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Épidémiologie descriptive des transmissions iatrogènes de vMCJ

Chapitre II : Analyse du risque de transmission secondaire de la vMCJ

2- Épidémiologie descriptive des transmissions iatrogènes de vMCJ

À ce jour, les patients vMCJ post-transfusionnels ont seulement été décrits au RU. Dans ce pays, une instance veille à la surveillance épidémiologique des cas de MCJ (National Creutzfeldt Jakob Disease

Surveillance Unit, NCJDSU) et une seconde à la sécurisation des dons de sang (United Kingdom Blood services). Un projet collaboratif entre ces deux services a été créé (Transfusion Medicine Epidemiology Review, TMER) afin d’évaluer les patients MCJ pouvant avoir été transmis suite à des

actes transfusionnels.

2.1 Trois cas britanniques de transmission transfusionnelle de la vMCJ

Au total, trois cas vMCJ secondaires à une transfusion sanguine ont été recensés (Tableau 10). Ils ont tous été transfusés avant l’application des mesures de sécurisation du sang, c'est-à-dire avec des concentrés de globules rouges non déleucocytés. Pour les trois patients, les signes cliniques étaient évocateurs d’une MCJ et correspondaient à ceux décrits pour les patients vMCJ associés au risque primaire. La période d’incubation est d’environ 7 ans (délai entre la date de la transfusion et le développement des premiers signes cliniques).

Chapitre II : Analyse du risque Prion post-transfusionnel

60 Tableau 10 : Présentation des trois cas transfusionnels

Numéro des cas 1 2 3

In fo rmatio n s s u r l es d o n n eu

rs Sexe/ âge Homme/ 62 ans Homme/ 31 ans

Période entre le don et l’apparition

des signes cliniques de vMCJ 42 mois 20 mois 17 mois

In fo rmatio n s s u r l es r ec ev eu rs

Date de l’acte transfusionnel

(concentré de globules rouges non déleucocyté)

1996 1997 1997

Période entre l’acte transfusionnel

et premiers signes cliniques 6.5 ans 8 ans 8.4 ans

Date du décès (âge au moment du décès) 2003 (70 ans) 2005 (32 ans) 2007

Période entre l’acte transfusionnel

et le décès 7.5 ans 8.8 ans 9.5 ans

Génotype au codon 129 M/M M/M M/M

Références Llewelyn et al., 2004 Wroe et al., 2006 Health Protection Agency.

Chapitre III : Gestion du risque transfusionnel

61 Les principales informations, détaillées dans le tableau 10, sur ces trois patients sont les suivantes :

- Le cas numéro 1 a été notifié en décembre 2003 (Llewelyn et al., 2004). Des phases de dépression et des troubles visuels ont été rapportés. Aucun signe de pulvinar ni d’anomalie pour la protéine 14-3-3 n’ont été mis en avant. L’analyse post-mortem a mis en évidence la présence de plaques florides et de PrP anormale de type 2B, caractéristique de l’agent de la vMCJ.

- Le cas numéro 2 a été rapporté en février 2006 (Wroe et al., 2006). Ce patient présentait des troubles de l’attention ainsi que des atteintes motrices (résultats IRM et LCR normaux). L’analyse post-mortem souligne la présence de PrP anormale de type 4, signe d’une vMCJ, dans le cerveau et les organes lymphoïdes.

- Le cas numéro 3 a été rapporté en janvier 2007 soit huit ans après avoir été transfusé

(www.hpa.org.uk). Ce patient a reçu un concentré de globules rouges non déleucocyté provenant du même donneur que le cas numéro 2.

À ce jour, les trois patients sont décédés, et étaient tous homozygotes méthionine au codon 129.

2.2

Deux cas de porteurs asymptomatiques post-transfusionnels

Au RU, il a été mis en évidence que 18 patients vMCJ britanniques avaient donné leur sang avant de présenter les premiers signes cliniques de la maladie. L’enquête épidémiologique a permis de relier ces 18 dons avec 67 actes transfusionnels (Tableau 11) (Reesink et al., 2003 ; Urwin et al., 2016). L'âge médian des receveurs est de 68 ans (de 57 à 79 ans). En 2016, 14 d’entre eux étaient toujours vivants (Urwin et al., 2016). Une étude rétrospective menée sur 33 de ces receveurs décédés a souligné qu’aucun d’entre eux ne présentait de signes cliniques suggérant une vMCJ (Gillies et al., 2009). Toutefois, aucun tissu lymphoïde ni cérébral n’était disponible, et n’a été analysé afin de détecter une éventuelle PrP anormale. Ainsi, la possibilité que ces patients aient été des porteurs asymptomatiques ne peut être exclue.

Tableau 11 : Nombre de patients MCJ ayant donné leur sang au Royaume-Uni avant le déclenchement des premiers signes cliniques (www.cjd.ed.ac.uk).

Donneur Nombre de donneurs avérés (Après 1980)

Nombre de receveurs identifiés

vCJD 181 67

sCJD 29 211

iCJD 17 50

1Au total, 24 patients vMCJ ont été identifiés comme donneurs de sang. Toutefois, seuls 18 produits

sanguins ont été identifiés comme ayant été réellement délivrés aux hôpitaux.

