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En résumé, le bilan du Plan Colombie est au mieux mitigé, au pire désastreux. Lorsque le temps sera venu pour les gouvernements colombien et américain de décider de s’embarquer ou non dans un « Plan Colombie 2 », il importe qu’ils ne se basent pas sur une évaluation faussement optimiste de l’expérience des six années passées. Si les États-Unis entendent mettre au point une politique suscep- tible d’aider la Colombie à sortir des ornières de la drogue, de la violence et de la mauvaise gouvernance, la première chose à faire est de porter un regard lucide sur les échecs et les errements du passé récent.

Au lieu de répéter les erreurs commises depuis l’an 2000, il est temps d’en tirer les leçons. Ce qui signifie développer une nouvelle politique qui se donnerait deux objectifs. Premièrement, travailler avec les Colombiens pour les aider à surmonter les faiblesses chroniques de leur État – tout l’État, pas seulement les forces de sécurité. Ensuite, soutenir avec vigueur et générosité ceux qui œuvrent pour mettre un terme à l’impunité – qu’il s’agisse de droits de l’homme, de trafic de drogue, de corruption ou de toute autre forme de criminalité – car il s’agit proba- blement du principal obstacle, tant à la sécurité publique qu’au développement économique.

Les États-Unis possèdent une communauté d’ONG qui

offrent un suivi et un regard critique sur la politique américaine en Colombie depuis fort longtemps, bien avant l’approbation du Plan Colombie. Cette communauté a exprimé sa vision d’une politique alternative dans un document consensuel publié en mars 200512. Le Blueprint

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(12) Disponible en ligne : http://ciponline.org/colombia/ 0503blueprint.pdf

for a New Colombia Policy (modèle pour une nouvelle politique colombienne) propose dix recommandations, donc cinq sont à coût zéro, les cinq autres pouvant être financées en redistribuant les ressources attribuées au budget surdimensionné de l’aide militaire.

Le Blueprint préconise une diminution des crédits d’aide militaire et d’aspersion d’herbicide, doublée d’une augmentation concomitante de l’aide générale à la Colombie, qui permettraient de renforcer grandement le soutien financier aux institutions chargées de la lutte contre l’impunité, comme le système judiciaire colombien, cerné de toutes parts, ou encore les institutions de contrôle que sont le Congrès, le bureau du procureur, le ministère de l’Intérieur, le bureau du médiateur, ainsi que les organi- sations indépendantes de lutte pour les droits de l’homme et contre la corruption. L’effort de développement alternatif pourrait connaître des progrès spectaculaires dans certaines zones rurales négligées où prolifèrent culture de plantes à drogue et groupes armés, à condition que ces programmes s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie globale de développement rural – au lieu de se contenter de proposer des cultures alternatives, qui ne connaissent que très rarement le succès – et pourvu qu’on mette un terme à une stratégie d’aspersion aérienne aussi cruelle que contre-productive. Il est indispensable de dégager des crédits pour financer, non seulement l’arrivée d’institutions civiles dans les zones récemment « reconquises » grâce aux opérations militaires, mais encore des « programmes de paix et de développement » ancrés dans la société civile, combinant projets de déve- loppement et initiatives de résolution de conflits à l’échelle locale. Les plus de deux millions de personnes déplacées à l’intérieur même du pays ne reçoivent qu’une infime portion de l’aide humanitaire et de la protection de l’État dont elles ont pourtant un besoin urgent. Sur son propre sol, le gouvernement des États-Unis se doit d’étendre l’ampleur des mesures de traitement de la demande de stu- péfiants, qui sont nettement plus efficaces que l’éradication de la coca pour minimiser les dommages causés à la société américaine par les drogues illicites, comme le montrent les études sur le sujet13.

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(13) Cf. par exemple, Rydell, Everingham [1994] et Shepard, Blackley [2004].

