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Marchés et contrats administratifs

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 139-143)

Collectivités territoriales

3.2. Analyse d’une sélection de décisions du Conseil d’Étatdu Conseil d’État

3.2.12. Marchés et contrats administratifs

Formation des contrats et marchés

Par une délibération du 24 octobre 2011, la commune de Bordeaux avait, d’une part, approuvé les termes du projet de contrat de partenariat pour réaliser le nouveau stade de Bordeaux, d’autre part, autorisé le maire de la commune à signer ce contrat.

Un conseiller municipal de la commune de Bordeaux avait formé un recours contre cette délibération, qui a été rejeté par les juges du fond.

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État devait se prononcer sur le respect des dispositions des articles L. 1414-10 et D. 1414-4 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles tout projet de délibération autorisant la signature d’un contrat de partenariat doit être assorti d’une information relative au « coût prévisionnel global » du contrat de partenariat en moyenne annuelle et à la part que ce coût représente par rapport à la capacité de financement annuelle de la personne publique.

En l’espèce, le coût communiqué aux conseillers municipaux n’avait pas pris en compte, d’une part, une « subvention » de 17 millions d’euros, versée par la commune de Bordeaux à titre d’avance sur rémunération, d’autre part, une somme d’environ 2,6 millions d’euros annuels correspondant à la refacturation, prévue par le contrat, par le titulaire du contrat à la commune d’impôts et taxes qu’il aurait acquittés.

Estimant que l’obligation d’information prévue par ces dispositions visait à informer les élus des coûts auxquels la collectivité territoriale est exposée en raison de la conclusion d’un contrat de partenariat pendant toute sa durée, le Conseil d’État a jugé que le « coût prévisionnel global » doit prendre en compte, d’un côté, l’ensemble des sommes payées par la personne publique au titulaire à raison du contrat, de l’autre, les recettes procurées par le contrat au titulaire. Dès lors, eu égard à la nature et au montant des deux sommes en cause, le Conseil d’État a jugé que leur omission dans le calcul de ce coût caractérisait une insuffisance d’information des membres du conseil municipal sur les conséquences financières du recours à un contrat de partenariat.

Un tel vice de procédure ayant privé les membres du conseil municipal de Bordeaux de la garantie octroyée par l’article L. 1414-10 du code général des collectivités territoriales au sens de la décision d’Assemblée M. Danthony et autres (CE, 23 décembre 2011, n° 335033, Rec.), le Conseil d’Ét at a donc annulé la délibération du 24 octobre 2011 du conseil municipal approuvant les termes du projet de contrat de partenariat et autorisant la signature du contrat. Au stade de l’exécution, il a par ailleurs, compte tenu de la gravité du vice dont le contrat était entaché, enjoint à la commune de régulariser sa signature par une nouvelle délibération du conseil municipal, et, à défaut, a enjoint sa résiliation (CE, 11 mai 2016, M. R., nos 383768, 383769).

Recevabilité du recours de plein contentieux des tiers

Par une décision d’assemblée du 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne (n° 358994, Rec.), le Conseil d’État a ouvert aux tiers un recours de pleine juridiction contre les contrats, tout en opérant une distinction entre les tiers dits privilégiés, à l’instar des membres de l’organe délibérant de la collectivité signataire et du préfet, et les autres tiers, qui doivent, pour que leur intérêt à agir soit reconnu, démontrer qu’ils sont susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts de manière suffisamment directe et certaine. Le Conseil d’État devait par sa décision du 2 juin 2016, Ministre des affaires sociales c/ centre hospitalier du Puy-en-Velay, se prononcer sur la question de savoir si une agence régionale de santé pouvait être considérée comme un « tiers privilégié » au sens de cette décision et ainsi être titulaire, en cette seule qualité, d’un droit au recours contre un marché public passé par un établissement public de santé de son ressort.

Le Conseil d’État y a répondu par la négative. Pour ce faire, il a tout d’abord relevé qu’il résulte de l’article L. 6143-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, que les actes relatifs à la conclusion des marchés publics ne sont pas au nombre de ceux qui peuvent être déférés par le directeur général de l’agence régionale de santé au tribunal administratif pour en contrôler la légalité. Il a ensuite rappelé que par les articles L. 1431-2, L. 6143-4 et L. 6145-1 et suivants du code de la santé publique, le législateur a défini les modalités d’exercice, par l’agence régionale de santé, de son contrôle sur les actes des établissements publics de santé de son ressort, sans inclure, notamment, celui des marchés publics.

