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La réussite d’une société démocratique ne passe pas uniquement par le respect de procédures formelles telles que la tenue régulière d’élections libres. Les démocraties libérales sont plus ambitieuses et exigent l’instauration d’un véritable contrôle des gouvernants par la société civile, d’un monopole de la violence et d’une justice impartiale, l’accès à des services sociaux et administratifs élémentaires, et le développement d’une forme rationnelle de capitalisme. La société colombienne, on l’aura compris, est encore loin d’être régie par de tels principes.

L’infiltration des réseaux mafieux dans les villes de Colombie met les forces de démocratisation devant un défi qu’il n’est pas simple de relever. Déjà, dans les municipalités contrôlées par la guérilla ou les autodéfenses, la dynamique politique, économique, sociale et même culturelle de la société est façonnée par la vision et les intérêts des guerriers. C’est pourquoi le phénomène des seigneurs de la guerre n’est pas une simple péripétie et ne doit pas être sous-estimé : il ne s’agit pas d’un événement passager, mais du résultat solide d’un processus de construction d’États alternatifs en certains lieux du pays. Duffield [1998, p. 97] suggère que de telles formes d’organisation étatique constituent une réponse cohérente de la part de régions en retard désireuses de s’insérer dans les réseaux du commerce international malgré l’absence de perspectives offertes par un État central faible et une économie peu compétitive. Cet auteur ne considère pas la violence qui sévit dans ces sociétés comme une anomalie, un accident de parcours dans le cours d’une histoire prédéterminée qui mènerait, à plus ou moins long terme mais immanquablement, vers le bonheur de la démocratie libérale. Au contraire, le conflit lui-même constitue un état d’ordre local imposé par les seigneurs de la guerre dans le cadre de « projets politiques à long terme qui

n’ont pas besoin d’horizon lointain où leur autorité politique se consoliderait en des territoires, appareils bureaucra- tiques ou consensus conventionnellement structurés.»

Pour l’État, la solution du conflit requiert beaucoup plus que d’en finir avec la violence que certains groupes utilisent dans l’objectif de changer l’ordre des choses. Il s’agit en réalité d’en finir avec un modèle de société violente mis en œuvre par des acteurs armés opposés aux principes de la démocratie libérale. Et de tous les effets politiques qu’a engendrés l’irruption des seigneurs de la guerre, celui dont on pressent qu’il a le plus d’impact est la révolution de la structure de pouvoir due à la narcotisation des élites rurales puis à leur projection nationale. Le conflit historique entre des pouvoirs régionaux fragmentés qui a caractérisé la Colombie et qui, croyait-on, était appelé à disparaître avec l’urbanisation du pays, a en fait muté et pris une forme nouvelle sous l’impulsion d’armées rurales. Celles-ci, s’appuyant sur une structure de pouvoir verticale dont l’influence se fait sentir jusque dans les hautes sphères du gouvernement, pèsent sur les choix politiques nationaux conformément aux intérêts économiques d’une classe qui s’est fait une spécialité de capturer les excédents écono- miques par le mécanisme de la « coercition/protection ». L’infiltration des réseaux mafieux dans les grandes villes marque peut-être le triomphe partiel des guerriers des cam- pagnes dans le conflit pour la définition du type d’État dont est dotée la Colombie à son entrée dans la mondialisation.

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Gustavo DUNCAN

chercheur, Universidad de los Andes, Bogota

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© Censo de coca 2004, Projet SIMCI-II, ONUDC, Bogota http://www.unodc.org/colombia/es/simci_project.html Version française : INHES

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UTUMAYO

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existence d’une relation entre le conflit armé en Colombie et la production de drogues qui y a cours relève aujourd’hui de l’axiome. Il n’est donc pas illogique de s’interroger sur le rôle que jouent les groupes armés dans la fabrication de stupéfiants. Lorsqu’il s’agit d’étudier de près la guerre et les économies informelles, les anthropologues peuvent revendiquer un avantage méthodologique certain sur la plupart des autres disciplines de sciences sociales. Cet avantage consiste en ce que le seul moyen de collecter des données empiriques sur des relations qui demeurent invisibles

L’impact des politiques