• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Les modèles animaux

1- Les rongeurs

Dans le cadre de l’étude des maladies à prions, le modèle animal le plus utilisé est la souris. Les principaux avantages sont résumés dans le tableau 14.

Les modèles murins permettent notamment de caractériser expérimentalement les différentes souches de prion. La transmission à l’animal offre également la possibilité de mesurer l’infectiosité d’un échantillon, c'est-à-dire de déterminer le titre infectieux grâce à des dilutions successives. La détermination du point limite est une technique de titration classiquement employée en bactériologie et virologie. Elle permet de déterminer la dose à laquelle 50% des animaux décèdent suite à l’infection (dose létale 50, DL50). De plus, il est possible de générer des modèles transgéniques (Tg) : souris humanisées, souris délétées pour le gène Prnp, ect.

Tableau 14 : Avantages et limites des modèles murins dans l’étude de la physiopathologie des maladies à prions

Avantages Caractéristiques Inconvénients

Détection des marqueurs neuropathologiques

Gliose/ Spongiose/ Neurotoxicité/

Accumulation de PrPres -

Etude de la pathogénèse

Distribution tissulaire (réplications périphérique et centrale) en fonction

de la voie d’inoculation

Pertinence avec l’Homme ? Diminution de la barrière

d’espèce

Génération de modèles transgéniques (PrPHum, PrPKo, d’autres espèces)

Pertinence avec l’Homme ? Caractérisation des souches Étude du taux de transmission, de la pathogénèse, … Durée

(Jusqu’à 2 ans)

Mise en évidence de l’infectiosité

Calcul du titre infectieux (DL50), durée de survie

Éthique

Nombre de souris important en fonction des différentes

dilutions réalisées Observations du phénotype

clinique

Troubles moteurs, changements de comportements, amaigrissement,

pelage hérissé, …

Problème éthique Utilisation en laboratoire Adapté aux conditions de laboratoire Coûts/ Durée

Chapitre II : Les modèles animaux

71

Souris conventionnelles

Les souris conventionnelles sont largement utilisées afin de caractériser expérimentalement les souches de prions. Les modèles murins les plus utilisées sont : C57Bl/6 ; FVB ; RIII ; Swiss. Toutefois, ces souris sont relativement résistantes aux souches humaines de prion (Tateishi et al., 1995 ; Bruce et al., 1997). Une étude récente souligne des différences en termes de période d’incubation suite à une exposition à l’agent de la vMCJ par voie IC (Diack et al., 2017) : les souris RIII présentent un taux de transmission de 67% (395 ± 18, n = 15) tandis que 76% des souris C57Bl/6 développent une EST avec une période d’incubation moyenne de 524 ± 20 jpe (n = 17). Inversement, les souris Swiss sont particulièrement sensibles à l’exposition IC de l’agent de la vMCJ avec 100% de transmission (300 ± 10 jpe, n = 38) (Comoy et al., 2017). Afin de s’affranchir de ce phénomène de barrière de transmission, des souris transgéniques exprimant la PrPC de l’espèce d’intérêt ont été générées.

Souris déficientes pour la PrP, PrPKo

Les principales souris délétées pour le gène Prnp ont été présentées dans le tableau 418 (Büeler et al.,

1992 ; Manson et al., 1994b ; Moore et al., 1995 ; Sakaguchi et al., 1996 ; Rossi et al., 2001 ; Yokoyama et al., 2001 ; Nuvolone et al., 2016). Ces souris ont notamment permis de souligner d’une part le rôle de la PrPC en condition physiologique, et d’autre part de confirmer sa nécessité dans le développement d’une maladie à prion. En effet, aucune d’entre elle n’est sensible à l’infection prion quelles que soient la dose, la voie d’inoculation et la souche utilisées (Büeler et al., 1993). À ce jour, des souris PrPKo ont été générées à partir de presque tous les fonds génétiques murins (Brandner et Jaunmuktane, 2017).

Souris transgéniques humanisés, PrPHu

Grâce à l’expression de la forme humaine de la PrPC, ces souris sont largement utilisées afin d’évaluer le risque zoonotique d’une souche, étudier les formes familiales des maladies à prions ou encore tester de nouveaux médicaments candidats. En effet, l’expression de la PrPC humaine rend ces souris sensibles aux souches humaines de prion avec un raccourcissement de la période d’incubation et, inversement, une augmentation du taux de transmission (Telling et al., 1994).

