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Étude analytique de la transmission de l’agent de l’ESB à l’Homme

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire de la vMCJ

3- Étude analytique de la transmission de l’agent de l’ESB à l’Homme

Un des éléments importants dans l’analyse du risque des maladies à prions humaines est d’estimer le nombre de cas de vMCJ à venir suite à l’ingestion de viande contaminée. Pour ce faire, il faut évaluer le nombre de bovins infectés et ceux potentiellement entrés dans l’alimentation humaine. Afin de réduire le risque de transmission, il est important de prendre en compte la prévalence de porteurs asymptomatiques, potentiels réservoirs pour les contaminations secondaires inter-humaines.

3.1

Les modèles de prédiction mathématique

Au RU, l’estimation du nombre de bovins infectés par l’ESB est difficile à établir car les premiers cas seraient apparus dès le début des années 80 (Collee et Bradley, 1997), tandis que les premières déclarations n’apparaissent qu’à partir de 1985 voire 1986. Différentes études estiment que le nombre de cas infectés entrés dans l’alimentation humaine est plus important que le nombre de cas recensés. Selon Anderson et son équipe, ce nombre serait de 400 000 bovins infectés, tandis que l’équipe de Ghani l’estime entre un à trois millions (Anderson et al., 1996 ;Ghani et al., 2003a). En 2014, une nouvelle estimation souligne que 10 millions de consommateurs auraient été exposés à des viandes contaminées (Chen et Wang, 2014).

Concernant l’estimation du nombre de cas de vMCJ à venir, beaucoup de modèles mathématiques ont été proposés (Ghani et al., 2000 ; Valleron et al., 2001 ; Ghani et al., 2003 ; Garske et Ghani, 2010). Initialement, les premiers calculs étaient alarmants, et estimaient que le nombre total de vMCJ au RU serait compris entre 80 000 et 130 000 (Cousens et al., 1997). Avant les années 2000, ces estimations étaient difficiles face à l’incertitude concernant la période d’incubation. Les études prédisaient ensuite qu’une centaine d’individus serait atteints de vMCJ au RU (Ghani et al., 2003b). Précisons, que ces modélisations ne prennent en compte ni le génotype sur le codon 129 ni la prévalence de porteurs asymptomatiques dans la population.

3.2

Les études de prévalence

Une étude de prévalence permet d’observer, à un moment donné, la fréquence de survenue d’une maladie dans une population précise. Elle correspond au rapport du nombre de malades dans une population d’intérêt sur l’effectif total étudié à un temps donné. Concernant les maladies à prions, les études de prévalence servent d’indicateur statistique pour estimer le nombre de personnes potentiellement en phase d’incubation silencieuse de vMCJ.

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

52 Elles ont été réalisées sur des pièces post-opératoires de tissus lymphoïdes préalablement anonymisées, amygdales et appendices, qui sont le siège de la réplication de l’agent en périphérie durant la phase préclinique de la maladie (Schreuder et al., 1996 ;Hilton et al., 1998). Ainsi, Hilton et ses collaborateurs mettent en évidence la présence de positivité dans l’appendice d’un patient huit mois avant le développement des signes cliniques d’une vMCJ, diagnostic confirmé post-mortem (Hilton et al., 1998). La majorité des études ont utilisé l’immunohistochimie comme technique de détection de la PrP anormale. Les observations microscopiques ont ensuite été menées en aveugle par des experts anatomopathologistes.

Les échantillons analysés dans les études de prévalence proviennent tous d’individus britanniques correspondant à la population la plus fortement exposée à l’agent de l’ESB. Les auteurs ont souligné l’importance de regrouper les individus analysés en fonction de leur date de naissance et des périodes les plus à risque en termes d’exposition à l’agent de l’ESB (1961-1985) : 39 patients vMCJ étaient nés entre 1961-1969 et 99 entre 1970-1985 (sur 168 cas britanniques). À ce jour, cinq études de prévalences ont été réalisées (Tableau 9) :

- La première d’entre elles a permis d’identifier en IHC trois pièces d’appendices positives sur 12 674 analysées (Hilton et al., 2004). Sur l’ensemble des amygdales analysées (1739) aucune ne présentait d’accumulation de PrP anormale. Parmi les trois échantillons positifs, le premier cas avait déjà été décrit en 2002 (Hilton et al., 2002). Pour deux des prélèvements, l’analyse génétique a permis de mettre en évidence que les individus étaient VV au codon 129 (Ironside et al., 2006).

