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Ville et tissu urbain, visées, objets d’étude et méthodes

2 Contexte historique et contexte documentaire

2.2 De l’amphithéâtre antique au quartier canonial : l’objet du sujet

2.2.1 L’occupation antique

2.2.1.1 Avant l’amphithéâtre

Aucune structure protohistorique, ni aucun mobilier gaulois redéposé ne semblent avoir été découverts lors des fouilles réalisées dans l’amphithéâtre (DUBOIS, SAZERAT 1974 ; DUBOIS, SAZERAT 1977), ou aux alentours (JESSET, CHAMPAGNE 1996 ; JOUQUAND, PUGE, BARRET 2001 ; GALINIÉ, LORANS 2007). Dans l’état actuel des connaissances, on pense que l’édifice fut construit sur un terrain jusqu’alors vierge d’aménagement.

Récemment la recherche conjointe de géologues du GéEAC et de Jacques Seigne (LAT) a permis de révéler que tout ou partie de l’amphithéâtre fut implanté dans une montille, c’est-à-dire une petite butte de sable d’origine fluviale (GAY-OVEJERO, MACAIRE, SEIGNE 2007). D’abord réfutée (DUBOIS, SAZERAT 1974 : 70), son existence est désormais assurée par les résultats obtenus à partir de deux sondages carottés qui furent réalisés dans l’arène (dans le jardin du 5, rue Manceau) et dans la cavea9 (dans la cave du 12, rue du Général Meusnier). Les forages ont permis de montrer qu’à 47,10 m NGF le niveau de circulation de l’arène repose directement sur des sables alluviaux fluviatiles, tandis que la cote d’observation des dépôts naturels est située 3,63 m plus haut dans le sondage réalisé dans la cavea. L’amphithéâtre ne fut donc pas rempli de remblais anthropiques, mais véritablement creusé dans une petite colline de sable, saillante par rapport au niveau général de circulation antique observé lors de différentes fouilles (SEIGNE 2007c).

9 Plus précisément dans la partie de la cavea appartenant au premier état de l’amphithéâtre, à proximité de la façade.

2.2.1.2 Les deux états du quartier de l’amphithéâtre

Le premier état de l’amphithéâtre et ses alentours à la fin du 1er siècle

Dans son état originel, l’amphithéâtre formait un édifice ovale déjà important : il occupait une surface de 8270 m2, dont 2670 m2 étaient réservés à l’arène (SEIGNE 2007c). Le grand axe de l’édifice était long de 112 m, tandis que le petit axe s’étendait sur 94 m : ces mesures respectent les rapports de proportion mis en évidence par Jean-Claude Golvin (GOLVIN 1988). Les différentes parties de l’édifice étaient accessibles par quatre couloirs traversants répartis selon les axes cardinaux et quatre autres vomitoires (dits secondaires) exclusivement destinés à accéder à la cavea (Figure 8 et Figure 9 : A). Les recherches récentes ont montré que cet édifice de type massif, c'est-à-dire composé d’une série de structures maçonnées maintenant une énorme masse de terre, fut creusé et non constitué de remblais (cf. Partie 1, § 2.2.1.1, p. 82). La cavea qui aurait pu accueillir jusqu’à 14000 spectateurs ne semble pas avoir disposé de gradins.

À partir de comparaisons avec d’autres amphithéâtres de Gaule, Jacques Seigne propose avec prudence une datation de la seconde moitié du 1er s. en soulignant que de nombreux aspects de ce premier état de l’édifice sont encore mal connus (SEIGNE 2007c).

Figure 8 : L'emprise des deux états de l'amphithéâtre antique de Tours sur une vue aérienne actuelle. En rouge, le premier état de l’édifice, en orange son agrandissement.

