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État d’urgence

Dans le document LES RAPPORTS DU CONSEIL D ETAT (Page 108-111)

Plans de sauvegarde de l’emploi

3.1.19. État d’urgence

Le régime de l’état d’urgence a marqué toute l’année 2016. Déclaré par des décrets en conseil des ministres le 14 novembre 2015, il a été prorogé plusieurs fois par la loi. À l’occasion de différents recours, le Conseil d’État a eu l’occasion d’apporter des précisions sur ce cadre juridique d’exception.

3.1.19.1. Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi d’un recours de la Ligue des droits de l’homme lui demandant de suspendre l’état d’urgence ou, à défaut, d’ordonner au Président de la République d’y mettre fin. Dans son ordonnance (CE, juge des référés, 27 janvier 2016, Ligue des droits de l’homme et autre, n° 396220, Rec.), le juge des référés a d’abord constaté que l’état d’urgence avait été prorogé par une loi et donc que l’acte de déclaration ne pouvait en conséquence plus être contesté devant le juge administratif, sauf à soulever une question prioritaire de constitutionnalité. Le juge des référés a par ailleurs rappelé que la décision du Président de la République de ne pas mettre fin, ainsi que le lui permet la loi, au régime de l’état d’urgence de manière anticipée peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif : après avoir relevé que le Président de la République dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour faire ou non usage de la faculté qui lui est reconnue par la loi de mettre fin à l’état d’urgence avant l’expiration du délai de trois mois prévu par celle-ci, il estime que le silence de la loi sur les conditions de mise en œuvre de cette faculté ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu’un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui, dans un État de droit, sont par nature limités dans le temps et dans l’espace, comme faisant échapper sa décision à tout contrôle de la part du juge de la légalité.

Saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté), le juge des référés se prononce alors sur le bien-fondé des conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au Président de la République de mettre fin à l’état d’urgence. Il considère que la décision du Président de la République de ne pas mettre fin à l’état d’urgence ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, en s’appuyant notamment sur le contexte, sur la circonstance que le péril imminent n’avait pas disparu et sur le fait que les mesures qui ont été arrêtées, dont il est rappelé qu’elles sont sous le contrôle du juge administratif qui s’assure de leur caractère nécessaire et proportionné, ont permis d’atteindre des résultats significatifs.

3.1.19.2. Le régime des perquisitions administratives prévu par la loi du 3 avril 1955 a aussi été précisé par l’assemblée du contentieux (CE, Ass., 6 juillet 2016, M. N. et autres, nos 398234 et autre, Rec.). Une perquisition administrative ne peut être décidée que s’il y a des raisons sérieuses de penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Le Conseil d’État a rappelé que le juge administratif doit contrôler les éléments justifiant la mesure et vérifier que la mesure de perquisition était nécessaire et proportionnée au regard des éléments dont disposait l’administration au moment où elle a pris sa décision. Sur le plan de la régularité formelle, le Conseil d’État juge que les décisions ordonnant ces perquisitions doivent être motivées. Cette motivation, qui peut être adaptée à l’urgence, doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit ainsi que des motifs de fait faisant apparaître les raisons sérieuses qui ont conduit l’autorité administrative à penser que le lieu visé par la perquisition est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.

L’assemblée du contentieux définit ensuite le contrôle exercé par le juge administratif sur le bien-fondé de la mesure : il lui appartient d’exercer un entier contrôle sur le respect de la condition posée par l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 pour ordonner une perquisition, afin de s’assurer, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l’état d’urgence. Ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l’autorité administrative, sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n’aient d’incidence à cet égard.

Enfin, le Conseil d’État précise les régimes de responsabilité à raison des perquisitions administratives, en distinguant selon que les préjudices trouvent leur source dans l’illégalité de la décision de perquisition ou dans les conditions matérielles de son exécution et selon la qualité des personnes qui demandent réparation. Ainsi, toute illégalité affectant la décision de perquisition est fautive et de nature à engager la responsabilité de l’État, de sorte que les préjudices certains et en lien direct avec cette faute doivent être indemnisés. S’agissant des demandes de réparation des dommages subis à raison des conditions d’exécution matérielles de la perquisition, l’assemblée du contentieux retient un régime de faute simple pour les personnes concernées par les perquisitions et un régime de responsabilité sans faute pour les tiers, qui sont définis comme les personnes autres que la personne dont le comportement a justifié la perquisition ou que les personnes qui lui sont liées et qui étaient présentes dans le lieu visé par l’ordre de perquisition ou ont un rapport avec ce lieu.

Le Conseil d’État fixe par ailleurs le cadre pour apprécier le caractère fautif d’une perquisition administrative, en précisant que la perquisition d’un domicile de nuit doit être justifiée par l’urgence ou l’impossibilité de l’effectuer de jour, que l’ouverture volontaire du lieu doit toujours être recherchée, sauf s’il existe des raisons sérieuses de penser que le ou les occupants du lieu sont susceptibles de réagir à la perquisition par un comportement dangereux ou de détruire ou dissimuler des éléments matériels, et qu’il ne peut être fait usage de la force pour pénétrer dans le lieu qu’à défaut d’autre possibilité. Par ailleurs, lors de la perquisition, il importe de veiller au respect de la dignité des personnes et de prêter une attention toute particulière à la situation des enfants mineurs qui seraient présents, en limitant strictement l’usage de la force ou de la contrainte, tandis que les atteintes aux biens doivent être strictement proportionnées à la finalité de l’opération.

La loi du 21 juillet 2016 avait complété le dispositif initial en permettant la saisie des données informatiques trouvées sur place et leur exploitation sur autorisation du juge administratif. Lors de la perquisition, les agents peuvent accéder aux données stockées sur des équipements informatiques (ordinateur, téléphone, tablettes...) et, lorsque cette consultation révèle des éléments en rapport avec une menace pour la sécurité et l’ordre publics, l’administration peut copier les données ou saisir le support informatique. L’administration doit alors demander

au juge des référés du tribunal administratif l’autorisation d’exploiter ces données : le juge administratif dispose d’un délai de 48 heures pour accorder ou refuser cette autorisation. Par son ordonnance du 5 août 2016 (CE, juge des référés, 5 août 2016, Ministère de l’intérieur c/ M. D., n° 402139, T.), le juge des référés du Conseil d’État précise l’office du juge des référés du tribunal administratif saisi d’une demande d’exploitation des données : il doit se prononcer en vérifiant, au vu des éléments révélés par la perquisition, d’une part, la régularité de la procédure de saisie et d’autre part, si les éléments en cause sont relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l’ordre publics le comportement de la personne concernée. En l’espèce, compte tenu de l’ensemble des circonstances qui lui étaient soumises, le Conseil d’État a autorisé l’exploitation des données contenues dans un téléphone portable saisi lors de la perquisition.

3.1.20. Arrêtés prohibant des tenues manifestant

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