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CHAPITRE 4 : PLACE DU PADDY DANS LE FONCTIONNEMENT DES EXPLOITATIONS

2.2 Les stratégies de compensation des déficits de soudure

91/92 91/92 86/87 91/92 91/92 91/92 90/91 88/89 88/89 88/89 Année --- 89/90 92/93 ? ? 89/90 92/93 92/93 ? 92/93 91/92 & 92/93 Résultats **

+ - + - ≈ - --

* stockage d'une partie de la production en magasin de stockage

** appréciation des résultats globaux de la campagne (stocks de riz, vente de paddy, revenus)

+ : bonne année; ≈ année moyenne ; - mauvaise année; -- année très mauvaise

Ces chiffres soulignent l'extrême précarité de ces exploitations en matière de sécurité vivrière. Les aléas hydriques se traduisent directement sur le niveau des stocks, et sur la part de paddy autoconsommé. Quelles sont les stratégies développées pour faire assurer l'autoconsommation familiale ?

2.2 Les stratégies de compensation des déficits de soudure

Pour compenser ces déficits, les producteurs mettent en jeu des stratégies variées dans lesquelles les emprunts usuraires d'argent ou de paddy occupent une place privilégiée. De ce fait, ces déficits vivriers même réduits sont susceptibles d'entraîner d'importants prélèvements dans les stocks familiaux et donc sur les disponibilités vivrières et financières de la campagne suivante.

2.2.1 L'organisation des assolements

Le riz pluvial occupe une place particulière dans la plupart des exploitations car elle permet une récolte avancée (dès la mi-avril).

Sept exploitations sur dix n'ont pas cultivé de riz pluvial en 92/93. Mais cette production s'intègre de façon différente dans le fonctionnement des exploitations. Pour certains (NO, KO, RB, RZ, GA) cette production est complètement prise en compte dans la gestion de la trésorerie et du paddy. Une mauvaise récolte en riz pluvial pénalise à la fois le ménage et la mise en place des cultures maraîchères. Le volume total à produire est évalué en début de campagne en fonction de l'état des stocks et permet de préciser les surfaces à semer et les soins portés à cette production en fonction des terrains et de la main d'oeuvre disponible. Dans les autres exploitations, cette culture ne fournit qu'un appoint, bienvenu certes en cas de déficit (JB, ED, BO) mais sur lequel l'exploitant ne s'appuie pas. Dans ce cas, il s'agit plus d'une production spéculative. Ainsi, selon les exploitations, le riz pluvial s'intègre ou non dans la sole de riz de l'exploitation.

Mais la gestion de la soudure met en jeu d'autres stratégies d'assolement ou d'organisation des récoltes que celle du riz pluvial. Certains s'appuient également sur l'existence de "parcelle de soudure" à maturité anticipée ou sur des modalités de coupe journalière. Ainsi, durant les mois de mars, avril et mai, RB gère son paddy à la limite de ses stocks, des coupes journalières anticipées de petites surfaces (1 à 2 ares) assurant le "sakafo57" journalier avant fin mars et mi mai. Ces parcelles de soudure peuvent être des parcelles mises en place précocement avec des variétés hâtives (comme Rojofostsy ou 1285) que l'on retrouve dans les exploitations de RB, ou KO. L'objectif n'est pas la quantité produite mais la précocité de la maturité, qui se trouve avancée de un à deux mois par rapport aux autres parcelles. Ce paddy de soudure (incluant le riz pluvial) peut représenter jusqu'à 10 % du paddy total géré sur une année.

2.2.2 La place du salariat temporaire et des prêts de paddy

Le salariat temporaire occupe une place importante durant la soudure dans le fonctionnement des exploitations de métayers. Les salaires permettent en effet de fournir les besoins quotidiens en riz de la famille soit par paiement en nature ou en offrant la possibilité d'achat de la ration sur un pas de temps régulier (hebdomadaire dans le cas de KO, journalier chez FX). En janvier et février, ces exploitations s'appuient sur le salariat des femmes au repiquage. En mai et juin, ce sont les travaux de coupe et de mise en meule des hommes qui assurent l'équilibre alimentaire de la famille (KO, GA), quand la production de riz pluvial est épuisée. GA peut d'ailleurs être considéré comme un salarié à temps plein: après le début de saison où il travaille chez un oncle, il est en permanence à la recherche de contrats divers. Essentiels dans l'équilibre alimentaire et financier des exploitations de métayers, ces salaires en paddy n'ont qu'un rôle d'appoint chez FX.