Il en a déduit qu’une agence régionale de santé ne peut, en cette seule qualité, être regardée comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif d’annuler ou de suspendre un marché public d’un établissement public de santé de son ressort. Il lui appartient, au contraire, comme à tout tiers, de démontrer qu’elle a été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses d’un tel marché pour en contester la validité ou demander la suspension de l’exécution de ce marché (CE, 2 juin 2016, Min. des affaires sociales c/ Centre hospitalier du Puy-en-Velay et a., nos 395033 et 396645, Rec.).

La décision Département de Tarn-et-Garonne (CE, Ass., 4 avril 2014, n° 358994, Rec.) a ouvert à tous les tiers au contrat le recours de plein contentieux en contestation de validité d’un contrat administratif, que la décision Société Tropic travaux Signalisation (CE, Ass., 16 juillet 2007, n° 291545) avait réservé aux seuls concurrents évincés.

Tirant les conséquences du passage d’un contentieux objectif de la légalité à un contentieux subjectif, cette décision a néanmoins limité les moyens susceptibles d’être soulevés à l’occasion d’un tel recours aux seuls « vices en rapport direct avec l’intérêt dont [ces tiers] se prévalent » et de ceux « d’une gravité telle que le juge devait les relever d’office ». En outre, le Conseil d’État avait décidé que ce nouveau recours « ne pourra être exercé par les tiers qui n’en bénéficiaient pas et selon les modalités précitées qu’à l’encontre des contrats signés » à compter

du 4 avril 2014. Il n’avait néanmoins pas précisé si ce différé d’entrée en vigueur du nouveau régime de recours, prévu très explicitement dans le cas des tiers qui ne disposaient auparavant que du recours contre les actes détachables, devait concerner également les concurrents évincés qui, eux, bénéficiaient du recours issu de la décision Société Tropic travaux Signalisation à l’occasion duquel tout moyen était susceptible d’être soulevé.

Par la décision Syndicat mixte des transports en commun de l’Hérault, le Conseil d’État a précisé que la jurisprudence Département de Tarn-et-Garonne ne trouve à s’appliquer « qu’à l’encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision », sans réserver à cet égard un sort particulier aux concurrents évincés. Ainsi, les tiers agissant en qualité de concurrents évincés de la conclusion d’un contrat administratif ne peuvent, à l’appui d’un recours contestant la validité d’un contrat signé postérieurement à la décision Département de Tarn-et-Garonne, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec leur éviction.

En l’espèce, dans la mesure où le recours du concurrent évincé avait été introduit en 2009, ce recours devait être apprécié au regard des règles applicables avant la décision Département de Tarn-et-Garonne, qui permettaient aux concurrents évincés d’invoquer tout moyen à l’appui de leur recours contre le contrat (CE, Sect., 5 février 2016, Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, n° 383149, Rec.).

3.2.13. Police

Vidéo-surveillance

Par sa décision Commune de Gujan-Mestras, le Conseil d’État a précisé les finalités qu’une commune était légitime à poursuivre lorsqu’elle mettait en place un dispositif de vidéo-protection.

La commune de Gujan-Mestras a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir pour demander l’annulation d’une délibération de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Par cette délibération, la CNIL avait refusé d’autoriser la mise en œuvre, par la commune, d’un dispositif de collecte et de conservation des plaques d’immatriculation de tous les véhicules circulant sur la voie publique. La singularité du litige tenait au fait que la commune, si elle entendait confier la gestion de ce dispositif à sa police municipale, soutenait que l’unique finalité de ce traitement était de mettre les données collectées à la disposition de la gendarmerie nationale pour l’exercice de ses missions de police judiciaire.

En premier lieu, le Conseil d’État juge que l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure énumère les finalités dont la poursuite est de nature à justifier qu’une autorité publique transmette et enregistre des images prises sur la voie publique par un système de videoprotection. Or, le Conseil d’État a constaté que la finalité invoquée par la commune ne relevait pas de cette liste.

