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1.4 La justification `a court terme de la d´evaluation

2.1.3 Rigidit´e des prix

Jusqu’`a pr´esent, les salaires et les prix ´etaient suppos´es parfaitement flexibles permettant `a l’´economie de s’ajuster de fa¸con optimale. Cet ajustement se traduit par une baisse de la production et de la profitabilit´e et d’une appr´eciation du taux de change r´eel. Nous allons nous int´eresser au cas plus r´ealiste o`u les prix et salaires sont rigides. Les agents seraient alors rationn´es `a la mani`ere du mod`ele `a prix fixes [Malinvaud (1977)].

Dans le cas de flexibilit´e, l’effet de d´epense a pour effet d’augmenter le prix des biens non ´echangeables afin de r´epondre au suppl´ement de demande. Avec un taux de change fixe, l’ajuste-ment mon´etaire induit par cet effet vient renforcer l’augl’ajuste-mentation du prix des biens ´echangeables. En r´egime de changes flexibles, l’effet de liquidit´e vient temp´erer l’appr´eciation r´eelle. Dans les deux cas, il est attendu que salaire nominal augmente.

On suppose maintenant que le choc exog`ene se produit alors que l’´economie est en situation d’´equilibre walrasien, mais que les prix ne s’ajustent instantan´ement. Le boom va alors provoquer, en un premier temps, une situation de (quasi) inflation contenue o`u il y demande exc´edentaire sur le march´e du bien mais ´equilibre sur le march´e du travail. Dans un deuxi`eme temps, selon l’´evolution dynamique des prix et des salaires, l’´economie va se trouver soit en r´egime de chˆomage classique, soit en r´egime d’inflation contenue [Corden, Van Wijnbergen (1984)etGelb (1988)].

On suppose dans ce qui suit que le secteur p´etrolier est une enclave9

Consid´erons d’abord le march´e du travail, comme l’offre de travail est exog`ene et qu’il n’y

9Dans le cas o`u le secteur p´etrolier n’est pas une enclave, l’effet de r´eallocation des ressources pourrait favoriser le d´eveloppement de l’inflation contenue, CORDEN(1984).

a pas d’effet de r´eallocation de ressources, le lieu notionnel est inchang´e si les m´enages sont rationn´es dans le march´e des biens non ´echangeables. L’offre de travail est fix´ee et les firmes sont sur leur courbe de demande de travail notionnelle. La courbe LL est donc la mˆeme que celle de la figure jusqu’au point A qui repr´esente l’´equilibre walrasien. A droite de ce point, il y a exc`es d’offre de biens non ´echangeables, les producteurs sont alors rationn´es sur ce march´e et vont donc r´eduire leur demande de travail. L’´equilibre du march´e de travail dans cette r´egion est donn´e par la droite LN . Le trait caract´eristique de ce lieu est qu’il d´epend n´egativement du prix relatif p car l’emploi est maintenant d´etermin´e par la demande : la droite LN est donc d´ecroissante.

Consid´erons maintenant le lieu d’´equilibre du march´e des biens non ´echangeables. Si on fait l’hypoth`ese simplificatrice que tous les biens sont destin´es `a la consommation courante (on n’introduit pas les stocks) et que le secteur est lui aussi rationn´e sur le march´e du travail10, les points d’´equilibre des offres effectives pour ce secteur co¨ıncide avec la courbe LN .

Fig. 2.5 – La rigidit´e des prix

Dans le cas d’une offre exc´edentaire sur le march´e du travail, le niveau de revenu ´etant d´etermin´e de fa¸con endog`ene, le lieu d’´equilibre du march´e des biens est croissant mais de pente plus forte que celle du lieu notionnel. Ce lieu est repr´esent´e par N N sur la figure (2.5).

