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Étude descriptive de la transmission de l’agent de l’ESB à l’Homme

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire de la vMCJ

1- Étude descriptive de la transmission de l’agent de l’ESB à l’Homme

1.1

Situation épidémiologique internationale et nationale

Chez les bovins, l’agent causal de l’ESB a réussi à s’amplifier suite aux modifications des procédés de fabrication instaurées au RU dans les années 80, et à conduire à une anazootie.

Officiellement, 200 000 bovins ont été recensés atteints d’ESB dont 94% sur le territoire britannique. Avec un total de 1036 cas rapportés, la France est le quatrième pays le plus touché après le RU, l’Irlande et le Portugal. Actuellement, un recul est observé dans l’ensemble des pays initialement touchés par l’agent infectieux. En effet, seulement deux cas ont été rapportés en 2016, un premier en Espagne et un second en France (données issues de l’OMS mises à jour le 30 juin 2016).

Chez l’Homme, 228 cas de vMCJ ont été rapportés suite à l’ingestion de viandes contaminées (risque primaire), auxquels il faut ajouter les trois cas post-transfusionnels (risque secondaire) (Tableau 7). Tableau 7 : Répartition mondiale du nombre de cas totaux de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ)

(d’après les données mises à jour le 03/07/2017 par The National Creutzfeldt-Jakob Disease Surveillance Unit, eurocjd.ed.ac.uk).

Pays

Nombre de cas de vMCJ

(Nombre de cas ayant séjourné au RU pendant

plus de 6 mois entre 1980 – 1996)

Royaume-Uni 178* France 27 (1) Espagne 5 Irlande 4 (2) États-Unis d’Amérique 4 (2) Pays-Bas 3 Italie 3 Portugal 2 Canada 2 (1) Japon 1 Taïwan 1 (1) Arabie Saoudite 1 TOTAL 231

*3 cas de contamination post-transfusionnels

Avec un total de 27 cas de vMCJ, la France est le deuxième pays le plus touché après le RU (Tableau 7). À ce jour, ces patients sont tous décédés, et étaient homozygotes méthionine au codon 129.

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

48 Trois hypothèses ont été envisagées pour expliquer la contamination de la population française, à savoir : (i) directement sur le sol britannique, (ii) suite à l’importation de viande contaminée en provenance du RU (iii) via des bovins nés en France ayant développé une ESB (Cohen et Valleron, 1999). Il apparait que l’importation de viandes contaminées du RU soit à l’origine des cas français, en excluant l’individu ayant séjourné plus de six mois sur le territoire anglais pendant la période incriminée (Tableau 7). Cette hypothèse est cohérente avec les travaux de modélisation de l’épidémie d’ESB en France qui font état d’une diminution des nombres de cas à venir (Donnelly et

al., 2000 ; Donnelly et al., 2002 ; Alperovitch et Will, 2002). En effet, il a été estimé qu’un faible nombre d’animaux infectés français soit entré dans la chaîne alimentaire humaine (Chadeau-Hyam et Alpérovitch, 2005). En 2009, il a d’ailleurs été confirmé que la même souche d’ESB était à l’origine des cas recensés au RU et en France : typage moléculaire, lésions histologiques et symptomatologie identiques (Brandel et al., 2009).

Figure 16 : Nombre de cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) en France et au Royaume-Uni de 1995 à 2017 (d’après www.cjd.ed.ac.uk).

En France, le pic du nombre de cas de vMCJ est atteint entre 2005 et 2006, tandis qu’il est observé en 2000 au RU (Figure 16). Ce décalage de cinq ans peut être attribué à l’augmentation des importations (entre 1985 et 1995) de viande en provenance du RU vers la France avant l’embargo instauré en 1995. D’après les incidences cumulées de vMCJ, le niveau d’exposition alimentaire entre le RU et la France est de 175/26 cas soit un ratio de 6,7 (exclusion des trois cas post-transfusionnels britanniques et du cas français ayant séjourné au RU). De plus, l’analyse approfondie des données comparatives sur la consommation de viande entre le RU et la France et sur les importations en provenance du RU conduisent à un rapport d’exposition au risque alimentaire de l’ordre de 1/10, c'est-à-dire que la population française aurait été dix fois moins exposée que la population britannique (Clarke et Ghani, 2005).

Depuis 2003, le nombre de cas mondial de vMCJ est en constante diminution, et les cas recensés étaient tous nés avant la mise en place des mesures de protection (dès 1989) vis-à-vis du risque de l’agent de l’ESB. 0 5 10 15 20 25 30 N o m b re d e c as d e vM CJ Au Royaume-Uni En France

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

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1.2

Présentation des cas non homozygotes méthionine sur le codon 129 et

notion de porteurs asymptomatiques

En 2016, le centre de référence britannique des MCJ (National CJD research and Surveillance) recense le premier patient confirmé de vMCJ avec un génotype MV sur le codon 129.

