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CHAPITRE 5: REGULATION DE LA PRODUCTION DE PADDY PAR LES SUPERFICIES MISES

1.2 Des possibilités limitées de régulation par le contrôle de l'eau

1.2.1 Risques et milieu physique

a) Alimentation hydrique et pluviométrie

La qualité de l'approvisionnement en eau dépend de la nature des infrastructures hydrauliques et du sol. Pour caractériser les parcelles, nous nous sommes basés sur les déclarations des producteurs. Ces derniers insistaient sur la qualité d'approvisionnement en eau en début de campagne, le niveau d'eau disponible sur l'ensemble de la campagne (suffisant ou non) et la sensibilité aux inondations.

Selon le type d'infrastructure et d'origine de l'eau, l'irrigation en début de campagne est variable d'un périmètre à l'autre. Mais les possibilités de préirrigation sont limitées tant en superficie qu'en volume d'eau alors disponible et la mise en eau est souvent liée à l'arrivée des pluies quand le début de la campagne n'est pas strictement pluvial.

Selon les sols et la végétation adventice, le déficit hydrique en fin de saison sèche dans l'Alaotra est estimé entre 1500 à 3000 m3/ha. Les besoins en eau pour la mise en boue sont estimés à 1000 m3/ha soit 100 mm (Somalac, 1986). La préparation des sols et le remplissage des rizières nécessitent donc entre 250 mm et 400 mm tandis que le maintien de la lame d'eau demande entre 6 à 8 mm/j selon la vitesse de percolation. Dans un premier temps, nous avons considéré qu'une pluviométrie cumulée de 36 mm64 sur une décade marquait le début de la

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Nos suivis montrent que les travaux en rizière débutent après un cumul des précipitations de l'ordre de 30 à 40 mm sur deux jours selon le type de sol.

campagne. Cette hauteur d'eau correspond au remplissage de la réserve utile d'un sol sur les 20 cm (profondeur du sol travaillée) à partir d'une estimation de réserve utile de 180 mm pour une hauteur de 1 m (Raunet, 1984). L'analyse fréquentielle de la pluviométrie cumulée par décade montre qu'une année sur deux la campagne peut alors débuter dès la deuxième décade de novembre. Cette hauteur d'eau est atteinte trois années sur quatre lors de la deuxième décade de décembre. Les deux campagnes suivies ont été marquées par une arrivée tardive de l'eau avec une première pluie significative au cours de la deuxième quinzaine de décembre. Lorsqu'il y a possibilité de préirrigation, le début de la campagne peut être déterminé par la date de réalisation des pépinières. Nous avons considéré qu'elle correspondait au moment ou la pluviométrie cumulée sur une décade atteignait 25 mm (les surfaces de pépinières étant évaluées à 1/10 de la superficie des rizières) et que le débit d'irrigation permettait alors de compenser les pertes en eau (évaporation et percolation). Avec ces hypothèses, une année sur quatre les pépinières sont réalisées la première décade de novembre, une année sur deux lors de la deuxième décade de novembre et trois années sur quatre lors de la troisième décade de ce mois.

Figure 32: Analyse fréquentielle de la pluviométrie cumulée par décade65 durant les mois d’octobre, novembre et décembre.

décade mm 0 50 100 150 200 250 300 350 400 28 29 30 31 32 33 34 35 36 AF80 AF50 AF20 AF33

Trois années sur quatre, la saison des pluies se termine lors de la première décade d'avril.

b) La situation de la parcelle dans le réseau et la gestion de l'eau

Le fonctionnement des réseaux d'irrigation est variable d'un périmètre à l'autre mais tous reposent sur un schéma d'irrigation gravitaire. La position des périmètres par rapport à la ressource en eau est ainsi variable. Dans le cas du PC15, l'eau est acheminée depuis le barrage d'Antanifostsy situé à une dizaine de km en amont et en début de campagne, il faut compter une quinzaine de jours pour que le lâcher d'eau du barrage n'atteigne le périmètre. Au contraire, dans l'Imamba, les prises sur rivière se trouvent à proximité immédiate du périmètre. Mais, on note une dégradation générale de l'irrigation de l'amont vers l'aval avec des différences locales selon la situation topographique des mailles, l'état du réseau et la nature du sol, comme le montre l'exemple du périmètre d'Imamba-Ivakaka que la Somalac considérait comme un périmètre à "bonne maîtrise de l'eau" (Carte 6). Les potentialités d'irrigation sont en réalité très différentes d'une parcelle à l'autre en fonction d'éléments