Parmi les options à coût zéro, notons la possibilité d’un usage nettement plus vigoureux de l’influence diplomatique des États-Unis dans le sens d’une amélioration des droits de l’homme, si tant est que l’on veuille bien voir dans la législation colombienne existante un outil de progression institutionnelle et non un obstacle à toujours plus de présence militaire. De même, le Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a établi une liste de recommanda- tions adressée au gouvernement colombien : elle offre un excellent cadre directeur pour les priorités américaines dans ce pays. Le gouvernement américain ne devrait sou- tenir le processus de démobilisation des groupes armés que très prudemment, celui-ci ne prévoyant pas pour le moment de mesures précises liées au démantèlement complet des structures paramilitaires, sans même parler de justice, de vérité ou de réparations. Tout en gardant à l’esprit ces réserves liées au cadre juridique de leur action, les États-Unis devraient soutenir activement toute initiative allant dans le sens d’une reprise des négociations avec la guérilla, maintenant, et non pas après que des années de conflit auront emporté des milliers de vies supplémentaires. Enfin, le gouvernement américain se doit d’encourager les élites colombiennes à injecter leurs propres ressources dans ce travail sur la gouvernance : les 750 millions de dollars d’aide annuelle, qu’elle soit civile ou militaire, ne représentent après tout que 0,8 % du PNBde la Colombie. Il est donc clair

que c’est aux Colombiens eux-mêmes qu’il incombe de gagner cette bataille, et aux plus riches d’entre eux de la financer.

Mais par-dessus tout, ni les responsables américains, ni les élites politiques colombiennes ne doivent se contenter de ramener les problèmes à un niveau « gérable ». Au bout du compte, la réussite ne se définit pas en termes de gestion des problèmes existants : il est question de les résoudre en améliorant réellement la gouvernance civile, tout en faisant définitivement un sort à l’impunité. Tant que ces besoins urgents ne seront pas satisfaits, Washington se verra condamné au balbutiement, voire à l’escalade, répétant inlassablement les mêmes stratégies, perdantes d’avance.

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Adam ISACSON

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L

es deux lettres du commissaire central de la ville de Nice présentées ici sont issues des archives de la correspondance générale de la Division criminelle, service de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice. Dans cette série BB18consul-

table à Paris au Centre d’accueil et de recherche des Archives nationales (CARAN), nous trouvons, outre des dossiers relatifs aux affaires ayant entraîné une intervention du ministère de la Justice (affaires dites sensibles), des dossiers thématiques concernant l’anarchisme, les grèves, les congrégations religieuses, etc. Certains dossiers, c’est le cas de celui coté BB18-

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d’archives reproduits, sont élaborés en lien direct avec l’activité législative. En 1913, alors que plusieurs propositions de lois tendant à pénaliser l’usage de drogue sont examinées par la Chambre des députés, la Division criminelle demande aux procureurs généraux des cours d’Aix, Rennes et Paris

de transmettre toutes les informations à leur disposition sur les affaires en relation avec l’opium traitées dans leur juridiction en 1912 et 1913. Quelques documents anté- rieurs (liés à l’élaboration du décret du 1er

octobre 1908 ajoutant le chandoo2à la liste

des substances vénéneuses qui, en vertu de la loi du 19 juillet 18453, ne peuvent être

vendues que sur ordonnance) et postérieurs (dont l’affaire B.) sont joints au dossier qui contient aussi des analyses du travail législatif. Chronologiquement, l’affaire B. se déroule entre mars et mai 1916. Afin de bien en comprendre les ressorts principaux, nous aborderons dans un premier temps la question de l’importation de la fumerie d’opium en France avant d’esquisser les grandes lignes d’une analyse sociologique de ce phénomène. L’affaire B. nous informe sur un moment clef de la lutte contre la « noire idole » juste avant l’adoption de la loi pénalisant l’usage en réunion de l’opium et nous renseigne aussi sur certaines caracté- ristiques du travail policier de cette époque.

A R R Ê T S U R A R C H I V E S

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L’Affaire B. (1916) :