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Les risques tactiques dus à la répression sont ceux encou- rus par la drogue (saisie) et les subordonnés (assistants, employés, sous-traitants, etc., c’est-à-dire les numéros 2 et 3). Nombre des décisions prises par les organisateurs/déci- sionnaires (les numéros 1) ont pour but de protéger ou de sacrifier des cargaisons de cocaïne et des employés. Les subordonnés courent ainsi de grands risques d’être arrêtés et condamnés, et c’est pour cela qu’ils sont payés. En effet, quelles que soient les intentions et priorités affichées, la répression s’attaque principalement aux cargaisons de drogue, aux trafiquants preneurs de risques (groupe b) et aux employés « jetables » (groupe c).

Contrairement aux risques stratégiques, qui ne semblent pas jouer de rôle fondamental dans les perceptions colom- biennes concernant le port de Rotterdam, les risques tac- tiques ont une influence majeure sur les décisions de passage de frontière, de déchargement et de transport au sein du port. La vie quotidienne en est, elle aussi, marquée : il faut rester discret. Nos informateurs « mouillés » sont bien évidemment préoccupés par les activités policières, douanières et la possibilité d’aller en prison. Enfin, les traquetos opérant aux Pays-Bas ont émis de nombreuses opinions (positives) sur le climat social local.

C o n t r ô l e s p o l i c i e r s

Les cargaisons de cocaïne et les employés doivent être protégés des interventions de la police. Les entrepreneurs de la cocaïne sont toutefois plus tolérants quant aux risques encourus par leurs employés. Dans le cas des importateurs et distributeurs « mouillés », des stratégies d’évitement de la police sont mises en œuvre en même temps qu’une foule

d’erreurs est commise et que des comportements à risque sont adoptés.

En effet, une attitude plutôt ambiguë et paradoxale semble avoir cours chez les entrepreneurs prenant des risques et leurs employés vis-à-vis des contrôles de police. D’un côté, soit ces traquetos affirment ne pas se sentir menacés pas les investigations policières, soit ils déclarent les assumer, «faire avec», comme un danger naturel, inhérent au business de la drogue. Certains informateurs déclarent redouter plus l’éventualité d’être tués ou dévalisés par d’autres trafiquants. Tous savent que la police néerlandaise est invisible dans les rues et que les coups de filet à l’encontre des étrangers en situation irrégulière sont exceptionnels, état de fait qu’ils apprécient. Selon d’autres trafiquants, la police néerlandaise est amicale et naïve. L’informateur n° 11 explique :

« Ouais, les tombos (policiers) d’ici me font marrer ! J’ai jamais rien vu d’aussi peureux, surtout comparé à la Colombie ! Ils ne peuvent pas tricher aussi facilement, ici. Ils prennent le temps de construire leurs dossiers, d’observer, de filocher les gens pendant des mois avant de passer à l’action. Alors, tu sais, savoir quelle marge de manœuvre tu as, c’est comme de jouer à la loterie, mais normalement ils te laissent bosser. J’en ai rien à f… des tombos [il est impossible de savoir si l’on est surveillé ou pas, donc ce que l’on peut faire ou non sans être arrêté]. »

D’autres encore soutiennent l’idée que bien des trafiquants « mouillés » ne connaissent ni même ne sentent de différence entre les styles policiers des divers pays de l’Union euro- péenne. L’informateur n° 1 :

« Ils voyagent partout en Europe et n’adaptent pas leurs attitudes aux pays où ils se trouvent. Tu n’as pas idée des énormes bêtises qu’ils commettent en permanence. Ils ne s’inquiètent que lorsqu’ils ont de la cocaïne sur eux, sinon ils s’en fichent complètement. Ils parlent librement au téléphone, le même portable tout le temps ! »

Le même informateur affirme en outre :

« Regarde n° 10, par exemple ; pour lui, les Pays-Bas, la France ou l’Allemagne, c’est du pareil au même. J’ai essayé de lui expliquer les différences, mais, pour lui, c’est la même chose. »

D’un autre côté, les traquetos prennent effectivement un grand nombre de mesures pour éviter de se faire repérer : ils utilisent des téléphones sécurisés, évitent les endroits « chauds », font profil bas, etc. Ici encore, ces mesures visent le plus souvent à éviter des actions policières fortuites plutôt qu’à neutraliser de longues et complexes investigations stratégiques. Ces comportements peuvent s’expliquer de deux façons différentes.

