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Ville et tissu urbain, visées, objets d’étude et méthodes

2 Contexte historique et contexte documentaire

2.3 Les sources de l’étude

2.3.1 Les sources matérielles

Les sources matérielles mobilisées dans le cadre de cette étude se divisent en deux catégories étroitement liées : les études du sol (c'est-à-dire stratigraphiques) et celles du bâti. Contrairement aux premières qui ne peuvent être connues que par la fouille ou par la réalisation de sondages et dans une moindre mesure par des prospections géophysiques, le bâti apparaît comme une source particulière parce qu’interrogeable directement (GALINIÉ, RODIER 2002 : 3). En apparence seulement, puisque bien souvent il existe une stratification propre aux maçonneries (bouchages, placages, enduits, etc.) qui ne rend pas toujours leur lecture exhaustive immédiate.

Pour des raisons évidentes de mise en œuvre pratique, aucune fouille ne fut engagée dans le cadre de mon étude ; celle-ci s’est plus raisonnablement restreinte à l’étude de l’ensemble du parc bâti en bénéficiant parfois de conditions très favorables, notamment lors de travaux de réaménagement. Pourtant, depuis le 19e s., plusieurs fouilles ou sondages ont été conduits dans ou autour de l’amphithéâtre. J’ai cherché dans la mesure du possible à intégrer les résultats de ces interventions dans mon analyse, mais la qualité des informations ne le permettait pas systématiquement : une présentation critique sous la forme d’un bilan historiographique s’impose.

2.3.1.1 Les fouilles et les sondages archéologiques

Pas ou peu de fouilles ont été menées au 19e s. dans l’emprise de l’amphithéâtre ou en périphérie. Avant 1853, on pensait que les vestiges étaient ceux de thermes antiques mais aucune fouille ne fut réalisée ; l’identification de l’édifice antique n’a pas suscité de fouilles, même si le

projet colossal de raser le quartier afin de dégager l’amphithéâtre fut envisagé. En 1857, la construction de l’église des Lazaristes (à l’actuel 12, rue du Général Meusnier) puis, en 1858, celle de Notre-Dame-de-la-Salette (à l’actuel 6, rue Manceau) permirent la mise au jour des maçonneries dont l’interprétation fut d’emblée celle de « murs romains ». Toutefois ces découvertes ne s’inscrivaient pas dans une démarche de fouille archéologique.

D’après Claire Mabire La Caille, au début du 20e s. le Baron Henri Auvray procéda à des fouilles dans l’ancienne collégiale de la Bazoche. Il y retrouva l’ancienne église, mais jamais ne publia ses notes14. En revanche, à la lecture de son article intitulé La Touraine gallo-romaine, on sait qu’il fouilla au milieu du couloir septentrional, à l’extrémité du couloir occidental et au 12 rue du Général Meusnier (AUVRAY 1939). Aucun dessin ne fut publié à cette occasion et, sans consulter ces notes manuscrites, il n’est pas possible de connaître le résultat ou l’emplacement exact de ces fouilles15.

Les premières fouilles furent entreprises en 1962 au 6, rue Manceau sous la direction de Jean-Paul Sazerat. D’abord réalisées par une équipe de cinq scouts puis du Club archéologique du lycée Paul-Louis Courier, ces fouilles furent les premières d’une longue série qui conduisit à creuser, jusqu’en 1983, le sous-sol de nombreuses propriétés inscrites sur le site de l’amphithéâtre (Figure 13). Le résultat de ces fouilles et des observations faites sur les maçonneries antiques a été publié en deux articles sous le titre L’amphithéâtre de Tours (DUBOIS, SAZERAT 1974 puis DUBOIS, SAZERAT 1977) : évidemment les six années de fouilles réalisées après la publication du second article (c'est-à-dire entre 1977 et 1983) manquent. La lecture des sept carnets de notes tenus principalement par Jean-Paul Sazerat renseigne sur ces dernières années de fouilles (Carnets de fouilles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de 1972 à 1983) ; leur consultation permet aussi de mieux exploiter les résultats des très nombreux sondages qui furent réalisés par les lycéens durant les vingt-et-une années de mercredi, de vacances et de jours fériés passés à fouiller.