En fait les exploitations combinent plusieurs stratégies pour compenser les déficits en riz au moment de la soudure et trouver l'argent nécessaire au financement des travaux. La vente de produits maraîchers chez KO joue ainsi un rôle important au début de la saison (novembre, décembre), c'est à dire avant le début des repiquages. De plus, dans cette exploitation,

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l'ampleur du déficit est telle que celui-ci substitue un repas de riz quotidien par un plat de manioc à partir du mois de février et ce jusqu'à la récolte du riz pluvial.

Lorsque les possibilités de salariat sont limitées, les emprunts de paddy (misambobary) voire de récolte sur pied (BO58

) remboursable au triple à la récolte permettent de faire face au déficit alimentaire. Cette solution se retrouve chez RZ, GA et JB.

Après la mise en place du riz et pendant la période de soudure les flux monétaires se réduisent, (sauf pour KO et FX qui achètent du riz de façon régulière). La vente de riz pluvial en pleine soudure permet de financer la mise en place des cultures maraîchères de contre saison avec l'achat des semences, urée et produits phytosanitaires nécessaires. La part de ces productions dans les revenus du ménage et la trésorerie explique l'arbitrage entre la consommation du paddy et la vente pour avoir de l'argent frais (Tableau 21)

Tableau 21 : Part des cultures maraîchères dans la trésorerie des exploitations et part de riz pluvial dans le financement de la mise en place de ces cultures.

KO NO RZ GA BO

% Marge brute du maraîchage / Revenu total + 7 +73 + 23 + 43 + 16

% Maraîchage / Produit Brut 27 84 27 68 13

Riz pluvial vendu à la soudure (kg) 27 140 40 0 0

% des revenus tirés du Riz Pluvial durant les mois de mars/avril par rapport aux autres sources de revenu

21 100 100 0

(salariat)

0 (manioc)

2.2.3 Le rôle des solidarités familiales

L'analyse de la gestion du paddy met en évidence des stratégies d'entraide inter-exploitation. Ainsi, FX n'a pas fait appel aux emprunts de paddy en dépit de l'important déficit qu'il connaît (il s'agit de la plus longue période de soudure de notre échantillon avec 28 semaines de déficit). Outre le salariat de son épouse au moment des repiquages et les travaux de coupe qu'il réalise en mai, celui-ci bénéficie également d'une aide financière et d'un prêt de paddy (sans intérêt) de la part de son père durant les mois difficiles de mars/avril. Les ménages aisés peuvent également prendre en charge durant la période de la soudure une partie ou la totalité des repas de parents (ED, MA). On peut également citer les prêts de paddy à la récolte que ED accorde à l'un de ses fils, prêt plus ou moins lié à des mécanismes fonciers qui seront analysés ultérieurement.

2.2.4 Ajustements aux imprévus

La comparaison entre les plans de financement et les modalités de gestion du paddy met en évidence les ajustements réalisés en cours de campagne pour faire face aux imprévus. Ils

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Cet exploitant ne nous a pas explicitement détaillé les modalités de financement de la soudure. Il nous a simplement précisé avoir dû "acheter" une cinquantaine de vata de paddy ce qui correspond globalement à ses besoins de paddy durant la période. Il s'agit probablement d'une avance sur récolte, ce qui permet de prendre en compte le décalage entre l'état de ses stocks au 28 juin, le nombre de sacs récoltés (comptabilisation à la récolte) et les transactions déclarées.

concernent surtout des obligations sociales exceptionnelles (maladie, décès) qui ont entraîné des dépenses alimentaires et financières non prévues, entamant à la fois les stocks vivriers et la trésorerie (RZ, NO). Pour faire face à ces dépenses imprévues, ou au déficit ultérieur créé, ces exploitations ont dû faire appel à des emprunts usuraires de paddy ou financiers. Ces emprunts sont remboursables en juillet voire avant la fin juin.

Il peut s'agir d'imprévu positif comme RB qui s'est trouvé avec un excédent de trésorerie à la fin décembre du fait d'une part de l'arrivée tardive d'un crédit (association de crédit expérimental) et du fait du déroulement de la campagne (passage au semis direct au lieu du repiquage). Cet excédent lui a permis de prendre une parcelle de 1 ha supplémentaire en location.

2.2.5 Conclusion

Pour certaines exploitations, la soudure est un phénomène récurrent accepté et intégré dans les modalités de gestion de la trésorerie et de l'exploitation. Les paysans anticipent sur ces déficits et mettent en place des stratégies diversifiées combinant organisation des assolements, du travail des membres de la famille ou des stratégies d'entraide. Pour d'autres en revanche, il s'agit d'un risque lié au déroulement de la campagne (dépenses imprévues en cours de campagne) ou aux résultats de la campagne précédente (mauvaise récolte). Les conséquences en sont plus ou moins graves selon la sévérité du déficit.