En tenant compte des effets de report entre les march´es, un r´egionnement de l’espace (w,p)

10Si une des deux hypoth`eses n’est pas v´erifi´ee, les deux lieux d’´equilibre ne co¨ıncideraient pas et la r´egion interm´ediaire correspondrait `a un r´egime de sous consommation o`u il y a exc`es de demande de travail et exc`es d’offre de biens non ´echangeables. Les firmes ne peuvent pas ˆetre contraintes sur leurs ventes et demander plus de travail.

donne trois r´egimes ´economiques : CC pour le chˆomage classique o`u il y a exc`es de demande de biens et exc`es d’offre de travail , CK pour le chˆomage keyn´esien o`u il y a exc`es d’offre de biens et de travail et finalement IC pour l’inflation contenue o`u il y exc`es de demande de bien et de travail.

Dans le cas d’une enclave, et avec une offre de travail exog`ene, le choc exog`ene n’affecte pas le lieu LL. L’effet de d´epense entraˆıne une plus forte demande de biens non ´echangeables (et ´echangeables) : la courbe N N (et LN ) se d´eplace vers la droite. L’´equilibre se d´eplace vers le point B correspondant `a l’´equilibre post-boom.

Cependant, en raison de rigidit´es, l’´economie reste `a court terme en A, sur la fronti`ere commune des deux r´egions d’inflation contenue et chˆomage classique, o`u il y a ´equilibre sur le march´e du travail mais exc`es de demande pour les biens non ´echangeables qui ne s’est pas encore traduit en d´es´equilibre sur le march´e du travail.

Durant l’ajustement, c’est-`a-dire le passage du point A au point B, l’´economie peut se re-trouver dans l’une des deux r´egions CC ou IC selon le sch´ema d’indexation du salaire.

Pour cela, Van Wijnbergen (1984) introduit une courbe de phillips augment´ee des anticipa-tions parfaites sur les prix.

c

W = θ cPN + (1 − θ) cPT + ϕ(LD− L) (2.5)

Le prix relatif des biens non ´echangeables est suppos´e varier graduellement en r´eponse au d´es´equilibre.

c

PN = cPT + µ(CN− YN) (2.6)

A la suite du choc, le salaire r´eel en termes de biens ´echangeables w va augmenter, ce qui entraˆıne une diminution de la demande du travail. Le salaire r´eel en termes de biens non ´echangeables diminue. La question est de savoir si ce dernier diminue assez pour absorber cet exc`es d’offre de travail. Ceci d´epend de la part des biens non ´echangeables dans la consommation. Si le bien non ´echangeable repr´esente une part importante des d´epenses de consommation, l’indexation du salaire nominal provoque une faible baisse du salaire r´eel en termes de biens N mais le salaire r´eel du secteur des biens ´echangeables augmente fortement. L’augmentation de la demande de travail dans le secteur N n’est pas suffisante pour absorber la totalit´e des travailleurs lib´er´es par le secteur T. Il y a dans ce cas chˆomage classique.

Inversement, si la part des d´epenses en biens non ´echangeables est faible, l’augmentation de la demande de travail dans le secteur N est plus forte que la diminution dans le secteur des biens ´echangeables d’o`u une situation d’inflation contenue.

Comme le notent Neary et Van Wijnbergen (1986) et Gelb (1988), ce r´esultat semble en accord avec l’exp´erience de plusieurs pays ayant connu un choc externe positif. Ainsi, les pays du Golfe Persique, o`u la plupart des biens de consommation sont import´es, correspondent au cas de l’inflation contenue. Le choc p´etrolier a eu pour cons´equence un exc`es de demande de travail qui a drain´e un grand volume de main d’œuvre ´etrang`ere.

En revanche, dans certains pays comme l’Alg´erie, l’Egypte, l’Indon´esie ou le Venezuela [Conway et Gelb (1988)], les barri`eres douani`eres et un syst`eme de prix administr´es ont en-traˆın´e un fort taux de chˆomage.

