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Ville et tissu urbain, visées, objets d’étude et méthodes

2 Contexte historique et contexte documentaire

2.3 Les sources de l’étude

2.3.4 Les études antérieures

À de nombreuses reprises, mon travail se réfère à des réflexions ou à des conclusions contenues dans d’autres études réalisées autour du site de l’ancien amphithéâtre. Tous ces travaux ne sont pas égaux et méritent un exposé préliminaire au même titre que les sources écrites, les plans, les fouilles etc. J’ai choisi d’en faire une rapide présentation thématique afin de souligner le contexte de production de chacun en précisant à chaque fois ce qu’ils ont apporté à mon travail. Il s’agit du bilan historiographique du site correspondant à l’emprise de l’ancien amphithéâtre de Tours.

2.3.4.1 La recherche sur l’amphithéâtre antique

Je ne voudrais pas faire une nouvelle présentation des recherches effectuées sur l’amphithéâtre antique de Tours puisque celle-ci a déjà été faite et qu’elle ne paraît pas essentielle à ma thématique de recherche (pour une présentation très précise des recherches du 19e s., voir DUBOIS, SAZERAT 1974 et plus récemment BORDEAUX, SEIGNE 2005). Les principales publications consacrées à la découverte de l’édifice antique sont celles du milieu du 19e s. de la Commission Galembert (GALEMBERT 1853 ; COURTIGIS 1855), puis plus tard, mais dans le même esprit, l’article d’Henry Auvray (AUVRAY 1939). L’enjeu de ces travaux était surtout de prouver, par l’exploration des caves et l’examen de leurs maçonneries, que ce qui passait jusqu’à présent pour des thermes antiques était en fait un amphithéâtre. Ce sont les relevés effectués à l’occasion de ces investigations qui ont permis de dresser les premiers plans de l’amphithéâtre.

Figure 15 : Vestiges existants ou constatés des arènes romaines de Tours. Dessin de Courtigis, 1854, fonds SAT.

Ces publications se sont véritablement concentrées sur les vestiges antiques appartenant à l’amphithéâtre ; elles s’attardent rarement à faire état des maçonneries médiévales et modernes. Ainsi, si les coupes de l’édifice dessinées dans la partie basse de la Figure 15 représentent le bâti implanté sur le monument, leur examen montre qu’il s’agit uniquement d’un « décor » qui, loin de la réalité, ne repose sur aucun relevé précis.

Plus récemment, Jean-Paul Sazerat et Jacques Dubois ont publié une série d’articles à la suite de leurs fouilles des années 1960 et 1980 (d’abord un projet de demande de financement non publié : Un monument méconnu…1964 , puis deux articles : DUBOIS, SAZERAT 1974 ; DUBOIS, SAZERAT 1977). Les publications reposent sur des relevés plus précis, mais l’absence de méthode stratigraphique dans la fouille rend douteuses les conclusions des auteurs. Contrairement aux publications précédentes, les auteurs s’attardent parfois à décrire les maçonneries médiévales ou « renaissance », ainsi que les principaux objets découverts lors de leurs sondages : mais là encore les remarques et les datations ne sont pas suffisamment étayées pour être prises en compte dans l’analyse en tant que telles.

Enfin, il y a peu, Jacques Seigne a publié plusieurs articles assez courts qui s’intéressent exclusivement aux différents états architecturaux de l’amphithéâtre. Même s’il ne présente aucun relevé, mais directement les plans restitués, il s’agit à ce jour de la synthèse la plus aboutie concernant l’édifice gallo-romain (BORDEAUX, SEIGNE 2005 ; SEIGNE 2007c ; SEIGNE 2007g ; SEIGNE 2007d).

2.3.4.2 L’étude du rempart par Jason Wood

L’étude du rempart antique de Tours a été réalisée par Jason Wood en 1981, puis publiée deux ans après dans le deuxième volume de la collection Recherches sur Tours (WOOD 1983). Ce travail, dont il faut souligner la grande rigueur, concerne à la fois le fonctionnement de l’enceinte, son rapport à la ville, mais aussi les techniques de construction mises en œuvre ; l’analyse repose pour cela sur de nombreux relevés et l’ensemble dépasse la simple description architecturale. Les récents travaux de Jacques Seigne ont permis d’étayer certaines hypothèses faites par Jason Wood, notamment sur la place de l’ancien amphithéâtre dans la fortification ; en revanche, la restitution de l’enceinte et notamment la scansion proposée des tours au terme de l’étude a été complètement réinterprétée par Jacques Seigne (SEIGNE 2007d).

