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Chapitre II : Analyse du risque de transmission secondaire de la vMCJ

1- Prionémie : infectiosité dans le sang

1.1

Présentation des transmissions expérimentales princeps

Différentes expériences ont mis en évidence la présence d’infectiosité dans le sang et ses dérivés. Chez les rongeurs, l’injection intracérébrale de produits sanguins issus d’animaux préalablement infectées avec une souche de tremblante est capable d’induire une EST chez la souris et le hamster (Diringer, 1984 ; Casaccia et al., 1989). L’infectiosité a également été retrouvée en utilisant des souches de prions humaines ( Brown et al., 1999 ; Cervenakova et al., 2003). En 2003, Cervenakova et ses collaborateurs ont initialement inoculé par voie intracérébrale des souris avec deux souches humaines adaptées (vMCJ et GSS) (Cervenakova et al., 2003). En phase préclinique et symptomatique, le sang de ces animaux a été prélevé puis inoculé (par voies intracérébrale et intraveineuse) à d’autres souris saines qui développeront une EST. Cette étude met en évidence la présence d’infectiosité dans le sang d’animaux en phase symptomatique ainsi que préclinique. Dans cette même étude, les auteurs soulignent que l’inoculation de plasma infectieux par voie intraveineuse est efficace pour transmettre une maladie à prion, et serait même plus efficace que la voie intracérébrale (Cervenakova et al., 2003). Les inoculations intraveineuses sont généralement réalisées chez le mouton ou les PNH car ils offrent l’avantage de pouvoir utiliser des volumes équivalents à ceux employés chez l’Homme.

Chapitre II : Analyse du risque Prion post-transfusionnel

58 Dès 2000, les travaux de Houston et son équipe soulignent que l’infectiosité est présente dans le sang de moutons exposés à des souches de tremblante ou d’ESB (Houston et al., 2000 ; Hunter et al., 2002). Ils ont mis en évidence la possibilité de transmettre une maladie à prion chez un mouton sain par transfusion de sang total, provenant de moutons en phase asymptomatique. Ces données ont été cruciales dans la prise en compte du risque de transmission iatrogène via le sang. Les derniers résultats de cette étude indiquent que les taux de transmission après transfusion chez le mouton sont de 43% avec la tremblante naturelle et de 36% avec l’ESB (Houston et al., 2008).

Le modèle du macaque cynomolgus est également permissif à l’ESB et la vMCJ par voie intraveineuse (Herzog et al., 2004 ;Lacroux et al., 2014 ;McDowell et al., 2015 ; Lescoutra-Etchegaray et al., 2015). Dans ce modèle des durées d’incubation similaires ont été observées suite à des expositions de l’ESB par voies intracérébrale et intraveineuse, suggérant une forte efficacité de transmission de l’infectiosité par voie intraveineuse (Herzog et al., 2004).

1.2 Détermination de la charge infectieuse

Chez la souris, la dose infectieuse (DI) est comprise entre 10 et 20 par ml de sang, voire 5 DI/ ml lors de la phase préclinique, et peut augmenter jusqu’à 110 DI/ml au stade terminal de la maladie (Brown, 2005). Dans la même espèce, les titres infectieux seraient compris entre 20 à 30 unités infectieuses intracérébrales par millilitre de sang15 total durant la phase préclinique de la maladie (Cervenakova et al., 2003). Ainsi, l’infectiosité présente dans le sang (prionémie) est moins importante que celle contenue dans le cerveau, mais pour autant suffisante pour transmettre la maladie. De plus, il est important de résonner en termes de volume : chez l’Homme, une transfusion de 200 ml correspond donc à 1000 DI/ ml potentielle (pour la valeur la plus faible de 5 DI/ ml) (Brown, 2005).

Différentes équipes ont développé des outils de détection de la PrP anormale dans le sang issu de macaques et de moutons en phase clinique de vMCJ (Lacroux et al., 2014) ainsi que chez l’Homme (Edgeworth et al., 2011 ; Bougard et al., 2016). L’équipe de Caughey a mis au point une technique de détection de la PrP anormale dans le sang de hamsters en phase préclinique (Orrú et al., 2011). Cette technique, appelée eQuIC (enhanced QuIC), intégre une étape d’immunoprécipitation permettant d’une part de concentrer la PrP en augmentant ainsi la sensibilité et d’autre part d’isoler spécifiquement la PrP et donc de s’affranchir des inhibiteurs sanguins non compatibles avec cette technique d’amplification. En parallèle, d’autres études ont mis en évidence la présence d’infectiosité dans le sang de souris infectées avec une souche de vMCJ adaptée en phases préclinique et symptomatique (Saá et al., 2014). Très récemment, les travaux de Bougard et son équipe ont mis en évidence une détection grâce à la PMCA de la présence de PrP anormale dans le sang de patient vMCJ (Bougard et al., 2016). Ce test a également permis l’identification de deux patients en phase préclinique 1,3 et 2,6 ans avant l’apparition des premiers signes cliniques.

Pour l’heure, ces techniques ne sont pas appliquées en routine. Mais ces nouvelles données suggèrent que la PMCA pourrait devenir une technique de détection des individus asymptomatiques lors des dons de sang afin de limiter le risque de transmission de la vMCJ par transfusion sanguine.

15 Une unité infectieuse est définie comme la quantité minimale d’infectiosité susceptible de transmettre la

Chapitre II : Analyse du risque Prion post-transfusionnel

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1.3

Détermination de la distribution cellulaire de l’infectiosité

Comme décrit précédemment, la PrPC est exprimée dans les cellules sanguines ce qui permet à l’infectiosité de pouvoir circuler dans le sang (Politopoulou et al., 2000 ; Robertson et al., 2006 ; Panigaj et al., 2011). De plus, la PrPC et, par extension, la PrP anormale ont la capacité de passer la BHE (Banks et al., 2004 ; Banks et al., 2009).

Au niveau cellulaire, il a été montré que la prionémie est contenue dans tous les compartiments sanguins (GR, GB, plaquettes et plasma). Ces données soulignent la pertinence des mesures de sécurisation des actes transfusionnels prises visant à déleucocyter systématiquement les dons. Grâce à un fractionnement sub-cellulaire d’un pool de sang issu de différents hamsters en phase clinique préalablement exposés à la souche 263K, Holada et son équipe ont pu déterminer que l’infectiosité était majoritairement retrouvée dans les leucocytes, puis dans le plasma et enfin en moins grande quantité dans les plaquettes (Holada et al., 2002). Par la suite, il a été proposé que l’infectiosité soit répartie de la façon suivante : 33% dans la fraction leucocytaire (globules blancs et plaquettes, buffy coat en anglais) et 50% dans le plasma (Gregori et al., 2004 ; Gregori et al., 2006). En 2010, les travaux de Mathiason et son équipe ont révélé la présence d’infectiosité dans le sang provenant de cervidés (cerf de Virginie) infectés expérimentalement par le CWD (Mathiason et al., 2010). Cette étude a également mis en avant que la plus grande partie de l’infectiosité est retrouvée dans la fraction plaquettaire.

Ainsi, la répartition de l’infectiosité dans les différents composants du sang diffère selon les modèles d’étude, la souche expérimentale utilisée et les techniques de fractionnement employées. L’une des explications pourrait être liée à la difficulté de détecter l’infectiosité dans le sang au vu du masquage par certains composants sanguins (Abdel-Haq, 2015) et de l’interférence des immunoglobulines avec l’agent infectieux (Properzi et al., 2015).

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