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Grenoble après Lesdiguières

B) Des bourgeois sous les armes :

a) Défendre sa ville, son quartier, son foyer :

Comme dans les autres villes du royaume, les habitants de Grenoble devaient assurer théoriquement eux-mêmes la défense de leur ville. Cette caractéristique faisant partie de ces libertés urbaines qui différenciaient les villes, des bourgs et villages, et qui remontaient au Moyen Âge18. Le système de la milice bourgeoise répondait à deux exigences : défendre la ville bien sûr, mais aussi éviter la présence de soldats dans ses murs. Ces exigences avaient pour objectifs communs, d’assurer la tranquillité des citadins et la pérennité de leurs affaires. Si la première n’était pas toujours respectée, la seconde, nous le verrons, dans le cas de Grenoble, le fut encore moins !

La défense de la ville était assurée par quartier. Chacun levant parmi ses habi- tants une compagnie de cent hommes, appelée « centenie » ou centaine. Ces hommes devaient avoir plus de dix-huit ans et disposer d’une arme. Afin que l’effectif soit constant, ces derniers étaient tenus de se faire remplacer en cas d’absence19.

Chaque centenie avait à sa tête un capitaine ou centenier, comme Estienne Gérente, capitaine du quartier de la Perrière en 162820. Le centenier était secondé dans son commandement, par des lieutenants et enseignes, ainsi que des sergents21. La ville fournissait en outre à chacune des centenies un tambour et un fifre22.

Les officiers de chaque centenie étaient préalablement choisis par le conseil de ville qui transmettait ensuite leur nom au lieutenant général. Leur nomination dépendant de l’assentiment final de ce dernier. Le colonel qui commandait la milice bourgeoise était nommé en suivant la même procédure. Durant la période étudiée c’est Gaspard Chapuis, sieur de Brigaudières, le propriétaire de la maison de ville rue Porte-Traine, qui faisait office de colonel23.

18 André CORVISIER in Dictionnaire de l’Ancien Régime, sous la direction de Lucien BÉLY, pp.

832-834.

19 Stéphane GAL, Grenoble au temps de la Ligue... , p.160.

20 Auguste PRUDHOMME, Inventaire…, t. 2, p. 170 ; AMG, CC 768, f° 48v°. 21 S. GAL, ibid.

22 A. PRUDHOMME, ibid. ; AMG, CC 768, f° 48v°.

Si les officiers étaient choisis parmi des nobles au XVIe siècle24, il est possible que cette règle ait évolué au XVIIe siècle. Toutefois certaines sociabilités avaient perduré, comme le concours annuel des arquebusiers, dont le vainqueur était nommé roi des arquebusiers, pour avoir abattu l’oiseau « Papegay ». Ce dernier en récompense, bénéficiait de certains avantages, voire d’une exemption de taille25.

b) Trois centenies supplémentaires :

Jusqu’en avril 1628, la milice bourgeoise comprenait six centenies, ces dernières devant probablement être comme à la fin du XVIe siècle : celle de la Porte- Traine, celles des rues Moyenne et des Clercs, de la rue Chenoise, et des rues Saint- Laurent et Perrière26.

Le conseil de quarante du 19 avril 1628, nous apprend que le maréchal de Créqui à la requête des six centeniers de la ville, avait décidé la réorganisation de la milice. Cette dernière semblant ne plus pouvoir répondre correctement à sa mission, en raison des évolutions démographiques, et en particulier de la répartition des habitants entre les différents quartiers de la ville. Les centeniers demandaient en effet, une « esgalization » des centenies entre elles. Certains se plaignant de ne plus pouvoir bien commander leur centenie à effectif constant, en raison de l’augmen- tation des nouvelles habitations dans leur quartier27.

Pour répondre à ces préoccupations, le maréchal de Créqui décida non seulement d’adapter les effectifs des centenies au nombre d’habitations des quartiers qu’elles étaient censées devoir défendre, mais aussi d’en créer trois supplémen- taires28. Ces dernières correspondant sans doute, aux nouveaux quartiers créés dans l’espace qu’avait libéré la construction de la nouvelle enceinte. C’est à dire ceux de la rue de Bonne, de Saint-Jacques et de Très-Cloîtres. Ces deux derniers étant les deux anciens faubourgs du même nom, intégrés à la ville lors des travaux de l’enceinte bastionnée29.

24 Stéphane GAL, Grenoble au temps de la Ligue... , p.160.

25 Auguste PRUDHOMME, Inventaire…, t. 1, p. 133 ; AMG, BB 95, ff° 117v°-118r°. 26 S. GAL, ibid., p.160. Voir annexe 8: plan de Grenoble vers 1630, p. 181.

27 A. PRUDHOMME, ibid. ; AMG, BB 95, ff° 68v°-69v°. 28 A. PRUDHOMME, ibid. ; AMG, BB 95, f° 79r°. 29 S. GAL, Lesdiguières…, p. 148. Voir annexe 8: ibid.

Les sources consultées ne nous ont pas apporté d’informations précises sur l’augmentation de l’effectif total de la milice bourgeoise, suite à cette réorganisation. Il semblerait toutefois que le maréchal ait profité de cette dernière pour organiser la milice en deux bataillons30. Le bataillon (unité d’infanterie intermédiaire entre la compagnie et le régiment) permettait de pallier sur le champ de bataille l’un des problèmes récurrents de l’armée française au début du XVIIe siècle, celui de ses effectifs. En dehors des quelques régiments d’élites et permanents de l’armée royale appelés « vieux régiments », aucun n’arrivait à aligner un effectif supérieur au millier d’hommes. Ne comptant le plus souvent que 300 à 400 soldats. Ce qui était alors insuffisant, tant en terme de puissance de feu, que de cohésion dans la bataille. Ces derniers étaient donc le plus souvent regroupés en bataillons de 600 à 800 hommes, pour pouvoir rivaliser avec les unités similaires des armées étrangères, comme l’escuadrón espagnol, qui comptait en moyenne 600 hommes31. Si l’on s’en tient à

ces observations, il est possible que l’effectif total de la milice bourgeoise passe alors le millier d’hommes en 1628, pour pouvoir former ainsi deux bataillons.

Toutefois si des hommes furent utilisés, nous le verrons, pour des opérations extra-muros, il semble que la milice bourgeoise resta cantonnée dans sa fonction principale en matière militaire : celui de défendre la ville. Cela en assurant des patrouilles, des gardes aux portes et sur une enceinte, dont l’état au printemps 1628, laissait quelque peu à désirer.

1.2 État des défenses