D’autre part, la chronologie de la partie de l’enceinte correspondant à la saillie formée par l’ancien amphithéâtre a été revue en intégrant des observations sur les maçonneries médiévales et modernes (cf. Partie 2, § 4.3, p. 204) ce que Jason Wood n’a pas fait dans son étude où seules les parties antiques sont prises en compte.

2.3.4.3 L’étude du bâti médiéval : l’« édifice majeur inconnu à Tours sur le site de l’amphithéâtre (4 bis rue Manceau) »

Il n’existe qu’un seul article concernant les maisons qui furent construites sur l’ancien amphithéâtre de Tours. Il s’agit d’une courte note (4 pages) récemment publiée par l’abbé Jean-Paul Sazerat dans le BSAT de 2005 (SAZERAT 2005), d’après ses « souvenirs » c'est-à-dire plus de 20 ans après ses dernières fouilles (cf. Partie 1, § 2.3.1.1, p. 93). Le texte regroupe des observations et des remarques générales sur l’ancienne propriété correspondant à la réunion des

actuels 4bis et 6, rue Manceau ; mais plus qu’une analyse de la construction, l’objet de l’article est surtout un appel à son étude.

2.3.4.4 Les travaux sur le quartier canonial

Il existe deux travaux universitaires qui ont été consacrés au quartier canonial de Gatien. Le premier est un mémoire d’histoire moderne intitulé Les chanoines du chapitre Saint-Gatien de Tours au 16e s. Ce travail fut réalisé par Florence Merceron en 1982 à partir de trente-et-un testaments de chanoines rédigés entre 1503 et 1620 (MERCERON 1982). Malgré son ancienneté, j’ai essentiellement utilisé ce travail pour les informations qu’il contient à propos du groupe social formé par les chanoines. Ces renseignements, très clairs et appuyés sur de nombreuses sources, sont contenus dans les chapitres 2 et 3 du mémoire : c'est-à-dire respectivement la partie dédiée à la fortune des chanoines et celle autour de la vie du cloître.

Le second travail est bien plus important et son sujet fait qu’il me fut plus directement utile. Il s’agit de la thèse inédite L’évolution topographique de la Cité de Tours, des origines au 18e s. soutenue il y a tout juste vingt ans par Claire Mabire La Caille à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne (MABIRE LA CAILLE 1988). Comme le titre l’indique, le thème fut celui de l’ensemble de la Cité : l’étude ne fut donc pas focalisée sur l’ancien amphithéâtre qui fut traité avec l’ensemble. Il n’est pas question de remettre en cause les qualités documentaires de ce volumineux travail, mais il faut néanmoins reconnaître que les analyses sont parfois un peu hâtives et, dans certains cas, souffrent de leur ancienneté. J’ai cependant eu très souvent recours à ce travail, notamment pour la partie consacrée au chapitre métropolitain de Tours et au cloître cathédral (MABIRE LA CAILLE 1988 20-66). La majeure partie de ce chapitre se fonde sur l’analyse de textes médiévaux, et vise à reconstituer l’évolution de l’emprise du cloître. Une lecture attentive de la démonstration proposée par Claire Mabire La Caille oblige à la prudence, car si, dans l’ensemble, l’analyse est fondée et convaincante, certains aspects sont fragiles et peu crédibles. Un bilan critique cherchant à faire la part de ce qui est probable, de ce qui est jugé trop douteux, est présenté dans la partie de synthèse topographique (cf. Partie 2, § 5.2, p. 217).

Dans les même termes, mais dans une moindre mesure, j’ai également utilisé les chapitres concernant le groupe épiscopal et Saint-Martin-de-la-Bazoche (MABIRE LA CAILLE 1988 pages 68-98 et 100-119).

2.3.4.5 Les documents à visée patrimoniale

Même si ces documents n’ont eu qu’un intérêt limité dans l’étude, j’ai jugé utile de les présenter puisqu’ils reflètent la valeur patrimoniale du site que l’on imagine dépendante de l’état de la recherche.

Le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur

En 1973, 95 ha de la ville de Tours furent concernés par la mise en place du Secteur Sauvegardé. La réalisation du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV), c'est-à-dire du document d’urbanisme substituant le Plan d’Occupation des Sols (POS), fut confiée à l’architecte Pierre Boille. Il fut rénové en 1991 sous la direction de Michel Conaut, puis à nouveau en 2001 à l’occasion du passage du POS au Plan Local d’Urbanisme (PLU) : à cette occasion le secteur sauvegardé fut également agrandi.