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topographiques, de la variabilité des sols et des horizons sous jacents. Les images satellitaires du PC 23 analysé par Borne (1990) sont particulièrement révélatrices de ces différences de maîtrise de l'eau à l'échelle parcellaire. Au sein d'une maille et/ou d'unité d'irrigation quaternaire, la situation est cependant généralement meilleure en tête de réseau.

Il n'y a pas d'organisation traditionnelle de gestion de l'eau dans la société Sihanaka. L'eau est un don du ciel et chacun se sert sans se préoccuper du voisin à l'aval. Depuis la disparition de la Somalac, la mise en eau des réseaux et les débits dans les canaux primaires dépendent du bon vouloir des services d'encadrement agricole locaux (plus ou moins compétents, et en restructuration) et des négociations avec les utilisateurs, pouvant aller jusqu'à l'épreuve de force avec destruction des ouvrages. Cette gestion individuelle de l'eau se traduit par une surconsommation de l'eau par les premiers servis. Cette eau peut être partiellement récupérée par des barrages sur drains en aval mais ces gaspillages dans un contexte de ressources limitées en eau entraînent une forte incertitude sur les dates de mise en eau du réseau, sur les dates d'arrivée de l'eau dans les parcelles selon leur situation dans le périmètre et dans les mailles, et une incertitude sur le débit disponible et ses évolutions surtout pendant la période sensible de début de campagne.

c) Caractérisation des risques hydriques au niveau de la parcelle

La caractérisation de la maîtrise hydrique selon les périmètres à "bonne maîtrise de l'eau" et à "moyenne maîtrise de l'eau" ne paraît pas suffisant dans ce contexte d'aléas, liés à la pluviométrie, et d'incertitudes liées à la gestion des réseaux. C'est au niveau de la parcelle même que peuvent s'apprécier les risques rencontrés. Il existe une grande variabilité de maîtrise de l'eau en fonction des quantités disponibles en début et en cours de campagne et de l'efficacité du drainage. Les rizières ont été classées en quatre grandes catégories, en fonction de leur caractérisation par les producteurs, c'est à dire des types de problèmes hydriques rencontrés66. Cette classification ne différencie les parcelles selon le type de réseau mais si la localisation dans un aménagement hydroagricole ne garantit une alimentation correcte en eau, il est rare de trouver des parcelles bien irriguées hors des zones aménagés (en grands périmètres ou périmètres traditionnels).

la bonne maîtrise de l'eau (BMO) : Ces parcelles disposent de quantité d'eau suffisante et bénéficient de possibilité de préirrigation en début de campagne, avec des risques de sécheresse ou d'inondation limités aux événements climatiques exceptionnels (cyclone par exemple). Elles sont en majorité situées en grands périmètres aménagés ou à proximités de sources d'irrigation pour les réseaux traditionnels Comme pour les autres types de maîtrise de l'eau, date de mise en eau et débit d'irrigation restent cependant mal contrôlés.

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Insuffisance d'eau en début de campagne, insuffisance d'eau cours de campagne, points bas inondables et problème de drainage, irrigation strictement pluviale etc...

La moyenne maîtrise de l'eau (MMO). Ce sont des parcelles situées en périmètres aménagés, qui bénéficient d'un réseau d'irrigation et de drainage, avec des risques d'inondations et d'assec exceptionnels. En revanche, le début de campagne est lié à l'arrivée et l'installation des pluies et les débits disponibles sont, en début campagne notamment, très incertains. Cependant la quantité totale d'eau sur la campagne est relativement sûre.

La mauvaise maîtrise de l'eau (MAO). Ces parcelles, quelle que soit leur localisation, ne bénéficient que de mise en eau en pluvial. L'approvisionnement est insuffisant, irrégulier, et soumis à la pluviométrie, avec les risques d'assec et d'inondations fréquents. Dans cette catégorie se trouvent les rizières strictement pluviales ou sur nappe.