Premièrement, dans bien des cas, les trafiquants sont tout à fait incapables de prendre des mesures de contre-espionnage efficaces : ils ne disposent pas de contacts au sein de la police, ne connaissent pas les pro- cédures de surveillance policière dans le détail ou ne dis- posent pas de l’infrastructure adéquate à sa neutralisa- tion. Les remarques récurrentes faisant état de trafiquants de drogue « professionnels » qui commettent des erreurs « d’amateurs » – comme de transmettre des informations sensibles par téléphone, de collaborer avec de « mau- vaises » personnes, etc. – ne sont pas surprenantes car, très souvent, les employés qui prennent des risques ne peuvent pas faire autrement13. Deuxièmement, ils

semblent ne pas prendre au sérieux l’éventualité que la police prenne des mesures proactives et se comportent comme si la seule chose à craindre était d’être victime d’une opération de routine ou d’un contrôle inopiné. Certains croient parfois même être suivis, mais, de manière tout à fait surprenante, chassent bien vite de leur esprit cette éventualité.

C o n t r ô l e s d o u a n i e r s

Si le travail policier est généralement considéré comme provoquant peu de risque d’arrestation, la surveillance antidrogue effectuée par la police et la douane dans le port fait l’objet d’une prise en compte plus rigoureuse. Les itinéraires de contrebande et les modalités d’empaquetage sont adaptés afin de passer inaperçu aux yeux des policiers et des douaniers. Les probabilités d’être intercepté varient objectivement en fonction des quantités trafiquées, du soutien logistique disponible et des compétences organisationnelles

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(13) Selon Van de Bunt et al. [1999], l’analyse voulant que les interactions entre agents de la répression et trafiquants soient compa- rables à une « course aux armements » est fondée sur des présupposés erronés : les trafiquants ne prennent pas autant au sérieux, ni ne connaissent aussi bien les forces de l’ordre que celles- ci se l’imaginent ; les trafi- quants ne sont pas aussi puissants que les agents de la répression l’affirment [Van de Bunt et al., 1999, pp. 400-4001].

des passeurs, et il en va de même de la perception des risques par les trafiquants qui mènent de telles opérations.

Les importateurs de cocaïne et les passeurs parlent de leurs chances de « couronner » les cargaisons de façon assez surprenante. Certains tendent à exagérer les risques. Pour ceux qui connaissent l’échec, l’exagération est un moyen de le légitimer. Pour d’autres, c’est une bonne occasion d’apparaître sous un jour favorable et d’augmenter leur crédibilité auprès d’associés et d’employeurs, ou de présenter leur chiffre d’affaires comme particulièrement mérité. L’informateur n° 27 :

N° 27 : « Sur dix types chargés, il n’y en a qu’un seul qui s’en tire. »

DZ : « Tu veux dire l’inverse… »

N° 27 : « Non, non, c’est super-dangereux. Je veux dire… tôt ou tard, tu tombes. »

La plupart des informateurs s’accordent sur le fait que les cargaisons conteneurisées ont les meilleures chances de passer les contrôles, mais certains pensent cependant qu’il est plus facile d’utiliser un membre d’équipage pour faire passer la cocaïne. L’informateur n° 11 :

« Personne ne contrôle les bagages sur les navires, tu peux passer ce que tu veux sans souci. Un de mes copains est arrivé sur un énorme bateau et il aurait pu passer avec un sac plein de cocaïne. »

La plupart des gens connaissent la nouvelle technique policière consistant à introduire les conteneurs suspects dans un scanner, mais les opinions divergent quant à sa réelle efficacité. L’informateur n° 1 :

« La police investit des millions dans des scanners et les

traquetos seulement cinq euros dans du papier carbone, tu

sais, celui qui s’achète dans la première papeterie venue. Oui, ils font quelques recherches, et puis ils résolvent le problème de manière créative et à moindre frais. Bon, il y en a peut-être qui investissent beaucoup là-dedans [l’empa- quetage et l’évitement des contrôles] mais la plupart se contentent du papier carbone ou d’autres recettes de bonne femme.14»

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(14) Cette remarque montre que la connaissance dont disposent certains trafiquants à l’égard de cet appareil est limitée, car d’après les machinistes chargés de le faire fonctionner, le « truc » du papier carbone ne fonc- tionnerait pas avec ce type de scanner à conteneurs.