Parmi cette cohorte de receveurs de produits sanguins labiles, deux individus sont porteurs de PrP anormale dans les tissus périphériques avec un génotype non homozygotes méthionine MM au codon 129 (Peden et al., 2004 ; Peden et al., 2010). Aucun d’entre eux n’a été comptabilisé dans les cas de vMCJ dans la mesure où ils n’ont pas développé de signes cliniques évocateurs d’une maladie neurodégénérative. Les principales informations, détaillées dans le tableau 12, sur ces deux patients sont les suivantes :

Chapitre III : Gestion du risque transfusionnel

62 - Le cas numéro 1 a été décrit par Peden et ses collaborateurs en 2004(Peden et al., 2004). Ils rapportent le décès d’une patiente transfusée avec du sang infectieux cinq ans auparavant L’étude génétique révèle qu’elle était hétérozygote sur le codon 129 (MV). L’analyse post-

mortem souligne la présence de PrP anormale dans la rate mais pas dans le cerveau (Peden

et al., 2004 ;Wadsworth et al., 2011). En 2013, Bishop et son équipe mettent en évidence

que la rate de cet individu est infectieuse, et capable d’induire une EST chez la souris (Bishop

et al., 2013), contrairement à l’injection de l’homogénat de cerveau qui n’a pas réussi à transmettre de maladie. Ainsi, au vu du génotype, il est possible d’émettre l’hypothèse que ce dernier a influencé la période d’incubation, et que cet individu était en phase d’incubation.

- Le cas numéro 2 (patient hémophile) a été rapporté par les autorités britanniques en 2009. En 2010, Peden et ses collaborateurs mettent en évidence la présence de PrP anormale dans la rate de ce patient de génotype hétérozygote (MV) (Peden et al., 2010). Il a reçu deux doses de facteur VIII (une première en 1994 et une seconde en 1996) préparés à partir de plasma d’un donneur ayant développé une vMCJ plusieurs mois après le don.

La description du cas numéro 2 est la première à mettre en évidence une accumulation de PrP anormale dans la rate d’un patient hémophile, et de façon plus large d’un patient traité avec des médicaments dérivés du sang (MDS, produits sanguins stables). Toutefois, pour ce patient différents facteurs de risques d’exposition à l’agent de la vMCJ ont été rapportés : (i) un risque primaire comme l’ensemble de la population britannique exposée entre 1980 et 1996 (ii) des transfusions répétées (iii) des actes médicaux invasifs tels qu’une endoscopie (bien que non considérée à risque). Il n’en demeure pas moins qu’un marquage caractéristique de vMCJ a été mis en évidence dans la rate de cet individu. À ce jour, aucune information sur l’infectiosité de cet échantillon n’a été fournie. Tableau 12 : Présentation des deux porteurs asymptomatiques secondaires à des actes transfusionnels

Numéro des cas 1 2

Date de l’acte transfusionnel

incriminé 1999

1994 et 1996

(Deux doses de facteurs VIII)

Date du décès 20041 20092

Détection post-mortem de PrP anormale

Rate et ganglions

lymphatiques Rate

Présence d’infectiosité Rate infectieuse Aucune information

Codon 129 M/V M/V

Références Peden et al., 2004 Peden et al., 2010

1 Le patient est décédé d’une crise cardiaque.

Chapitre III : Gestion du risque transfusionnel

63 Ainsi, aucun cas avéré de vMCJ n’a été identifié suite à l’exposition de produits sanguins stables, et le risque de transmission associé à l’utilisation de MDS est considéré comme théorique. En France, six sources de facteurs VIII (quatre facteurs recombinants et deux plasmatiques) sont disponibles pour le traitement de l’hémophilie A16. (Rapport établi par l’Afssaps en 2009).

2.3

D’autres cas non détectés ?

En France, aucun cas post-transfusionnel de vMCJ n’a été recensé. Toutefois les données épidémiologiques font état de trois patients ayant donné leur sang parmi les 27 cas français. Au total, 38 receveurs ont été identifiés entre 1991 et 2004. En 2009, 27 d’entre eux étaient décédés de cause non liée à une maladie neurodégénérative (à l’exception d’un cas où les causes du décès n’ont pas pu être identifiées). Parmi les 11 individus vivants, quatre ont été perdus de vue et sept ont et/ ou font encore l’objet d’un suivi par la cellule nationale de référence française.

Informer les patients souligne un problème éthique face à l’absence : (i) de certitudes sur leur devenir clinique et (ii) de stratégie thérapeutique à leur proposer.

Au Royaume-Uni, dix cas de vMCJ primaires avaient subi des actes transfusionnels bien avant qu’ils ne déclenchent la maladie (Davidson et al., 2014 ; www.cjd.ed.ac.uk). Il est donc envisageable d’émettre l’hypothèse que certains de ces patients soient liés à une contamination secondaire et non directement suite à l’ingestion de viande contaminée. Cette théorie est accentuée par l’absence de critères de distinction de la vMCJ primaire d’une transmission inter-humaine secondaire (absence de différences en termes de typage moléculaire, anatomopathologique et lésionnelle). Concernant les cas sporadiques de MCJ secondaires à des transfusions sanguines, les travaux de Puopdo et ses collaborateurs soulignent un risque de contamination non confirmé par d’autres travaux (Puopolo et

al., 2011 ; Molesworth et al., 2011). Le dernier modèle mathématique de prédiction du nombre de

cas secondaires à venir se veut rassurant grâce aux mesures de sécurisations des actes transfusionnels en vigueur (Yang et al., 2017).

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