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Grenoble après Lesdiguières

B) Grenoble ville imprenable ?:

a) L’état des portes en janvier 1630 :

Lors du conseil ordinaire du 5 janvier 1630, le nouveau premier consul, Pierre de Bardonnèche, expose que « les ponlevis [sic] et porte de ceste ville sont en très

mauvais estat ne pouvant plus servir »52. Remarque surprenante quand l’on connaît

les mesures prises plus d’un an et demi plus tôt, autant que la situation dans la pro- vince et aux frontières de celle-ci depuis le printemps 1628. De plus, si l’on s’en tient à ce qui fut noté dans la partie « dépenses » des deniers communs de la ville (cou- rant de septembre 1627 à octobre 1629), il s’avère que des artisans furent payés pour avoir fait des réparations aux entrées de la ville, dont parmi ceux-ci53 :

- Le serrurier Nicolas Bourdet, qui toucha 137 livres et 11 sous « pour fere- ment, serure et cloux qu’il a fournis pour les palissades des clédatz des portes de Bonne et Trescloystre ».

- Le maçon Abraham Isaak, qui toucha 30 livres et 12 sous « pour avoir mis et posé les pierres nécessaires aux clédatz des portes de ceste ville et au quaix ».

- Le charpentier Jean Vachier, qui toucha la somme de 336 livres et 2 sous « pour les réparations qu’il a faictes aux portes, pontz levis de ceste ville ».

Malversations, négligences ? Sans aller jusque-là, il est possible qu’aux portes et ponts-levis, une partie seulement des travaux fut effectuée, et que les som- mes versées ne concerneraient ainsi, que le règlement de ces derniers. Mais reste à

51 Auguste PRUDHOMME , Inventaire…, t. 1, p. 133 ; AMG, BB 95, ff° 87r°-87v°. Rien ne semble

nous indiquer par la suite, si le maréchal de Créqui déchargea effectivement la ville de ces réparations.

52 AMG, BB 97, f° 1v°.

connaître les raisons de ce retard, quand on sait que la ville avait emprunté l’argent nécessaire au paiement de la totalité des travaux. Il existerait quelques hypothèses, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement…

Si nous n’avons aucun détail sur l’aboutissement des autres travaux (théori- quement engagés eux-aussi à partir de 1628), ces informations peuvent déjà nous renseigner sur l’état des défenses de la ville durant la période étudiée. Visiblement elles ne furent jamais en état de service, les consuls semblant même faire preuve de mauvaise volonté par moment, comme dans le cas des chaînes sur l’Isère.

b) Ces chaînes qui entravent le commerce :

Afin de gêner la progression d’un éventuel assaillant, il existait à l’époque plusieurs types de chaînes à Grenoble. Celles que l’on plaçait en travers des rues d’abord, qui avaient pour but de ralentir dans la ville les piétons mais surtout les cavaliers. Celles ensuite que l’on plaçait en travers de l’Isère, et qui devaient pro- téger Grenoble d’un assaut venant de la rivière.

Une ordonnance du maréchal de Créqui, datée du 13 octobre 162854, deman- dait « aux consulz de ceste ville de Grenoble de mettre promptement en estat les chaynes des rues de ladite ville, aultrement et à faute de ce » elles seraient confiées « à la diligence du sieur de Laffrey, sergent majour [sic] d’icelle aux despens desditz consulz ». Cette demande pressante au sujet de la remise en état des chaînes des rues, ne semble pas avoir fait l’objet de protestations en conseil de la part des consuls. Il en fut tout autrement pour la question des chaînes sur l’Isère.

Ainsi, lors du conseil de quarante du mardi 17 octobre 162855, par autre or- donnance (elle aussi datée du 13 octobre) le maréchal de Créqui manda « au consulz de ceste ville de fer mettre sur pied les chaynes de fert [sic] sur l’Izère ». C’est à dire, celle « du cousté de la Perière » et celle « de la porte du Saint Laurentz », et de faire engager pour cela les réparations nécessaires. En particulier de changer les poteaux en mauvais état, qui soutenaient les chaînes.