Toutefois, la rigueur méthodologique actuelle oblige à être très prudent dans l’exploitation des informations contenues dans ces carnets, notamment parce que les fouilles ne furent pas menées en tenant compte de la stratification et que leur objet était clairement la découverte de maçonneries antiques. L’absence de relevés systématiques et la disparition du mobilier limitent considérablement l’interprétation que l’on peut faire de ces notes. Cependant, à la marge, les remarques ou les croquis se sont parfois révélés très précieux.

14 Claire Mabire La Caille dit avoir photocopié ces notes et en avoir versé une copie dans la bibliothèque du LAUT, sous la cote 163 (MABIRE LA CAILLE 1988 : note 90). Or, après le dépouillement de ce riche fonds qui contient effectivement les notes d’Henry Auvray, force est de constater qu’il n’existe ni croquis, ni mention de fouilles réalisées dans l’ancienne collégiale Saint-Martin-de-la-Bazoche.

15 Dans leur article de 1974, Jacques Dubois et Jean-Paul Sazerat indiquent avoir consulté les notes d’Henry Auvray concernant ces fouilles : « elles contiennent de nombreux croquis encore au brouillon, mais clairs et intéressants » (DUBOIS et SAZERAT 1974 : 43).

D’autre part, l’exploitation de ces données n’est pas allée jusqu’à la reprise de ces fouilles anciennes. En effet, si la plupart des sondages réalisés par le Club archéologique du lycée Paul-Louis Courier sont désormais rebouchés, les coupes de ceux laissés ouverts ne sont pas accessibles et auraient du être nettoyées avant d’être relevées (au 5, rue Manceau). Ceci aurait obligatoirement nécessité une demande d’autorisation : cette démarche ne fut pas engagée vu les faibles résultats attendus.

Figure 13 : Localisation des différentes fouilles réalisées dans et autour de l'ancien amphithéâtre de Tours.

La campagne de sondage de Jean-Paul Sazerat s’est arrêtée en 1983 et, depuis, aucune autre fouille ne fut réalisée dans l’emprise de l’amphithéâtre. Celui-ci a pourtant pu être approché par trois opérations archéologiques réalisées dans sa périphérie : une fouille menée de 1978 à 1982 par Henri Galinié et Élisabeth Lorans sur le site 6 ; une fouille d’évaluation ou plutôt une surveillance de travaux conduite par Anne-Marie Jouquand lors de l’extension du Lycée Paul Louis Courier en 2000 (site 68) et un diagnostic réalisé par Agnès Couderc et Nicolas Fouillet lors de la reconstruction d’une salle de projection au cinéma Les Studios en 2003 (site 071). Les résultats de ces fouilles, inégales par leur ampleur, sont parfaitement accessibles et exploitables : les deux fouilles AFAN / INRAP ont chacune fait l’objet d’un rapport d’opération (JOUQUAND,

PUGE, BARRET 2001 ; COUDERC, FOUILLET 2003), tandis que la fouille du site 6 a été publiée au fur et à mesure de l’opération, puis récemment synthétisée (GALINIÉ et al. 1979, 80 et 81 ; GALINIÉ, LORANS 2007).

D’autres sondages, plus éloignés de l’amphithéâtre mais situés dans l’emprise de l’ancien quartier canonial, ont été réalisés en deux temps dans la parcelle du 17, rue Racine (1987 et 1995). La seconde campagne, la plus importante, fut conduite par Sébastien Jesset et Véronique Champagne de l’AFAN et s’accompagna d’une étude documentaire qui concerne essentiellement les transformations de la parcelle aux 19e et 20e s. (JESSET, CHAMPAGNE 1996).