En second lieu, les articles L. 233-1 et L. 233-2 de ce même code disposent que seuls les services de police et de gendarmerie nationales, ainsi que les services de douanes, peuvent gérer de tels dispositifs de contrôle automatisé des plaques d’immatriculation des véhicules. Le Conseil d’État a donc estimé que la commune ne pouvait se prévaloir de ces dispositions pour justifier le dispositif envisagé, qui avait vocation à être géré par sa police municipale, quand bien même ce dispositif avait vocation à bénéficier à la gendarmerie nationale.

Le Conseil d’État en a déduit que la finalité poursuivie par la commune n’était pas légitime, ce qui l’a ensuite conduit à confirmer le refus opposé par la CNIl. (CE, 27 juin 2016, Commune de Gujan-Mestras, n° 385091, Rec.)

3.2.14. Procédure

Office du juge de plein contentieux

Les bénéficiaires du RSA qui se voient opposer des décisions de récupération de sommes qu’ils ont indûment touchées peuvent contester auprès de l’organisme qui les leur a versées le bien-fondé de cette décision de récupération, ou peuvent, sans remettre en cause la décision de récupération, demander, compte tenu notamment de leur précarité, une remise de leur dette. Par la décision Mme Handoura, le Conseil d’État a apporté des précisions quant aux pouvoirs du juge de plein contentieux saisi d’un recours relatif à un refus de remise gracieuse.

Reprenant les critères qu’il avait reprécisés dans sa décision Okosun du 30 décembre 2013 (Sect., n° 367615, Rec.) pour apprécier l’opérance d’une exception d’illégalité, le Conseil d’État estime que la décision de refus de remise gracieuse ne trouve pas sa base légale dans la décision de récupération et qu’elle n’a pas été prise pour l’application de la décision de récupération. Ainsi, une éventuelle illégalité de la décision de récupération de l’indu ne peut être utilement invoquée à l’appui du recours dirigé contre le refus de remise gracieuse.

Par ailleurs, le Conseil d’État simplifie l’office du juge administratif, saisi d’un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d’un indu de RSA. Le juge administratif n’est ainsi plus tenu de se prononcer sur les vices propres des décisions de refus de remise ainsi que le lui imposaient les décisions Mme Popin et Labachiche (CE, 23 mai 2011, Mme Popin et M. El Moumny, nos 344970 et 345827, Rec ; CE, Sect., 27 juillet 2012, Mme Labachiche, n° 347114, Rec.). Il lui appartient désormais d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire (CE, 9 mars 2016, Mme Handoura, n° 381272, Rec.).

Référés

Par sa décision M. B, la section du contentieux du Conseil d’État a, d’une part, précisé l’office du juge du référé mesures-utiles, et, d’autre part, articulé cette

voie de recours avec les autres procédures de référé instaurées par la loi du 30 juin 2000. Un détenu avait sollicité de l’administration pénitentiaire l’obtention de produits d’hygiène supplémentaires. Face au refus opposé par l’administration, le détenu avait introduit une demande en référé mesures-utiles, pour que ce juge de l’urgence ordonne que ces produits lui soient fournis.

Le Conseil d’État a tout d’abord explicité l’office du juge du référé mesures-utiles, défini à l’article L. 521-3 du code de justice administrative. Ce juge peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l’urgence justifie, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. Ainsi défini, cet office apparaît très large alors même que cette procédure de référé revêt, aux termes mêmes de la loi, un caractère subsidiaire. Pour circonscrire cette voie procédurale, la formation de jugement a donc précisé que ce juge ne pouvait prescrire les mesures demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures du référé-suspension et du référé-liberté. En outre, dans la mesure où le juge du référé mesures-utiles ne peut faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, un requérant ne peut demander à ce juge de prescrire une mesure que l’administration aurait déjà refusé de prendre, à moins qu’il ne s’agisse de prévenir un péril grave.

Appliquant ces principes à l’espèce, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du requérant : en effet, le juge des référés mesures-utiles ne pouvait que rejeter les demandes dont il était saisi, dès lors que l’administration pénitentiaire avait déjà refusé de faire droit aux demandes du requérant (CE, Sect., 5 février 2016, M. B., nos 393540 et 393451, Rec.).

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