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Grenoble après Lesdiguières

A) La route des cinq compagnies du régiment de Tallard :

a) Le système des étapes :

Le système des étapes trouve ses origines en France, dans la première moitié du XVIe siècle. À cette époque, le royaume commençait à trouver son unité (tant territoriale, qu’administrative) alors que les rois de France expédiaient des troupes aux marges de celui-ci, pour des guerres étrangères comme celles d’Italie66. Les armées, pour joindre un théâtre d’opérations, durent à partir des années 1540 suivre un ordre de marche dressé généralement, par le lieutenant général de la province qu’elles traversaient. La mise en place de ce système avait pour double objectif , de faciliter leur acheminement d’un point à un autre, tout en évitant que celles-ci ne vivent sur le pays en territoire ami. Les distances entre deux étapes étaient en moyenne de cinq lieues, soit une vingtaine de kilomètres.

La ville ou le village qui hébergeait et entretenait les soldats était désigné sous le terme de « chef d’étape »67. Ainsi pour la période étudiée, Grenoble le fut au moins par deux fois : la première lors du passage des compagnies du régiment du vicomte de Tallard, la seconde lors des quartiers d’hiver du régiment du comte de Sault (de septembre 1628 à février 1629).

66 Jean CHANIOT in Dictionnaire de l’Ancien Régime, Lucien BÉLY (dir.), p. 505.

67 Auguste PRUDHOMME, Inventaire…, t. 2, p. 173 ; AMG, CC 772, « Compte de Sieur Laurent Roux…», f° 2 r°.

Les diverses prestations fournies par le lieu où logeaient les troupes étaient remboursées au moyen d’une contribution sur une partie, voire sur l’ensemble de la province traversée68. Par cette répartition appelée « régalement » ou « département », les autorités cherchaient à éviter que les villes et les villages se trouvant sur la route des armées ne soient les seuls et les plus lourdement imposés. Toutefois malgré ces précautions, cette répartition n’en resterait pas moins très inégalitaire en Dauphiné, en raison du système de la taille personnelle qui dominait dans la province.

b) Marche sur le Gapençais :

Au printemps de l’année 1628, afin de dissuader les protestants du Gapençais et de l’Embrunois de se joindre au duc de Rohan, le maréchal de Créqui fit renforcer la présence de soldats dans ces parties de la province. À cet effet, cinq compagnies du régiment du vicomte de Tallard69 quittèrent le Bas Dauphiné pour rejoindre Gap,

à la fin du mois d’avril.

Ces compagnies comptaient chacune sur le papier une centaine d’hommes70. Toutefois il est probable que ces hommes furent aussi accompagnés d’une troupe de valets, de vivandières, de femmes et d’enfants, comme pouvaient l’être les armées de l’époque71. Armées principalement composées de mercenaires, qui se déplaçaient ainsi avec familles et domestiques.

Deux de ces compagnies logeaient à Saint-Antoine la veille de leur départ, les trois autres à Saint-Marcellin. Elles avaient respectivement pour capitaine : les sieurs de Lartaudière et de Piémont, ceux de Saint Praire, de Miame et de Roison72.

Après s’être jointes à Saint-Marcellin, d’où elles partirent le 20 avril 1628, elles marchèrent ensemble jusqu’à Gap en suivant la feuille de route dressée par le maréchal de Créqui. Chaque capitaine disposant d’un exemplaire de celle-ci, où

68 Jean CHANIOT in Dictionnaire de l’Ancien Régime, Lucien BÉLY (dir.), p. 505..

69 Etienne de Bonne d’Auriac, vicomte de Tallard depuis 1600, était un cousin du feu connétable de

Lesdiguières. Ligueur et un temps ennemi de son cousin huguenot, il se réconcilia avec lui et devint un de ses lieutenants. Maréchal de camp en 1628, il possédait un régiment qu’il mit à la disposition du maréchal de Créqui en Dauphiné. Stéphane GAL, Lesdiguières…, p. 58 ; Joseph ROMAN, Tableau

historique du département des Hautes Alpes, p. 107.

70 Auguste PRUDHOMME, Inventaire…, t. 2, p. 173 ; AMG, CC 772, «Parcelle des frais sup- portés...», f° 1v°.

71 Jean CHANIOT, ibid., p. 82.

figurait leur ordre de marche73. Selon cette feuille de route, les compagnies devaient faire six étapes pour rejoindre Gap. Ces étapes et les distances à parcourir étant les suivantes74: - De Saint-Marcellin à Tullins : ≈ 20 km. - De Tullins à Grenoble : ≈ 30 km. - De Grenoble à la Mure : ≈ 40 km. - De la Mure à Corps : ≈ 30 km. - De Corps à Saint-Sauveur : ≈ 80 km. - De Saint-Sauveur à Gap : ≈ 20 km.

Toutefois dans les faits et en raison de certaines distances, les compagnies firent aussi étape à Champ avant de joindre la Mure75, et probablement dans

plusieurs lieux (comme Saint-Bonnet) entre Corps et Saint-Sauveur.

Sur cette feuille de route, le maréchal de Créqui demandait aussi « aux con- sulz et habitants des lieux de la susdite routte [sic] de fournir lougis et vivres » aux compagnies « pour une couche et disné le lendemain ». Le tout pour un montant de

« huict solz par jour » et par soldat fixé par le lieutenant général76. Ces cinq

compagnies disposant en outre « de quatre vingtz chevaulx qu’y estoient aux cap- pitaines, lieutenants, enseignes et sergents » pour la monte ou le transport des bagages, leurs hôtes devraient aussi fournir le foin et l’avoine à ces bêtes, et ce « à

raison de quinze soubz pour cheval »77. Frais supplémentaires pour les villes et vil-

lages où passaient les compagnies, qui ne figuraient pas sur leur feuille de route. Le vendredi 21 avril 1628, en fin d’après midi, ces dernières arrivaient à Grenoble par la porte de France…

73 AMG, CC 772, liasse non numérotée ; voir annexe 9 : route des cinq compagnies…, p. 183. 74 Voir annexe 9bis : carte de la route des cinq compagnies…, p. 184.

75 AMG, CC 772, «Parcelle des frais supportés...», f° 1v°. 76 AMG, CC 772, liasse non numérotée ; voir annexe 9 : ibid. 77 AMG, CC 772, «Parcelle des frais supportés...», f° 1v°.