Ces chaînes, dont une fut installée à l’initiative de Lesdiguières56, avaient déjà été source de conflits par le passé entre la ville et le connétable57. Cette dernière

54 Auguste PRUDHOMME , Inventaire…, t. 3, p. 138 ; AMG, EE 18, ordonnance n° 230. 0. 55 A. PRUDHOMME , ibid., t. 1, pp. 133-134 ; AMG, BB 95, ff° 194v°-195r°.

56 Celle de la Perrière. Nathalie LIAUD, Les relations entre Lesdiguières… , p.31. 57 Ibid.

craignant en effet, que ce dispositif n’en vienne à gêner le commerce et l’activité économique de la ville. L’Isère étant encore au XVIIe siècle, pendant ses périodes de navigabilité (au printemps et en automne), un des principaux axes de communication entre Grenoble et le reste de la province.

Si les poteaux furent bien remplacés dès la fin du mois d’octobre 162858, les chaînes ne furent pas pour autant remises en place. Les consuls invoquant pour celle de la Perrière, les difficultés que causerait à la navigation la présence de cette chaîne, dans un secteur déjà encombré par les piliers du nouveau pont de pierre59. Pont dont la construction avait commencé sous Lesdiguières, et qui faute de moyens, n’avait toujours pas en 1628 de tablier60. Toutefois, s’il est possible que le maréchal de Créqui accepta les arguments des consuls pour la chaîne de la Perrière, cela ne fut pas le cas pour celle de la porte Saint-Laurent (sans doute plus exposée à une éven- tuelle attaque savoyarde). Si celle-ci ne fut probablement réinstallée qu’au printemps 1629 (dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons), il n’en demeure pas moins que l’année suivante, elle fut à nouveau sujet à polémiques entre la nouvelle équipe consulaire et le lieutenant général.

En janvier 1630, cette chaîne fut de nouveau retirée temporairement pour quelques travaux d’entretien61. Celle-ci fut alors entreposée par les soins de quelques-uns, à l’abri des regards, dans la basse-cour de la maison de ville62. Mais c’était sans compter sur la vigilance du comte de Sault, qui remplaçait à cette période le maréchal de Créqui63. Au printemps 1630, sans que l’on sache vraiment si les travaux avaient été effectivement effectués, la chaîne n’était toujours pas remise en place sur l’Isère. Le 6 avril, le comte rappelait alors les consuls à leur devoir64. Ces derniers, après les protestations habituelles (gêne pour le commerce, coût pour la ville…), sembleraient cette fois avoir obtempéré sans faire plus de difficultés65… car la donne entre-temps avait changé.

58 AMG, CC 768, ff° 119v°-120.

59 Auguste PRUDHOMME , Inventaire…, t. 1, pp. 133-134 ; AMG, BB 95, f° 195r°. 60 Nathalie LIAUD, Les relations entre Lesdiguières…, p.31-32.

61 AMG, BB 97, f° 2r°. 62 AMG, BB 97, f° 51r°.

63 Ce dernier participant alors aux opérations militaires en Italie, au côté du cardinal de Richelieu. 64 AMG, BB 97, f° 51r°.

Si la question des chaînes sur l’Isère serait aussi nous le verrons, au cœur d’une autre affaire, la manière dont le conseil et les consuls cherchèrent à éviter leur mise en place, nous révèle une partie de leur état d’esprit durant la période. En effet, si dans un premier temps certains au sein de la maison de ville semblèrent se méfier des protestants, on ne peut pas dire que par la suite, ils eurent à souffrir d’une fièvre obsidionale. Mais si leurs soucis étaient ailleurs, ils étaient toutefois tous, de manière directe ou indirecte, liés à la guerre. Parmi ceux-ci, celui du logement et de l’entre- tien des armées.

2. En deçà des monts

Durant la période étudiée, Grenoble à l’instar des autres villes et villages de la province, allait participer aux opérations militaires aux frontières de celle-ci. Cette participation se traduisit par une contribution aux étapes, en logeant et en entretenant des soldats, ainsi qu’en assurant une part du ravitaillement en vivre des armées dans la province. Mais la ville serait aussi amenée à fournir hommes et animaux, pour des tâches diverses.

2.1 Une ville étape :