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CHAPITRE 2. PROBLEMATIQUE

2.4 Régulation de la production par les techniques culturales

2.4.1 Place des orientations stratégiques

Ces processus de régulation par le foncier mettent en jeu les décisions stratégiques de l'exploitation, c'est à dire les conditions par lesquelles l'agriculteur s'adapte à son environnement pour atteindre ses objectifs. Les choix techniques relèvent quant à eux de deux types de décisions : les orientations techniques décidées avant le début de la campagne ou choix stratégiques, et les ajustements tactiques effectués au fur et à mesure de son déroulement. Comment s'organisent les relations entre gestion de l'espace et conduite des cultures ?

Pour les agronomes, ces stratégies d'anticipation peuvent être liées par trois grands types de déterminants : la diversité et les potentialités du milieu, le système de production vu comme un système finalisé par les objectifs de la famille, et les nécessaires arbitrages à réaliser pour affecter des ressources limitées sur un espace donné.

• Diversité et valorisation des potentialités du milieu.

En riziculture, de nombreux auteurs font référence à la diversité des itinéraires techniques en liaison avec la variabilité du milieu. Dans les cultures de sorgho du Nord-Cameroun (De Steenhuijsen, 1993), la combinaison d'une localisation géographique et de conditions de milieu (plus ou moins construit par l'agriculteur au fil de ses pratiques de fertilisation) permet de définir des types de parcelles qui bénéficient d'itinéraires techniques et de niveaux de rendement voisins. Ces types de parcelles peuvent être mis en relation avec des systèmes de production différents.

Les géographes ont mis en évidence la très fine appréciation qu'ont les agriculteurs de leur terroir; c'est le cas des paysans des Hautes-Terres malgaches qui différencient plusieurs types de rizières selon les conditions de mise en eau (Blanc-Pamard, 1986; Fusijaka, 1990), ou encore des riziculteurs des Hauts-Plateaux thaïlandais (Riggs, 1986). Pour ces derniers, les choix variétaux et modalités de fertilisation dépendent d'abord de la position de la rizière dans la toposéquence et des risques hydriques associés.

• Des choix techniques opérés dans un cadre donné : le système de production

L'ensemble des ressources mobilisables et des objectifs de l'agriculteur et de sa famille forment ainsi un cadre, un jeu de contraintes et potentialités qui déterminent les possibilités techniques et leur mise en oeuvre en pratique. Des choix techniques en riziculture comme le mode de mise en place (repiquage, semis sur boue) ou les modalités de désherbage relèvent de ces processus dans les systèmes rizicoles de la vallée du fleuve au Sénégal (Capillon et Caneil, 1987) ou en Thaïlande (Trebuil, 1989). Dans une autre culture vivrière comme le

manioc, Mollard (1992) montre aussi les implications entre fonction du manioc dans le système de production, contraintes à la production et choix techniques opérés par les cultivateurs ivoiriens.

Le choix des systèmes culturaux (repiquage ou semis) dans les exploitations du Lac Alaotra dépend également de l'organisation des systèmes de production, en fonction des risques hydriques tels qu'ils sont perçus (Blanc-Pamard, 1989).

• Arbitrage et différenciation des itinéraires techniques.

Dans des conditions où les disponibilités financières des agriculteurs sont limitées, les opérations techniques, notamment au moment de la mise en place des cultures sont souvent soumises à des contraintes de temps soit pour des problèmes de ressource en main d'oeuvre ou en équipement par rapport aux surfaces à mettre en valeur et/ou pour des contraintes de calage des cycles culturaux par rapport aux impératifs climatiques. Notons qu'il est toujours possible de contourner ce problème en engageant un nombre plus important de salariés ou par des choix stratégiques de suréquipement par exemple, mais ces options nécessitent une certaine disponibilité en trésorerie ou capital.

En agriculture manuelle africaine, les choix en matière d'affectation des ressources dans des parcelles relativement grandes aboutissent à une très forte différenciation des itinéraires techniques au sein de sous-parcelles (Milleville, 1976). Dans les conditions motorisées de la céréaliculture de Picardie, les agriculteurs procèdent par un regroupement des parcelles à traiter de façon homogène pour une opération technique donnée; ces procédures de gestion de ressources limitées aboutissent de la même façon à la différenciation des itinéraires techniques au sein d'une même sole de blé (Aubry, 1995).