La description du cas a été publiée par Tzehow et ses collaborateurs en 2017 sous forme de Lettre (Mok et al., 2017). Le patient, décédé en 2016, était un homme britannique de 36 ans (naissance en 1980 au RU) sans facteur de risque associé de MCJ (sans antécédent chirurgical ni transfusionnel, aucune mutation sur le gène Prnp). Il présentait des troubles de la mémoire épisodique, une ataxie et des myoclonies. Aucun hypersignal du pulvinar ni d’anomalie pour la protéine 14-3-3 n’ont été observés. L’analyse immunohistologique post-mortem a révélé un faible marquage de PrP anormale dans la rate, mais qui n’est pas observé dans l’appendice ni dans les ganglions mésentériques. Cette atteinte limitée laisse suggérer une forme sporadique de MCJ. Toutefois, des plaques florides, caractéristiques de la vMCJ, ont été retrouvées lors de l’examen neuropathologique. Biochimiquement, le typage moléculaire montre un type 4 selon la classification de Collinge, spécifique de l’agent de la vMCJ (Collinge et al., 1996).

Ainsi, ce patient serait le premier cas avéré de vMCJ hétérozygote MV sur le codon 129 (Tableau 8), bien que certains marqueurs de diagnostic soulignent une forme sporadique. Précisons, que cet individu n’a jamais été donneur de sang ni d’organe, ce qui exclue toute contamination secondaire. Tableau 8 : Répartition des génotypes au codon 129 en fonction des formes de MCJ (d’après Brown et al., 2012).

Polymorphisme au codon 129 du gène Prnp (%) MM MV VV

Population générale caucasienne 40 10 50

sMCJ 67 17 16

iMCJ (hormone de croissance) 45 22 33

Variante de la MCJ 99.6 0.4 0

Des études antérieures soulignaient la présence de porteurs asymptomatiques hétérozygotes MV (Peden et al., 2004 ; Kaski et al., 2009 ; Peden et al., 2010) et homozygotes VV (Ironside et al., 2006) sur le codon 129. En 2004, Peden et ses collaborateurs décrivent le décès d’une patiente asymptomatique hétérozygote sur le codon 129 (MV) (Peden et al., 2004). Cette patiente transfusée cinq ans auparavant (cas numéro 1, Tableau 12) faisait l’objet d’un suivi particulier car elle faisait partie de la cohorte des receveurs de produits sanguins labiles (PSL) issus d’un donneur ayant développé une vMCJ. L’analyse immunohistologique post-mortem met en évidence une PrP anormale dans la rate et les ganglions lymphatiques, non retrouvée dans le cerveau (Peden et al., 2004 ; Wadsworth et al., 2011). L’une des hypothèses est que la neuroinvasion n’a pas eu le temps d’être efficace face à la longue période d’incubation décrite dans les maladies à prions. Récemment, il a été mis en évidence que contrairement à son cerveau, la rate de cet individu est infectieuse, et capable d’induire une EST dans un modèle murin conventionnel (Bishop et al., 2013).

En 2010, un autre porteur asymptomatique de génotype MV, hémophile, a été décrit avec une accumulation de PrP anormale dans la rate (Peden et al., 2010).

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

50 En 2009, l’équipe de Collinge retranscrit un cas probable de la vMCJ sur un autre individu MV (Kaski

et al., 2009). Cet homme de 30 ans présentait des signes cliniques caractéristiques d’une MCJ tels qu’un déclin intellectuel, des hallucinations visuelles ainsi qu’une sévère ataxie des membres inférieurs. En parallèle des marqueurs biologiques caractéristiques d’une vMCJ ont été retrouvés : une augmentation du taux de la protéine 14-3-3 dans le LCR, un hypersignal au niveau du pulvinar en IRM et un EEG non spécifique d’une MCJ sporadique. En l’absence d’autopsie effectuée ce cas reste probable (Kaski et al., 2009).

Deux autres porteurs asymptomatiques, cette fois-ci VV, ont été décrits suite à l’analyse de pièces d’appendice post-opératoires (Hilton et al., 2004 ; Ironside et al., 2006). Dans les autres formes de MCJ, des patients avérés non MM pour le codon 129 ont déjà été identifiés (Tableau 8).

Ainsi, la présence d’infectiosité dans les organes périphériques de porteurs asymptomatiques soulève le problème du risque de contamination iatrogène notamment suite à des actes transfusionnels. La notion de porteurs sains n’est pas nouvelle, et avait été introduite dès 1975 par Dickinson (Dickinson, 1975). Ses travaux soulignaient la présence d’animaux avec une réplication périphérique de PrP anormale sans pour autant qu’une neuroinvasion efficace soit détectée. Chez l’Homme, la détection de PrP anormale est également retrouvée dans le cerveau d’individus cliniquement sains (Yuan et al., 2006). Certains auteurs qualifient cette infection silencieuse de maladie à prions dormante (Nyström et Hammarström, 2014).

La question demeure toujours de savoir si les génotypes non homozygotes méthionine au codon 129 offrent un réel avantage en termes de survie ou si inversement un allongement de la durée d’incubation sera observé. Ce second scénario pourrait conduire à une nouvelle vague de contamination avec des périodes d’incubation plus longues.

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