D’autres, comme l’informateur n° 12, reconnaissent que le port est plus dangereux du fait de la présence de ces scanners… Mais ils ignorent combien de scanners ont été installés, où ils sont situés et comment ils fonctionnent.

D’après l’ensemble de nos informateurs, c’est le déchar- gement qui constitue la tâche la plus dangereuse, en parti- culier lorsqu’il n’y a ni corruption ni utilisation d’un bureau d’import/export. En effet, si l’opération a été dénoncée, c’est lors de cette phase que l’on s’attend à l’intervention de la police. Une tentative de déchargement peut facilement échouer du fait de contrôles inopinés ou, comme c’est souvent le cas, à cause d’erreurs pratiques ou techniques. L’existence de délais fréquents constitue une excellente illustration des difficultés que présente le déchargement : des jours entiers peuvent séparer le moment où le navire entre au port et celui où la cocaïne est effectivement déchargée. Ces délais, dit-on souvent, augmentent les probabilités de détection. Ils sont causés par des problèmes bureaucratiques, des erreurs (le personnel n’arrive pas au rendez-vous ou se trompe de navire, de conteneur, etc.) ou des mesures de prudence (employés découvrant une sur- veillance policière et attendant le moment opportun). Dans certains cas, la peur peut retarder des cargaisons de cocaïne indéfiniment. L’informateur n° 5 :

« Le “truc” est arrivé en France mais personne ne veut le faire sortir, c’est incroyable ! Il est là-bas et il faudrait que quelqu’un aille le récupérer, mais cela n’a pas l’air simple du tout, je crois qu’ils vont carrément l’abandonner sur place. »

Nous avons entendu dire à de nombreuses reprises que certaines saisies de cocaïne sont provoquées par des exportateurs se livrant à ce qu’on qualifie de « sacrifices ». Comme nous l’explique l’informateur n° 9 :

« Ils ne saisissent qu’une petite quantité. On planque des

aparatos (blocs de cocaïne d’un kilo) dans plusieurs

conteneurs chargés de bananes venant de Colombie ou d’Équateur. On en met quelques-uns, disons quatre ou cinq, pour amuser la police, et puis on en envoie en plus grande quantité à une date ultérieure ou en passant par un autre endroit. »

Alors que les risques personnels durant le déchargement peuvent aisément être transférés à des employés ou des sous-traitants, les organisateurs courent un risque financier en cas de saisie. L’informateur n° 1 :

« Si quelqu’un contrôle la bajada (déchargement), ça veut dire qu’il dispose des contacts nécessaires à l’introduction du “truc” et qu’il est totalement responsable s’il tombe. »

Enfin, on peut affirmer que, tandis que les exportateurs « planqués » ne risquent pas l’arrestation et disposent de nombreux moyens de réduire les risques d’interception (en recourant au transbordement, à la corruption, à des sacrifices, en inventant de nouveaux itinéraires, de nouvelles méthodes, etc.), les entrepreneurs et employés « mouillés » sont directement confrontés à des risques de saisie de marchandise et d’arrestation personnelle. Les membres de ce second groupe considèrent souvent le port de Rotterdam comme hostile.