L’occupation de la fin du 1er s. est également mal connue autour de l’édifice. La fouille du site 6 a mis au jour des traces d’occupation datées des environs de 70 ap. J.-C., notamment un espace de circulation empierré. Cependant les maçonneries situées en bord de fouille n’ont pas pu être interprétées (GALINIÉ, LORANS 2007 : 83 et pour plus de détails GALINIÉ et al. 1979, 80

et 81 : 1079-1081). Seule l’existence déjà mentionnée de la voie est-ouest alignée sur le petit axe de l’édifice est bien connue pour cette époque (cf. Partie 1, § 2.1.1, p. 71).

L’agrandissement de l’amphithéâtre et ses abords à la fin du 2e siècle

Dans un second temps, l’amphithéâtre fut agrandi par l’ajout d’un maenianum supplémentaire d’une largeur de 18,70 m (Figure 8 et Figure 9 : B). La capacité d’accueil de l’édifice devint alors considérable : multipliant par 2,5 le nombre de places, elle était portée jusqu’à 34000 spectateurs. Le grand axe de l’amphithéâtre s’étendait alors sur plus de 156 m, celle du petit axe sur plus de 134 m. Ces dimensions importantes font de cet édifice l’un des cinq plus grands du monde romain (SEIGNE 2007c).

La fouille du site 6 réalisée au sud de l’amphithéâtre a mis au jour d’importants niveaux de construction datés du 2e s. qui pourraient correspondre au chantier lié à l’agrandissement de l’édifice (GALINIÉ, LORANS 2007 : 83 et pour plus de détails GALINIÉ et al. 1979, 80 et 81 : 1079-1081). Des niveaux semblables de construction ont d’ailleurs pu être identifiés au nord de l’amphithéâtre, à l’occasion de travaux au lycée Paul Louis Courier (site 068) (JOUQUAND, PUGE, BARRET 2001). Ici, comme dans la fouille du site 6, la stratigraphie indique qu’une surface empierrée, sans doute une aire de circulation autour de l’amphithéâtre, scelle ces niveaux de construction.

Sur la foi des quelques observations faites à partir de tranchées, il semble que l’édifice de spectacle nouvellement agrandi était, au 2e s., situé dans un secteur occupé par un habitat domestique. C’est ce que tendent à montrer les structures mises au jour sur le site 068 (JOUQUAND, PUGE, BARRET 2001), et celles découvertes lors du diagnostic du 17, rue Racine qui d’après les auteurs du rapport pourraient correspondre aux thermes d’une domus antérieure au Bas-Empire (JESSET, CHAMPAGNE 1996).

A : Le premier état de l'amphithéâtre de Tours, construit à la fin du 1er s.

B : Le second état de l'amphithéâtre de Tours, après son agrandissement de la fin du 2e s.

C : La fortification de l'amphithéâtre de Tours, à la fin du 3e siècle

Figure 9 : Les trois états de l’amphithéâtre

2.2.1.3 Deux états de l’amphithéâtre fortifié

La fortification de l’amphithéâtre à la fin du 3e siècle

Sous-entendue par Jason Wood dans un premier temps (WOOD 1983 : 45), la fortification de l’amphithéâtre a clairement été démontrée par les recherches conduites par Jacques Seigne (SEIGNE 2007d). En effet, il est maintenant établi qu’un épais mur fut construit dans tout le maenianum extérieur de la cavea et que simultanément l’ensemble fut nivelé, réduisant ainsi considérablement la capacité d’accueil de l’édifice de spectacle (Figure 9 : C). Plutôt qu’un réaménagement de l’édifice, ces importantes transformations pourraient correspondre à un élément de la mise en défense de l’amphithéâtre, avant que celui-ci ne soit intégré dans l’enceinte urbaine.

Il est même possible d’associer la construction de ce mur et les terrassements au creusement du fossé et à l’aménagement du vallum de la seconde moitié du 3e s. découvert lors de la fouille du site 6 (GALINIÉ, LORANS 2007 : 84-87). C’est d’ailleurs dans ce même temps que le bâtiment antique découvert au sud de la fouille fut détruit (GALINIÉ et al. 1979, 80 et 81).

