichier protégé (CE, formation spécialisée, 19 octobre 2016, M. S., n° 400688, Rec.) ; dans une seconde, de conclusions tendant à ce qu’il s’assure qu’aucune technique de renseignement n’était irrégulièrement mise en œuvre à l’égard du requérant (CE, formation spécialisée, 19 octobre 2016, M. C., n° 396958, Rec.). Le Conseil d’État a jugé qu’il appartenait à la formation spécialisée de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux ou s’il fait ou non l’objet d’une telle technique. Dans l’affirmative, il lui appartient d’apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées, ou, dans le deuxième cas, d’apprécier si cette technique est mise en œuvre dans le respect du livre VIII du code de la sécurité intérieure.

S’agissant des traitements automatisés, lorsqu’il apparaît, soit que le requérant n’est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d’aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d’illégalité, soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, soit que leur collecte ou leur utilisation, leur communication ou leur conservation est interdite, ce qu’il lui appartient le cas échéant de relever d’office, elle en informe le requérant, sans faire état d’aucun élément protégé par le secret de la défense nationale et annule la décision refusant d’effacer ou de rectifier les informations erronées.

3.1.21.2. Pour la mise en œuvre des techniques de renseignement, de même, lorsqu’il apparaît soit qu’aucune technique de renseignement n’est mise en œuvre à l’égard du requérant, soit que cette mise en œuvre n’est entachée d’aucune illégalité, la formation de jugement informe le requérant de l’accomplissement de ces vérifications et qu’aucune illégalité n’a été commise, sans autre précision. Dans

le cas où une technique de renseignement est mise en œuvre dans des conditions qui apparaissent entachées d’illégalité, elle en informe le requérant, sans faire état d’aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. En pareil cas, par une décision distincte dont seule l’administration compétente et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont destinataires, la formation spécialisée annule le cas échéant l’autorisation et ordonne la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.

Application du droit de l’Union européenne 3.1.22. Contrôle de constitutionnalité et renvoi préjudiciel à la CJUE

3.1.22.1. L’assemblée du contentieux du Conseil d’État a rendu en 2016 une importante décision relative à l’articulation des procédures de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et de la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (CE, Ass., 31 mai 2016, M. J., n° 393881, Rec.). Dans le cadre d’un litige relatif à l’imposition des plus-values, un requérant faisait valoir qu’une disposition fiscale méconnaissait les objectifs résultant d’une directive. Il soutenait également, en soulevant une QPC, qu’en cas d’incompatibilité entre les dispositions nationales et le droit de l’Union européenne, le juge, pour assurer le respect du droit de l’Union, n’appliquerait pas la loi aux plus-values transfrontalières, qui sont dans le champ d’application de ce droit, mais continuerait de l’appliquer aux autres plus-values, qui ne sont pas dans son champ d’application. Il en déduisait que la loi conduisait à une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

S’inscrivant dans la ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a jugé qu’en l’état, la QPC n’était pas sérieuse, car le juge de l’impôt n’avait pas donné une interprétation du droit de l’Union le conduisant à écarter l’application de la loi aux plus-values transfrontalières ; la loi s’applique donc uniformément à toutes les plus-values. Le Conseil d’État a ensuite jugé que la question d’interprétation du droit de l’Union posait une difficulté sérieuse ; il a donc transmis une question préjudicielle à la CJUE. Enfin, le Conseil d’État a précisé que, s’il venait à juger, à la suite de la réponse de la CJUE, que le droit de l’Union européenne impose d’écarter la loi pour les plus-values transfrontalières, une nouvelle QPC pourrait alors être posée par le requérant.

3.1.22.2. Le Conseil d’État a ensuite, par sa décision société APSIS, précisé les modalités de cette articulation dans le cas où une QPC lui est transmise par une juridiction du fond et où la question d’interprétation du droit de l’Union dont dépend l’appréciation du caractère sérieux de la QPC a déjà fait l’objet d’une question préjudicielle, encore pendante, à la Cour de justice. Le Conseil d’État a indiqué qu’en pareille hypothèse il n’y avait pas lieu de transmettre la question préjudicielle posée par le requérant à la CJUE. Il a enfin précisé que, dans le cas où

la QPC serait de nouveau présentée après la réponse de la CJUE, il appartiendrait alors d’abord à la juridiction saisie, soit de juger que la disposition contestée devait être regardée comme incompatible avec la directive, soit de juger qu’elle n’était pas incompatible avec la directive, compte tenu, le cas échéant, de la possibilité d’en donner une interprétation conforme aux objectifs de celle-ci. Il lui appartiendrait ensuite d’en tirer les conséquences quant au caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant elle (CE, 27 juin 2016, Société APSIS, n° 398585, T.).

3.1.22.3. La question de l’articulation entre le droit de l’Union et la Constitution a également été au cœur de l’affaire Confédération paysanne et autres (CE, 3 octobre 2016, n° 388649, Rec.). Le Conseil d’État, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle par un acte réglementaire assurant directement la transposition d’une directive européenne, a confirmé le raisonnement par analogie qu’il adopte depuis 2007 (CE, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique Lorraine et autres, n° 287110, Rec.) : ainsi, il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’un acte règlementaire assurant directement la transposition d’une directive et dont le contenu en découle nécessairement sans qu’aucun pouvoir d’appréciation ne puisse être mis en œuvre, de rechercher s’il existe un principe ou une règle du droit de l’Union qui, eu égard à sa nature et sa portée, garantit par son application l’effectivité du respect du principe constitutionnel en cause.

En l’espèce, les requérants soutenaient que les dispositions d’un décret de transposition relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM) étaient contraires au principe constitutionnel de précaution, garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement, dès lors que les semences issues de modifications génétiques obtenues par mutagénèse ne font l’objet, du fait de l’exclusion de la mutagénèse du régime applicable aux OGM, ni de mesures préventives, ni d’une évaluation préalable, ni d’un suivi après leur commercialisation, ni d’une information des cultivateurs et des consommateurs.

Le Conseil d’État a considéré que le principe de précaution de l’article 191-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a, eu égard à la jurisprudence de la CJUE, une portée garantissant l’effectivité du respect du principe de valeur constitutionnelle.

Il a ensuite procédé à un raisonnement en deux temps, qui l’a conduit à poser deux questions préjudicielles. Il convenait en effet en premier lieu de déterminer si la directive interdit à un État membre de définir le régime des organismes obtenus par mutagénèse. En second lieu, si la CJUE devait interpréter la directive en ce sens, il y a lieu d’examiner si cette directive est conforme au principe de précaution garanti par le droit de l’Union européenne. Le Conseil d’État renvoie donc à la CJUE la question d’interprétation de la directive et la question d’appréciation de sa validité.

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