La mise en place du PSMV s’est accompagnée d’un inventaire sommaire de chaque parcelle. Chaque bâtiment fut sommairement décrit dans sa configuration de 1973 (BOILLE 1973) ; parfois, pour certains, une datation fut proposée. Toutefois la plus grande prudence s’impose face à ces informations parfois surprenantes qui ne sont jamais étayées. Cependant, même s’il s’agit d’un document d’urbanisme dans lequel les informations sur les bâtiments sont très sommaires, certaines études du bâti se réfèrent parfois aux notices, notamment afin de renseigner les transformations les plus récentes, celles du 20e s.

Les dossiers des Monuments Historiques

Des 22 propriétés inscrites sur l’amphithéâtre antique de Tours, aucune ne possède de bâtiments classés au titre des Monuments Historiques. En revanche, plusieurs parties d’immeubles sont inscrites sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques (Figure 16). Parmi les bâtiments contenus dans l’emprise de l’ancien amphithéâtre, ce type de protection concerne : la façade et la toiture de l’oratoire du 5 rue Manceau (arrêté du 23 août 1946) ; la porte d’entrée du 10, rue du Général Meusnier (arrêté du 8 juillet 1946) ; la façade septentrionale du 12, rue du Général Meusnier (arrêté du 8 juillet 1946) ; les façades nord-ouest et nord-est ainsi que la toiture du 1, place Grégoire de Tours (arrêté du 8 juillet 1946) . Toutes les notices qui renseignent ces bâtiments ont été rédigées en 1968 par Pierre Level, avant leur inscription. Ces notices sont très sommaires et peu utiles à l’analyse archéologique du bâti ; cependant les photos qui y sont annexées sont parfois précieuses.

Figure 16 : Localisation des bâtiments protégés au titre des Monuments Historiques et de ceux recensés par l’Inventaire.

Les enquêtes du service de l’Inventaire

Les premières notices de l’Inventaire des maisons construites sur l’ancien amphithéâtre datent de 1986. Marie-Thérèse Réau a rédigé les enquêtes des propriétés situées au 4bis et 6, rue Manceau, de l’église des Lazaristes (12, rue du Général Meusnier), du 10, rue du Général Meusnier et du 5, rue de la Bazoche ainsi qu’un court dossier sur l’ancienne collégiale de la Bazoche. Ce pré-inventaire fut complété en 1992 par Christine Toulier, avec l’ajout d’une notice concernant la vaste propriété située au 11 rue Manceau (Figure 16).

Ces notices sont très succinctes : elles présentent en quelques lignes chaque bâtiment en insistant sur les principales périodes de construction. Comme pour les informations contenues dans le PSMV, aucun argument n’est véritablement développé. Par exemple, la propriété du 11, rue Manceau est décrite comme un « hôtel du 15e siècle construit sur les vestiges de l’amphithéâtre gallo-romain de Caesarodunum (murs d’un vomitoire ? ) ; très remanié au 19e s. » (TOULIER 1992). Ces indications se révèlent rarement utiles lors d’une étude archéologique du bâti, même s’il faut souligner que les transformations du 19e et du 20e s. sont souvent mieux documentées, notamment lorsque les dossiers sont accompagnés de photographies anciennes.

2.3.5 Conclusion

L’étude mobilise la plupart des catégories de sources habituellement appelées dans les études d’archéologie urbaine (GALINIÉ 2000) : sources matérielles, issues des fouilles ou de

l’architecture ; sources écrites ; sources iconographiques et notamment planimétriques. Chacune dispose d’une identité qui lui est propre et renseigne différemment tel ou tel aspect de l’objet d’étude. La modélisation des données puis leur analyse ont précisément permis de connaître la part exacte que chacune représente dans la documentation de la formation du tissu urbain de l’ancien amphithéâtre de Tours (cf. Partie 3, § 7.1.1.2 et 7.1.1.3, p. 302 et p. 306).

À partir des présentations précédentes, il est possible de formuler quelques remarques sur l’état de la documentation. Ainsi, on constate qu’avant le milieu du 18e s., les sources écrites et les sources planimétriques qui documentent le tissu urbain sont peu nombreuses, alors que les autres sources iconographiques, qui n’apparaissent qu’à partir du milieu du 19e s. (dessins, photographies), sont essentiellement illustratives et peu heuristiques. Les sources archéologiques issues des fouilles sont également peu nombreuses à être mobilisées puisque les opérations menées selon une approche scientifique ont été réalisées en dehors de l’emprise de l’ancien édifice de spectacle. En revanche, l’architecture représente un potentiel fort, non seulement parce que la majorité des 22 maisons recouvrant l’ancien amphithéâtre conservent des vestiges d’états antérieurs, mais aussi parce que, contrairement au sous-sol, il s’agit d’une source plus accessible, mais pas toujours facilement. À ce sujet, plusieurs précisions concernant l’acquisition des données méritent d’être formulées.