Les sondages géologiques

À ces différentes investigations archéologiques s’ajoutent deux sondages géologiques réalisés par le GéEAC dans l’emprise de l’ancien amphithéâtre (GAY-OVEJERO, MACAIRE, SEIGNE 2007). L’objectif de ces deux carottages effectués, pour l’un, dans la cave du 12, rue du Général Meusnier, pour l’autre, dans le jardin du 5 rue Manceau, était d’identifier la présence ou non d’une montille et non de comprendre la nature des niveaux anthropiques.

2.3.1.2 Le bâti archéologique

Le recours majoritaire au bâti participe à l’originalité de ce travail. En effet, l’ensemble des constructions antérieures à la fin du 18e s. a été étudié selon le même intérêt, qu’il s’agisse d’une maçonnerie percée d’une baie géminée du 13e s., d’une charpente du 15e s., ou d’une façade de la seconde moitié du 18e s.

Actuellement le bâti est réparti sur 22 propriétés situées rue de la Bazoche, rue du Général Meusnier, place Grégoire de Tours, rue Manceau ou rue Racine. De l’ensemble, seules quatre parcelles ne disposent plus de maçonneries anciennes en élévation. À l’exception d’une seule (2, rue du Général Meusnier), toutes conservent des éléments anciens dans leurs niveaux de sous-sol. Ceci forme un important corpus qui concerne plus de 4800 m2 de surface au sol de bâtiments construits avant la fin du 18e s., ce qui représente à peu près 78 % de la surface des constructions actuelles (Figure 14). La valeur élevée de ce taux montre que le potentiel bâti est fort dans ce quartier, mais sans doute pas davantage que dans le secteur autour de Saint-Martin. Par ailleurs, en comparant les plans de la fin du 18e s. au cadastre actuel, on remarque que la représentativité du corpus est assez bonne puisque 80 % de la surface bâtie de la fin du 18e s. est encore conservée. Ceci dit, il serait erroné de croire que seulement 20 % des maçonneries ont été détruites au 19e et 20e s. puisque, dans cette valeur, les reprises ne sont comptabilisées alors qu’elles furent parfois très importantes, comme lorsqu’une façade entière fut abattue et remplacée par une autre.

Figure 14 : Le parc bâti antérieur au 19e s. situé sur l’emprise de l’ancien amphithéâtre de Tours.

Ce fort potentiel a pourtant longtemps été sous-estimé, comme en témoigne l’absence d’études antérieures ; seule une récente note concerne le 4bis, rue Manceau (SAZERAT 2005). Il faut également souligner le faible nombre de bâtiments recensés par le service de l’Inventaire (pour une présentation des études antérieures, cf. Partie 1, § 2.3.4, p. 108).

En dehors des bâtiments situés sur ces 22 propriétés, une autre construction a été prise en compte dans l’analyse. Il s’agit de l’ancien palais épiscopal (aussi dit Synode) situé dans l’angle nord-est de l’îlot de l’ancienne propriété archiépiscopale, aujourd’hui musée des Beaux-Arts (Figure 14). Je n’ai pas moi-même étudié ce bâtiment construit en partie sur l’emprise de l’ancien amphithéâtre, mais je me suis appuyé sur l’étude de la façade occidentale réalisée à l’occasion de restaurations en 2001 (SAINT-JOUAN (DE) et al. 2001).

Enfin, le bâti ancien pris en compte dans l’étude concerne également la portion de rempart correspondant à la saillie de l’amphithéâtre, c'est-à-dire entre la rue de la Porte Rouline et la courtine rectiligne du rempart du Bas-Empire (Figure 14). Le tracé de ce mur correspond à la façade de l’ancien amphithéâtre qui fut restaurée à de très nombreuses reprises. Une partie des maçonneries hétérogènes qui composent actuellement ce mur fut analysée par Jason Wood et publié en 1983 (pour un bilan, cf. Partie 1, § 2.3.4.2, p. 110). L’étude a été revue et complétée par l’analyse des maçonneries médiévales.