La dispersion géographique des parcelles d'une même culture favorise ces différenciations techniques. Elle favorise également la mise en valeur de milieux différents. Les différents itinéraires techniques mis en oeuvre relèvent alors de processus d'arbitrage entre les différentes parcelles/systèmes de culture et/ou de mise en valeur de potentialités différentes du milieu.

Nous supposons donc que les stratégies anti-aléatoires développées au niveau foncier déterminent les stratégies d'anticipations techniques. Il s'agit de caractériser ces stratégies, leur diversité et leur efficacité sur la régulation de la production.

a) La place des ajustements tactiques

En situation peu sécurisée comme dans les agricultures soudanno-sahéliennes, les systèmes de production et les pratiques se caractérisent par leur grande souplesse et capacité d'adaptation (Milleville, 1989). Ces adaptations mettent en jeu aussi bien les réorientations d'assolement (choix des variétés selon leur cycle en fonction de la date de semis, voire nature des productions) que des opérations techniques comme les modalités de sarclages. Ainsi, dans le cas soudano-sahélien, les pratiques ne visent pas tant à valoriser un premier semis réussi en assurant un sarclage précoce qu'à assurer la mise en culture de la totalité de la ou des parcelles (Milleville, 1976; Dugue, 1989).

La littérature souligne donc la grande flexibilité des itinéraires techniques en conditions de risques. Il s'agit donc de dégager la place de ces adaptations dans les processus de régulation de la production de riz, leur importance et les marges de manoeuvre dont disposent le riziculteur compte tenu des orientations prises en début de campagne. Il n'en reste pas moins ces possibilités d'adaptation sont limitées par les ressources de l'exploitation. Dans ces

conditions, la mobilisation des ressources extérieures comme les mécanismes d'entraide ou de mise en commun d'équipement peuvent occuper une place déterminante. Il convient donc préciser leur importance dans les mécanismes d'ajustement.

La détermination de l'efficacité de ces processus passe par la compréhension des modalités d'élaboration du rendement dans l'Alaotra. A quel niveau de l'itinéraire technique, l'agriculteur peut-il intervenir pour contrôler la production ? Il s'agit donc de préciser les points et phases-clefs d'intervention, ainsi que les marges de manoeuvre possibles.

2.5 Conclusion

Ainsi, nous proposons d’analyser les comportements techniques des riziculteurs sihanaka à partir du modèle explicatif suivant :

(a) Le riziculteur sihanaka répond à la situation d'incertitude et d'aléas par une gestion globale de sa sole de riz, afin de produire un niveau minimum de paddy pour satisfaire ses besoins alimentaires et financiers.

(b) Dans un contexte de contraintes fortes, d'incertitudes multiformes et de risques, la régulation de ce niveau de production fait intervenir:

Æ des stratégies d'anticipation qui organisent l'assolement en riz, les activités de diversification en fonction des contraintes et potentialités du système de production,

Æ Des modalités de gestion de moyens limités nécessitant une répartition des ressources entre les différentes activités

Æ Des ajustements en cours de campagne en fonction de l'évolution de la conjoncture climatique mais aussi économique et sociale.

Æ Des stratégies d'entraide inter-exploitations permettant de faire face à la limitation des ressources et aux variations brutales de l'environnement

(c) Les modalités de gestion des stocks vivriers, révélateurs de la sensibilité aux aléas, sont au centre de ces stratégies contrealéatoires développées.

Notre point de vue pose donc la dimension spatiale de l'exploitation et les modalités de gestion techniques en conditions d'incertitudes comme essentielles pour rendre compte de la diversité des itinéraires techniques rencontrée dans la plaine rizicole de l'Alaotra. Organisation de la sole de riz, relation avec les stocks et flux de paddy sont indissociables des raisonnements techniques et des stratégies antialéatoires développés.

3 METHODOLOGIE

Comment étudier ces différents niveaux et pas de temps de contrôle de la disponibilité vivrière et leurs interactions ? L'analyse de choix opérés entre pour l'organisation de l'espace et la conduite des systèmes de culture, au niveau stratégique et opérationnel relève d'une double approche méthodologique :

• l'approche globale du fonctionnement des exploitations qui permet de rendre compte des évolutions et des orientations des systèmes de production.

• Le niveau des pratiques culturales.

Après avoir précisé le cadre conceptuel sur lequel s'appuie cette étude, nous nous efforcerons de dégager les choix méthodologiques réalisés.