L o n g u e u r d e s p e i n e s

e t c o n d i t i o n s d e d é t e n t i o n

Tandis que les trafiquants « planqués » ne se préoccupent que de faire en sorte que leurs subordonnés et employés vulnérables aient droit à un procès équitable ou restent loyaux tout en purgeant leur peine, ces derniers ont une expérience plus immédiate du système carcéral. Certains informateurs incarcérés affirment avoir été abusés, mal informés des risques réels de capture ou carrément trahis. Deux plongeurs, par exemple, disent s’être entendus promettre que le travail à effectuer était simple et sûr. D’autres affirment n’avoir pas vraiment eu le choix et se sentent victimes de l’injustice ou du désespoir. Un infor- mateur soutient qu’il ne pouvait désobéir et qu’il a fait du mieux possible étant donné la situation. D’une manière générale, ces informateurs n’ont pas été efficacement dissuadés par les promesses de punition et n’ont pris conscience de ce qu’elles signifiaient qu’une fois en prison. Toutefois, la majorité des employés connectés aux opérations passant par le port de Rotterdam savent très

bien ce qu’ils risquent. Ceux qui ont fait de la prison ailleurs qu’aux Pays-Bas disent clairement que les prisons néerlandaises sont celles où les conditions sont de loin les meilleures. L’informateur n° 27 :

« J’ai tiré trois ans au Portugal et c’était la loi de la jungle. À côté, Esserheem, c’est un hôtel de luxe, même comparé à De Koepel15. »

L’informateur n° 11 :

« J’ai survécu deux ans dans la fameuse Section 3 de la prison de Palmira [proche de Cali], donc je peux survivre à tout. »

La plupart des informateurs s’accordent également pour dire qu’aux Pays-Bas les peines infligées aux trafiquants subalternes, non qualifiés, et non considérés comme membres d’une organisation criminelle, sont plus courtes qu’ailleurs.

C l i m a t s o c i a l

De nombreux commentaires évoquent l’existence aux Pays-Bas d’un environnement peu répressif et plus tolérant, au sein duquel faire des affaires illégales. Il ne faut pas y voir une référence aux agences formelles de contrôle social (police, douane, prison), mais plutôt au climat social qui règne de façon générale en terre néerlandaise. Les Colombiens ne manquent pas de remarquer que l’attitude des Néerlandais, notamment dans les villes comme Amsterdam, est caractérisée par une grande indifférence vis-à-vis des autres, de ce qu’ils font, choisissent, vendent et achètent. Les trafiquants de cocaïne apprécient qu’on puisse ainsi parler affaires ouvertement dans les restau- rants et les bars sans déclencher de réactions notables aux tables voisines.

Le trafic de cocaïne peut parfois donner lieu à des célébrations en public. La peur et le secret entourant l’arrivée d’un navire au port laissent alors la place au bonheur et à la joie de savoir la cargaison désormais en lieu sûr. Lorsqu’un gros chargement « couronne » de la sorte, même les membres les plus périphériques du circuit latino

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(15) Esserheem et De Koepel sont des établisse- ments pénitentiaires néer- landais.

de la rue sont au courant. Personne ne connaît les détails potentiellement dangereux, mais les commérages concernant la quantité et les festivités du « couronnement » circulent à toute vitesse. L’informateur n° 28 :

« Il y a deux mois, il y en a eu une grosse [cargaison de cocaïne]. Plein de gens ont gagné un maximum de pognon… Ils sont encore en train de le dépenser. Tu les vois partout : avec des filles, dans les restos, et en pleine rumba [fête]. On vend plus de nourriture, les gens soldent leurs dettes, tu vois le tableau… une gueule de bois sans fin… »

Enfin, les niveaux de violence (policière, interpersonnelle ou de rue) relativement bas qui ont cours aux Pays-Bas sont considérés comme bénéfiques par plusieurs informateurs. Selon certains, la cocaïne ne serait « qu’un business parmi d’autres ». Ainsi, d’après un informateur, lorsque la violence est peu présente, les gens « comme vous et moi » peuvent trafiquer de la cocaïne.

Conclusion

D’après la plupart des points de vue exposés dans cet article, le port de Rotterdam semble être apprécié des trafiquants de cocaïne colombiens. Toutefois, en ce qui concerne certains aspects spécifiques, ces perceptions varient en fonction de la position occupée dans le trafic (décisionnaire ou exécutant) et de la proximité du trafi- quant vis-à-vis d’éléments incriminants (individus « planqués » ou « mouillés »). Nous avons ainsi fait valoir que les trois groupes identifiés en début d’article – a) exportateurs hostiles au risque, b) exportateurs, importateurs et distributeurs prenant des risques, et c) employés à haut risque – ont tendance à percevoir les divers éléments analysés ici de manière différente.