Il a ´et´e d´ej`a vu lors du commentaire de la figure (2.4) que sous un r´egime de change fixe, l’effet d’un choc exog`ene engendre des pressions inflationnistes. Une p´enurie sur le march´e de biens non ´echangeables peut en r´esulter, en particulier en pr´esence de contrˆole de prix. Le processus d’ajustement r´eel de l’´economie face au boom est alors plus long `a se r´ealiser.

Il est par ailleurs int´eressant de noter, qu’a l’inverse, la rigidit´e des prix des biens non ´echangeables peut entraˆıner, paradoxalement, un exc`es d’offre sur ce march´e.

Nous avons vu que dans le cas d’un r´egime de change flexible, `a offre de monnaie constante, l’effet de liquidit´e `a pour cons´equences de faire baisser le niveau g´en´eral des prix. Si cet effet domine les effets r´eels alors le prix relatif des biens non ´echangeables devra ´egalement diminuer. S’il y a rigidit´e `a la baisse et si les march´es de capitaux sont parfaits, alors l’´equilibre sur le march´e de la monnaie ne peut se r´ealiser que par l’appr´eciation nominale du taux de change, `a niveau plus ´elev´e que celui qui est requis en cas de flexibilit´e. La rigidit´e `a la baisse du prix relatif des biens non ´echangeables implique donc une surr´eaction du taux de change nominal. A court terme, le nouvel ´equilibre apr`es boom passe du point A au point B situ´e sur la nouvelle droite d’´equilibre du march´e de la monnaie. Au prix PN, il y a exc`es d’offre sur le march´e des biens non ´echangeables et chˆomage (en supposant que ce d´es´equilibre se transmet au march´e du travail). L’´economie va se diriger vers le point d’´equilibre de long terme C.

Pour le secteur des biens ´echangeables, la surr´eaction `a court terme du taux de change affecte la profitabilit´e et la production. La rigidit´e `a la baisse du prix PN exacerbe ainsi le syndrome hollandais en r´egime de change flexible.

Nous avons pr´esent´e jusque l`a le mod`ele de base du syndrome hollandais et quelques ex-tensions «sp´ecifiques» aux pays en d´eveloppement dont le but est d’analyser l’impact ma-cro´economique des chocs externes positifs permanents (ou anticip´es comme tels). Dans le mod`ele de base o`u l’´economie ne connaˆıt aucune distorsion sur le march´e des biens et des facteurs, un choc exog`ene permanent engendre deux effets r´eels, «effet de d´epense» et «effet de r´eallocation

Fig. 2.6 – Les effets de rigidit´e des prix sur l’offre des biens N

de facteurs», et un effet mon´etaire «effet de liquidit´e» dont les cons´equences sont une forte appr´eciation r´eelle et une «d´esindustrialisation» du secteur des biens ´echangeables (industrie manufacturi`ere et agriculture, notamment) hors secteur p´etrolier. Cet ajustement ´economique est consid´er´e comme optimal s’il n’existe pas d’imperfection de march´e. Dans le cas de rigidit´es de prix et de salaires, cet ajustement peut entraˆıner du chˆomage.

Cependant, un paradoxe important est not´e dans la litt´erature selon lequel, dans beaucoup de pays en d´eveloppement, la rente p´etroli`ere a permis la cr´eation d’un tissu industriel important et a ´et´e la source de financement d’un fort taux d’investissement. D’autre part, souvent l’indus-trie n’a pas ´et´e touch´ee par cette baisse de profitabilit´e. Plusieurs facteurs ont ´et´e recens´es, notamment le probl`eme pos´e par la d´efinition d’´echangeabilit´e.

La distinction entre secteurs ´echangeables et non ´echangeables sur laquelle repose la th´eorie du syndrome hollandais est mise en d´efaut pour beaucoup de pays en voie de d´eveloppement qui ont men´e des politiques industrielles de substitution aux importations et qui ont, dans ce cadre, eu recours `a une forte protection de leur industries `a, travers notamment des restrictions quantitatives.