Deux principales constructions de souris humanisées sont possibles :

- Génération de souris chimériques : expression de la PrPC endogène (murine) en plus de la forme humaine ;

- Génération de souris humanisées sur un fond génétique PrPKo : expression uniquement de la forme humaine.

Récemment, des souris présentant des constructions différentes sur le codon 129 ont été générées telles que les souris Tg152 (129V), Tg35 (129M, expression deux fois plus importante que chez l’Homme) ou Tg650 (129M, six fois) (Asante et al., 2002 ; Bishop et al., 2006 ; Béringue, Le Dur, et al., 2008). Des souris knock in19 sont également utilisées notamment dans l’étude des formes

génétiques. Ce modèle a par exemple développé spontanément une EST, transmissible à d’autres souris, grâce à l’ajout d’un gène porteur d’une mutation impliquée dans l’IFF (Jackson et al., 2009) .

18 Tableau 4 : souris délétées pour le gène Prnp de 1992 à 2016 (page 27).

19 Souris Knock in : expression uniquement du gène d’intérêt dans le locus du gène cible sous le même

Chapitre II : Les modèles animaux

72

Autres souris transgéniques

D’autres souris transgéniques ont été générées exprimant par exemple une PrPC bovine, ovine, porcine ou encore de cervidé, etc. Ces différents modèles permettent d’étudier la souche d’intérêt en présence de la PrPC associée en s’affranchissant de la barrière d’espèce.

Concernant les souris transgéniques ovines, l’un des modèles le plus utilisé dans l’étude de la transmission de la tremblante est la souris Tg338. Ces dernières présentent une surexpression de PrP ovine (allèle VRQ) huit à dix fois supérieure à celle retrouvée dans les souris conventionnelles et une absence de PrPC endogène (Vilette et al., 2001). C’est dans ce modèle que la tremblante atypique (Nor98) a été transmise expérimentalement pour la première fois (Le Dur et al., 2005).

Souris immunodéficientes

Les souris immunodéficientes ont permis de souligner l’implication individuelle des différents composants du système immunitaire (Aguzzi et al., 2003). Concernant les lymphocytes B, il a été décrit qu’ils avaient un rôle indirect dans le développement de la pathologie pour permettre la maturation des FDCs (Blättleret al., 1997 ; Klein et al., 1998 ; Montrasio et al., 2001)20. Inversement, les lymphocytes T ne semblent pas jouer un rôle primordial dans la pathogénèse des ESTs. En effet, les souris nude (déficientes pour les lymphocytes T) sont susceptibles à la tremblante par voies intracérébrale et intra-péritonéale (Mohri, Handa, et Tateishi, 1987).

La majorité des études ont été réalisées à l’aide des souris SCID (severe combined immunodeficient

mouse) décrites pour la première fois en 1983 (Bosma, Custer, et Bosma, 1983). Ces souris présentent une mutation spontanée empêchant la recombinaison des gènes des immunoglobulines et du TCR (T cell receptor). Ainsi, elles ne possèdent ni lymphocyte T ni B ni de FDCs fonctionnelles. En termes d’infection ces souris sont pour la plupart d’entre elles résistantes à l’infection prion par voie périphérique (Tableau 15).

Tableau 15 : Expositions expérimentales périphérique et centrale des souris immunodéficientes SCID. Souches expérimentales % transmission Références

V o ie s d’ex p o si ti o n In tr a- b ra le Fukuoka-1 100% Kitamoto et al., 1991

ME7 O’Rourke et al., 1994

C506M3 Lasmézas et al., 1996 RML Klein et al., 1997 In tr a- p é ri to n é al

e Fukuoka-1 0% Kitamoto et al., 1991

ME7 Fraser et al., 1996

ME71 38% Mabbott et al., 2000

C506M3 33% Lasmézas et al., 1996

RML 25% Klein et al., 1997

ME7 – C506M3 – RML : souches de tremblante adaptées à la souris ; Fukuoka-1 : souche humaine adaptée.1Souris TNFa-/- : absence de lymphocyte B et de cellule dendritique fonctionnelle

La forte hétérogénéité en termes de transmission peut être expliquée par la souche, la voie d’inoculation et la dose utilisée. Ces données soulignent l’importance d’un système immunitaire fonctionnel dans la pathogénèse des maladies à prions notamment dans les phases précoces de l’infection. Cette sensibilité est restaurée suite à l’ajout de cellules spléniques (Lasmézas et al., 1996) ou de moelle osseuse (Fraser et al., 1996).

Chapitre II : Les modèles animaux

73

Outline

Documents relatifs