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Des données concernant le site de l’ancien amphithéâtre à l’information

4 Les études de terrain

4.2 Étude des rues

4.2.4 La rue Manceau

4.2.4.1 Localisation

La rue Manceau est une voie rectiligne large d’environ 4,50 m orientée du nord-ouest au sud-est. Elle relie sur une longueur de 142 m la place Grégoire de Tours, à l’extrémité de la rue du Général Meusnier.

Aujourd’hui cette rue porte le nom d’un prêtre tourangeau, cofondateur de la Société Archéologique de Touraine, mais auparavant, au 18e siècle, elle était nommée rue Creuse. En 1790, cette appellation recouvrait une réalité différente puisque l’identité de la rue s’étendait plus loin, jusqu’à la Porte Rouline : elle recouvrait ainsi une partie de l’actuelle rue du Général Meusnier. En effet, en 1790, dans le Premier cahier d’estimation des biens nationaux de la ville de Tours, les propriétés décrites dans les articles 25 et 26 (actuellement respectivement au 14, rue du Général Meusnier et 13, rue Manceau) sont localisées « rue Creuse » (ADIL 1Q282 – annexe 1.1.4). Dénomination Datation rue Manceau 1855- rue Creuse 1816-1855 rue de Friedland 1808-1816 rue de Verville ?

rue de Chinon après 1790 rue Creuse avant 1790

Figure 44 : Localisation de la rue Manceau sur le cadastre actuel.

4.2.4.2 Origine et transformations

Comme pour les autres voies inscrites sur l’amphithéâtre, aucun document ne mentionne la rue Manceau avant la fin du 17e siècle. Le plan Tours et ses environs (BmT, Ms 1200, c. 1670 – annexe 1.2.1), daté des années 1670, apparaît en effet comme la première source qui en atteste distinctement l’existence. Pourtant, le bâti conservé montre que l’origine de cette rue est bien plus ancienne.

Si l’alignement de plusieurs façades du 15e s. indique clairement que la rue existait déjà à la fin du Moyen Âge, l’organisation du bâti antérieur montre que le tracé de la rue Manceau est plus ancien, manifestement antérieur au 13e s. Deux logis l’attestent, l’EC 295 (cf. MA03) et l’EC 264 (cf. MA11). Le premier est une construction datée du dernier tiers du 13e s. qui n’est pas

située en front de rue, mais séparée par une petite cour. Malgré cela, il ne fait pas de doute que le bâtiment fut construit alors que le tracé de la rue Manceau existait déjà. En effet, non seulement le bâtiment est perpendiculaire à la rue ne semble, ce qui ne peut être fortuit, mais surtout la disposition des ouvertures montre que le bâtiment était uniquement accessible depuis le nord ou l’est, c’est-à-dire depuis la rue, puisque le mur occidental et celui situé au sud étaient aveugles. Ainsi, comme récemment, le pignon septentrional (désormais détruit) formait la façade principale du bâtiment qui, parallèle à la rue, était située en retrait, séparée par une petite cour. L’autre bâtiment, l’EC 264 (cf. MA11), fut construit autour du 13e s. Son plan particulier (en parallélogramme) s’explique selon toute vraisemblance par un assujettissement à la forme de la parcelle située dans l’angle défini par la ruelle EC 275 (cf. MA11) et la rue Manceau. Le pignon septentrional fut construit en s’alignant sur la rue qui existait manifestement déjà avant.

Même si ces deux constructions sont situées sur le front sud-ouest de la rue Manceau, elles fournissent un terminus ante quem à l’existence de la rue dont la création pourrait même être plus ancienne. Toutefois, faute d’argument, la datation proposée par Sylvain Livernet faisant remonter la création de la rue au haut Moyen Âge pour « des raisons économique et sociales » ne peut être retenue (LIVERNET 1990 : 192).

De toute la trame viaire inscrite sur l’emprise de l’amphithéâtre antique, la rue Manceau est la seule qui traverse l’ancien édifice, au lieu d’en souligner le périmètre comme les autres. Son tracé semble même être totalement affranchi de la structure de l’amphithéâtre puisqu’il ne reprend pas l’axe des vomitoires. L’indépendance entre la disposition de la rue et les structures de l’amphithéâtre semble indiquer que celle-ci est postérieure au remblaiement de l’arène : cette interprétation est également étayée par l’analyse des niveaux de sol.

Actuellement, d’un point de vue topographique, la rue Manceau se divise en deux parties : depuis la place Grégoire de Tours et sur un peu moins d’une centaine de mètres le niveau de sol de la rue est quasi horizontal située à environ 53,50 m NGF ; la seconde partie accuse une déclivité ascendante d’environ 2,50 m répartie sur les cinquante derniers mètres. C’est dans cette pente que certains ont vu l’origine du toponyme rue Creuse (MABIRE LA CAILLE 1988 : 43). Toutefois, l’examen des façades du front sud-ouest de la rue permet de proposer une autre interprétation. En effet, le changement de mise en œuvre dans le parement du pignon du 1, place Grégoire de Tours et du 1, rue Manceau marque la présence d’un ancien niveau de sol puisqu’en deçà de 56 m NGF, la maçonnerie apparaît distinctement comme une ancienne fondation mise à nu (cf. MA01 et GT01), alors qu’au-delà se dresse un parement de pierres de taille. Cette observation permet de savoir que lors de la construction de ces deux bâtiments, c'est-à-dire à la fin du 15e s., le niveau de la rue Manceau était plus haut que l’actuel : la rue a donc depuis été décaissée, ce qui explique peut-être le terme de rue Creuse (si on l’entend comme rue creusée). Aucun indice ne permet de connaître avec plus de précision la date de cet aplanissement notamment à cause de la réfection des murs de la clôture et de la façade du 1, rue Racine. Cet important décaissement estimé à environ 220 m3 est également visible plus au sud, sur les murs de

clôtures des 1 et 3, rue Manceau. Là, à en juger par la disposition des chanfreins et la mise en œuvre de la partie inférieure des piédroits des portes, on en déduit que les seuils originels devaient être situés plus haut et qu’ils furent sans doute baissés afin de maintenir les ouvertures en usage. À partir des relevés, il est possible de restituer le profil de la rue avant la fin du 15e s. et de savoir qu’il accusait une pente symétrique à celle encore conservée à l’extrémité sud-est. Sans bien entendu en respecter l’inclinaison, ces deux pentes s’inscrivaient au-dessus de celle de la cavea de l’amphithéâtre ; entre les deux, à l’instar de celui de l’arène, le profil de la rue était plan, comme aujourd’hui : son altitude n’a d’ailleurs sans doute que peu varié puisque, dans l’emprise de l’arène, les niveaux de sol restitués pour les bâtiments datés autours du 13e s. (MA11 : EC 275, MA03 : EC 295 et MA04b : EC 512), oscillent entre 53,50 et 54 m NGF et sont donc identiques à celui de la partie centrale de la rue (pour l’analyse de l’ensemble des transformations topographiques : cf. Partie 2, § 6.3, p. 282) .

4.2.4.3 Fig u re 46 : Restitutio n des pro fils de la r u e Manceau