Reprenant l’hypothèse de Jason Wood, Jacques Seigne indique que la Cité pourrait avoir connu une phase de « pré-fortification, limitée à l’amphithéâtre » qu’il est possible de mettre en relation avec le siège de Tours relaté10 pendant l’empire gaulois11 par l’historien grec Eusèbe (WOOD 1983 : 45 et SEIGNE 2007c : 246).

L’intégration de l’amphithéâtre fortifié dans l’enceinte urbaine dans la première moitié du 4e siècle

Si elle marqua profondément la topographie historique de la ville, la construction de l’enceinte urbaine dans la première moitié du 4e s. marqua également l’usage de l’amphithéâtre fortifié (cf. Partie 1, § 2.1.2, p. 72). En effet, au vu de la disposition de la muraille par rapport à celle des vomitoires de l’amphithéâtre, il semble que l’édifice fortifié, situé en vis-à-vis du nouveau pont construit sur la Loire, ait servi de porte monumentale au sud de la Cité (SEIGNE 2007d) (Figure 10). Les trois vomitoires laissés volontairement à l’extérieur de la Cité auraient certainement servi d’accès à l’ancienne cavea qui elle-même desservait le centre de la Cité, en empruntant le vomitoire septentrional. D’après Jacques Seigne, l’intégration de l’amphithéâtre dans l’enceinte ne fut donc pas fortuite : au contraire, selon lui, c’est même la masse colossale de l’amphithéâtre en terre et le fait que l’édifice ait déjà été fortifié qui dictèrent, comme à Trèves, l’implantation de l’enceinte de la Cité. Cette hypothèse fonctionnaliste semble aujourd’hui

10 Référence de la publication d’Eusèbe donnée par Jason Wood : Müller C. - Fragmenta Historicorum

difficile à réfuter, même si Jacques Dubois et Jean Paul-Sazerat arrivaient à des conclusions différentes : ils pensaient, sur la foi de découverte de mobilier antique dans des remblais du vomitoire oriental, que tous les accès avaient été bouchés au Bas-Empire (DUBOIS, SAZERAT 1977 : 368).

Les recherches actuelles n’ont pas permis de reconnaître, dans l’emprise de l’amphithéâtre, des maçonneries construites sur le même modèle que celles des murs de l’enceinte, c'est-à-dire constitués d’une fondation réalisée de blocs de grand appareil en remploi, surmontée d’une maçonnerie en appareil cubique composée de moellons de calcaire scandé par des assises de briques. Sans doute l’amphithéâtre fortifié ne fut-il pas modifié lors de la construction de l’enceinte. En revanche, c’est visiblement cette dernière qui entraîna l’abandon du reste du système défensif (i.e. le fossé et le vallum) (GALINIÉ, LORANS 2007 : 87).

Figure 10 : « Plan restitué de l’enceinte du 4e siècle » (SEIGNE 2007d : 247)

À partir de la construction de l’enceinte, on doit donc distinguer deux secteurs autour de l’ancien amphithéâtre pour lesquels on suppose une occupation différente : un espace intra-muros au nord s’oppose à une zone extra-muros au sud. On connaît mal le secteur situé en dehors de la Cité : on sait simplement que l’ancien système défensif fut abandonné, le fossé servant de

dépotoir, tandis que la voirie fut maintenue (Figure 10). Au nord, autour de la façade de l’amphithéâtre qui fut conservée intacte12, la nature de l’occupation n’est pas connue puisque seules des fosses (JESSET, CHAMPAGNE 1996) et des « terres noires » non interprétées, mais datées entre le 4e et le 5e s., ont été découvertes (JOUQUAND et al. 1999). Il existait pourtant sans doute des bâtiments antiques, comme celui identifié dans les caves des bâtiments orientaux du 7, rue de la Bazoche, à proximité de la poterne de la courtine méridionale.