- La deuxième étude n’a pas permis de détecter de cas positif (2000 échantillons d’amygdales analysés) (Frosh et al., 2004). Contrairement aux autres études, les auteurs ont utilisé comme technique de détection, en plus de l’IHC, le WB.

- La troisième a été menée sur 63 007 échantillons d’amygdales (Clewley et al., 2009). Cette large étude n’a pas permis de mettre en évidence de cas positif. L’analyse a été faite par dépistage rapide par ELISA selon deux protocoles (Microsens et Biorad).

- La quatrième étude a consisté à analyser une nouvelle fois les pièces post-opératoires présentées par Clewley et son équipe (étude numéro 3) mais cette fois-ci par IHC (De Marco

et al., 2010). Un cas positif a été mis en évidence sur les 9160 échantillons testés. À ce jour, c’est la seule étude de prévalence ayant trouvé un prélèvement d’amygdale positif.

- La dernière étude a mis en évidence 16 échantillons d’appendices positifs sur les 32 441 analysés (Gill et al., 2013). Récemment, cette même équipe semble confirmer ces résultats (Présentation orale lors du congrès Prion 2017 à Édimbourg).

Selon cette dernière étude, le nombre de porteurs sains dans la population britannique serait donc plus élevé que les données antérieures, avec une prévalence d’environ 1 sur 2000 habitants dans la cohorte d’âge la plus exposée au risque primaire (Gill et al., 2013). Cette prévalence élevée pose un réel risque en termes de santé publique dans la mesure où ces individus sont potentiellement des donneurs de sang, et pourraient conduire à l’apparition de nouveaux cas de contaminations secondaires.

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

53 Toutefois, les études de prévalence présentent plusieurs limites. La première concerne le devenir des porteurs asymptomatiques : il apparait impossible de déterminer si ces individus développeront ou non une vMCJ. De plus, ces études analysent les tissus lymphoïdes (amygdales et appendices) autres que la rate qui est l’organe connu pour avoir une plus forte réplication périphérique. Enfin, différentes études mettent en évidence la présence de patients vMCJ qui ne présentent pas de réplication périphérique détectable (Joiner et al., 2005 ; Brandel et al., 2009 ; Mok et al., 2017). Ces deux derniers éléments permettent d’émettre l’hypothèse que la prévalence de porteurs asymptomatiques pourrait être plus importante dans la population britannique. À ce jour, aucune étude n’a été réalisée en France.

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

54 Tableau 9 : Présentation des cinq études de prévalence réalisées sur des pièces post-opératoires provenant de patients britanniques.

Numéro d’apparition des études 1 2 3 4 5

Années de publication de l’étude 2004 2004 2009 2010 2013

Méthodes d’analyse IHC WB + IHC ELISA IHC IHC

Nombre de pièces d’amygdales positives/

Nombre de pièces totales analysées 0/1427 0/2000 0/ 32 661 1/9 160

1 -

Nombre de pièces d’appendices positives/

Nombre de pièces totales analysées 3/12 674 - - - 16/32 441

Analyse génétique du codon 129 VV (2/3) - - -

8/16 (MM) 4/16 (VV) 4/16 (MV) Prévalence (intervalle de confiance de 95%)

pour une cohorte d’âge de sujets nés entre 1961 et 1985 292 par million d’habitants - 0 (<30) par million d’habitants 109 par million d’habitants 412 par million d’habitants Autre prévalence - 0 (<500) par million d’habitants (1995 et 1999) 0 (<30) par million d’habitants (1961 et 1995) - 733 par million d’habitants (1941 et 1960)

Références Hilton et al., 2004 Frosh et al., 2004 Clewley et al., 2009

de Marco et al.,

2010 Gill et al., 2013

1Cas positif en immunohistochimie mais négatif en ELISA

Chapitre I : Analyse du risque de transmission primaire

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4- Théories expliquant la discordance entre la forte exposition et le

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