Les parcelles inondables (INO). Ce sont des parcelles situées dans certaines zones de bas fonds ou en aval des périmètres dans les marais. Le drainage est mauvais et elles sont soumises à des inondations. Le risque concerne la hauteur de l'inondation et la date de montée des eaux. On y trouve notamment les rizières de zetra ou d'ankaiafo soumises à la remontée des eaux du lac.

d) Conséquence sur la production rizicole

La contribution en tonnes de paddy par les différentes rizières d'une unité de production a été estimée à partir des résultats de la campagne de 1991/1992, considérée comme une bonne année rizicole. Elle a en effet bénéficié d'une pluviométrie moyenne mais bien répartie avec une installation des pluies dès le mois de novembre. De plus, les effets de la disparition de la Somalac (1991) sur l'entretien et la dégradation du réseau étaient encore minimes.

Les rendements moyens par catégorie de maîtrise de l'eau varient de 3,4 t/ha à 1,7 t/ha en rizières non inondables avec des coefficients de variation élevés allant de 30 à 60 % (Tableau 26). Ces différences sont significatives mais il n'y a pas de différence entre les réseaux ex-Somalac et les parcelles hors réseaux! En revanche, la variabilité des rendements est plus importante dans les zones hors périmètres et en rizière à mauvaise maîtrise de l'eau.

Tableau 26 : Rendement moyen sur la campagne 91/92 par catégorie de maîtrise de l'eau dans l’échantillon de 68 exploitations

Des rendements tout à fait comparables été observés à la suite de la campagne 82/83, année de pluviométrie moyenne caractérisée par des pluies précoces. Ils variaient en moyenne de 1,2 t/ha à 3,3 t/ha selon les périmètres Somalac et les catégories d'exploitations identifiées sur les parcelles in maille. (Funel et al, 1984).

BONNE MOYENNE MAUVAISE RIZIERES

INONDABLES TOTAL Rendement (t/ha) Moy CV % Moy CV % Moy CV % Moy CV % Moy CV "In- maille" 3,38 37 2,27 39 1,70 62 2,70 48 Hors- maille 3,19 32 2,70 47 1,72 53 2,38 52 Total 3,32 35 2,61 45 1,72 56 0,94 91 2,29 59

Figure 33 : Contribution à la production de paddy par type de maîtrise de l'eau (campagne 91/92) dans les parcelles des exploitations enquétées

Maîtrise de l'eau % 0 10 20 30 40 50

Bonne Moyenne Mauvaise Inondable

0 1 2 3 4 5 T/ha

… % des superficies par rapport au total cumulé sur

l'échantillon

„

% du paddy par rapport au total cumulé sur l'échantillonRendement moyen et écart type

En dépit de bonnes conditions pluviométriques, la contribution relative des différents types de rizières dépend de la qualité de la maîtrise de l'eau (Figure 33). Dans de telles conditions, les zones inondables sont forcément pénalisées du fait d'une hauteur et/ou d'une durée d'inondation trop forte, notamment dans les zones avals des périmètres soumises à la remontée des eaux du lac : 43 % des parcelles inondables n'ont pas produit de paddy durant cette campagne, d'où la faiblesse du rendement moyen obtenu dans cette zone. Mais les variations de rendement au sein de chaque catégorie montrent que la maîtrise de l'eau n'est qu'un des facteurs déterminants du rendement.

Les faibles différences observées entre périmètres aménagés et "hors maille"67 sont peut-être dues à la bonne répartition des pluies de la campagne étudiée. Nous ne disposons pas de résultats détaillés de production en années moins favorables. Mais, comme le montre l'évolution de la production dans les périmètres Somalac selon la pluviométrie, une moins bonne année pluviométrique se traduit sans doute par

• une accentuation des écarts entre zones de périmètres et zones hors mailles;

• une diminution générale de la production sur les différentes catégories de maîtrise de l'eau, plus ou moins atténuée en bonne maîtrise de l'eau

Ces catégories de milieu correspondent donc à des niveaux de production et de sécurisation différents, et décroissants de la bonne maîtrise de l'eau aux zones inondables. Mais cette sécurisation reste relative même en bonne maîtrise de l'eau. Ces parcelles occupent néanmoins une place privilégiée dans la production de paddy. Quelle est la répartition de ces surfaces dans les exploitations ?

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