Des recherches antérieures à la nôtre ont montré que l’avantage comparatif des Pays-Bas en matière d’importa- tion de drogues illégales est en grande partie attribuable aux infrastructures économiques et au climat favorable aux affaires internationales dans ce pays [Bovenkerk, 1995 ;

Fijnaut et al., 1996 ; Farrell, 1998, p. 30 ; Van de Bunt et al., 1999, p. 403]. Nos propres informations confirment en grande partie cette analyse, même s’il est évident que les ressources humaines (connexions sociales) et la répression (risques tactiques et stratégiques) jouent un grand rôle du fait de leur impact tant sur les modalités de trafic dans le port que sur le comportement quotidien des trafiquants aux Pays-Bas.

Les exportateurs colombiens détenteurs de capitaux qui ne vont jamais aux Pays-Bas et qui ont les moyens d’investir dans de grosses cargaisons de cocaïne (groupe a)16

tendent à pondérer des considérations logistiques, écono- miques et de ressources humaines avant d’expédier de la cocaïne à Rotterdam. Il faut souligner que ce sont souvent ces mêmes personnages qui prennent les décisions opéra- tionnelles fondamentales. Les arrangements en matière d’import/export sont souvent les principaux déterminants de leurs choix. Ils transfèrent les risques stratégiques à d’autres et ne se préoccupent que des risques tactiques encourus par la cargaison de cocaïne. Ils parviennent à minimiser ces risques en investissant dans une méthode de contrebande spécifique, en sacrifiant de la cocaïne, voire en partageant avec d’autres les risques financiers.

Pour le deuxième groupe (b) de traquetos colombiens, celui des exportateurs et importateurs qui prennent des risques et se rendent aux Pays-Bas, les décisions semblent également motivées par des considérations logistiques et de ressources humaines. L’informateur n° 3 explique ainsi :

« J’étais en Colombie quand c’est arrivé ; d’autres l’ont acheté et ont envoyé l’argent. Cette entreprise de fruits est très fiable, et elle s’occupe de tout. […] Je sais qu’ils ont acheté de nouveaux scanners, ouais, mais ils n’ont rien trouvé quand même. […] Tu sais, je crois que [le port] est trop grand. » DZ : « Pourquoi avez-vous expédié le “truc” aux Pays-Bas ? » N° 3 : « Simplement parce que cette boîte avait envoyé ces fruits à Rotterdam. Cela aurait pu être n’importe où, tu sais, moi, j’en ai rien à f… »

DZ : « Vous connaissez quelqu’un là-bas ? » N° 3 : « Non. »

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(16) Rappelons que les per- ceptions de ces trafiquants nous ont été transmises par divers informateurs clés situés en Colombie et qui leur sont proches d’une façon ou d’une autre.

Néanmoins, comme ces individus manipulent fréquemment des quantités de drogue, certes moins importantes que celles du groupe a) mais en prenant des risques plus grands et plus nombreux (du fait qu’ils emploient des firmes moins crédibles, disposent de moins de ressources opérationnelles, etc.), nombre d’informateurs de ce groupe font passer les connexions sociales (commerciales) avant les aspects logistiques. Ce groupe considère le climat commercial entourant le port comme extrêmement positif ; en revanche, il se plaint de n’avoir qu’un accès restreint à la corruption. À la différence du groupe a), les membres du groupe b) ne peuvent pas transférer les risques stratégiques, si bien qu’ils attachent de l’importance aux stratégies et activités des institutions répressives, ainsi qu’aux punitions potentielles. En général, ce groupe tend à considérer que les contrôles policiers et douaniers effectués dans le port présentent un danger (risque tactique pour la drogue), mais se sent plutôt en sécurité aux Pays-Bas. En effet, nombre d’informateurs affirment que la police (et la douane) néer- landaise est tolérante et n’est pas brutale, que les contrôles de police sont détendus, que les peines d’emprisonnement sont plus courtes, et que les conditions carcérales sont meilleures. La plupart évoquent un climat social tolérant, où la violence est peu présente, particulièrement adapté à la conduite d’affaires illicites.

Malgré cette évaluation « positive » de la répression, qui